Jacques Tourneur La Féline

Fantastique

Affiche américaine de "La Féline"

Note :
3/5
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Synopsis

Une jeune New-yorkaise d’origine serbe, Irena Dubrovna, est terrifiée à l’idée d’être la descendante d’une race de femmes-panthères qui se métamorphosent en félines lorsque leurs passions sont éveillées. En dépit de ses craintes, elle épouse Olivier Reed. Mais la situation entre les jeunes mariés se dégrade, car outre son refus de se donner à son mari, Irena adopte un comportement inquiétant.

Critique personnelle

La Féline est le dixième long-métrage de Jacques Tourneur mais c’est le premier qui remporte un franc succès. C’est aussi celui qui montre sa façon particulière de traiter le genre fantastique, entretenant la tension par la suggestion, le jeu des éclairages et des ombres. Par la suite, ce réalisateur d’origine française fera de nombreux autres films fantastiques, tels L’Homme-léopard (1943) ou Night of the Demon (1958), ainsi qu’un épisode de la fameuse série télévisée La Quatrième dimension. Il réalise également des films dans d’autres genres que le fantastique. Mais La Féline a à ce point marqué le fantastique cinématographique que Tourneur en réalisa une suite et qu’il fit l’objet d’un remake.
La féline

Dans ce film, on rencontre Irena Dubrovna. Cette jeune dessinatrice de mode originaire de Serbie passe des heures à dessiner la panthère d’un zoo puis à jeter ces dessins. L’obsession dont elle est victime est annoncée dès le départ. Irena pense en effet être la descendante d’un peuple de femmes maudites, qui se transforment en panthères lorsqu’elles sont embrassées par un homme, ou lorsqu’on éveille leur jalousie et leur colère. Bref, qui se métamorphosent en bêtes dès lors que leurs passions sont éveillées. La symbolique psychologique est évidente : la peur de la femme et de ses instincts primaires fait d’elle une bête.

Mais Irena, qui jusqu’alors se tenait éloignée de toute tentation en demeurant seule, tombe amoureuse d’Oliver Reed. Celui-ci l’épouse, bien qu’étant au courant de son étrange obsession. Irena se retrouve alors déchirée entre son amour pour son mari et sa peur de devenir, à son tour, une panthère. Cela la tourmente tant que son mari l’encourage à consulter un psychiatre, pensant que sa femme approche dangereusement de la démence.

Entre-temps, Oliver s’est rapproché d’une collègue de travail, éveillant ainsi la jalousie de sa femme. Et des événements inquiétants surviennent : une panthère vient ainsi tourmenter Alice (la collègue d’Oliver) alors qu’elle est seule dans une piscine. Se pourrait-il que l’obsession d’Irena ne soit pas née d’un conte mais soit bel et bien réalité?

Jacques Tourneur nous indique dès le début la nature particulière d’Irena. Lorsqu’elle propose à Oliver de prendre le thé chez elle, lors de leur première rencontre, l’ombre des fenêtres forment comme les barreaux d’une cage sur la porte d’entrée de son appartement. Cet appartement, c’est en quelque sorte la cage d’Irena, là où elle confine sa nature animale. Mais en y faisant pénétrer Oliver, elle ouvre en quelque sorte cette cage. Irena aura d’ailleurs un moment de trouble, consciente de l’ouverture de cette cage.

La féline

D’autres indices sont également semés ici et là, et le spectateur moderne les comprendra aisément, habitué à ces ficelles. Certains pourraient être ennuyés par cette histoire dont on devine facilement le déroulement. Néanmoins, on ne peut qu’admirer le travail qui a été fait quant au jeu des ombres et la façon dont Jacques Tourneur suggère les choses. Le noir et blanc ne faisant que donner plus de charme à ce classique du cinéma fantastique.

Avant même Catwoman, des félines se promenaient déjà dans les rues de New York, et si dans le film elles apparaissent comme des êtres maudits, la pitié qu’éprouvent pour elles Oliver Reed et Alice est partagée par le spectateur. Le déchirement d’Irena entre sa véritable nature et son désir de se conformer à une vie normale rappelle une époque (qui n’est pas forcément révolue) où des femmes devaient étouffer leurs aspirations réelles, considérées comme mauvaises, afin de se couler dans le moule que les esprits bien-pensants estimaient être le droit chemin. La scène où Oliver et Alice sont piégés dans leur bureau par Irena transformée en panthère est tout à fait parlante sur ce point. Oliver brandit une règle d’architecte, arme dérisoire. Mais sur le mur, l’ombre de la règle forme comme une croix chrétienne et Oliver invoque Dieu. La panthère s’en va alors.  Le message est clair : laisser parler ses bas instincts (la jalousie) est mal.  Pourtant, Oliver parle plus loin de divorcer. Nous sommes à une époque charnière : la société est encore prise entre un puritanisme bien pensant, étouffant la nature réelle des gens (en particulier des femmes) et le besoin de modernité. Et, en ce sens, je trouve que La Féline révèle bien le regard que l’on portait sur la femme à cette époque ainsi que, à l’instar du mythe du loup-garou, la peur de l’homme civilisé envers ses propres instincts primaires, animaux.

La féline

Références

  • Acteurs : Simone Simon, Kent Smith, Tom Conway
  • Année : 1942
  • Durée : 1 h 13
  • Genre : drame fantastique
  • Pays : Etats-Unis
  • Scénario : DeWitt Bodeen