Arno Mothra Chronique de La Paraphrénie du ventre vide

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L’argument

Envie de vous promener dans un labyrinthe littéraire et de vous faire happer par trente-trois portes de soufre et d’inquiétude? Ouvrez immédiatement cette Paraphrénie d’un ventre vide qui vous digérera en moins de temps qu’il ne vous en faudra pour achever cette œuvre sombre et d’une étrangeté déconcertante. Trente-trois mini-contes dont l’éclectisme nous éclabousse tour à tour de la cruauté d’un enfant aux jeux dangereux, du désespoir d’une chaussette sans domicile fixe ou de l’amour ardent qui se déclare en torrents poétiques et pudiques. Il est difficile de pouvoir donner une photographie de ce recueil d’histoires et de mots enchevêtrés, car ce livre est la somme de plusieurs mondes qui se succèdent à toute vitesse. Des sentiments tissés de poésie, des fragments de vie et de pensée saisis au vol et en toute indiscrétion, c’est là la savante recette du projet polymorphe concocté par Arno Mothra.

Genre

Assaut poétique désarticulé

ça commence comme ça

INTRO(spection) : Du cœur et de l’esprit. Le cercle, le centre, le carré et la croix. Ton ventre déborde. Peut-être que tout ceci n’est qu’un rêve dont tu ne te réveilleras jamais…Centrer le cercle dans le carré, y planter la croix : il fait froid, il fait vide, il fait chaud. Peut-être que tout ceci est psychiatrique, que tu ne comprends même pas tes esquisses de vouivre à deux têtes explosant dans ton bassin. Le miroir tue des deux côtés, et l’électricité ne parcourt plus son chemin à travers les câbles : telle une ampoule grillée, tu t’éteins. Tu n’aurais pas du chercher plus loin. Le vent et la neige sillonnent tes montagnes noires.

Avis personnel

Amoureuse ardente des écrits classiques et des phrases aussi belles que longues, je fus pourtant enchantée par ma lecture de la Paraphrénie du ventre vide. Le style est parfois haché et direct, parfois seulement car l’éclectisme est ce qui caractérise le mieux cet ouvrage. Les phrases sont belles et le vocabulaire, savamment choisi pour troubler et dégager une puissance certaine. Et plus que de puissance, je pourrais définir de « violence » ce qui suinte au creux de ces pages sombres et profondes. Cette lecture m’a installée dans un théâtre burlesque, où les personnages souffrants et grimaçants m’exposaient leur bile et leurs états d’âme. Les sentiments et les situations laissent un goût de sang dans la bouche. J’ai été particulièrement impressionnée par Killing game, une montée en puissance atroce où le choc frontal de l’enfance et de la cruauté décadente m’ont laissée sans voix. L’horrible côtoie la dépression, l’enthousiasme enlace le glauque et le lecteur s’en sort épuisé. « Vous êtes priés de ne pas mourir sur le trottoir » indique-t-on à un suicidaire non pratiquant, fervent lecteur de Cioran. Et là, je ne peux que me délecter de cette atmosphère pesante et du goût de mort et de folie arboré par ces pages fantasmatiques. Cette lecture s’est joué de moi et m’a laissée un peu étourdie, tout à fait ravie et plus gourmande encore, car j’aurais aimé plonger plus loin et davantage qu’au fond de trente-trois piscines de sang et d’onirisme fou.

Grain de sable

La Paraphrénie du ventre vide conceptualise l’héboïdophrénie, forme de schizophrénie, et se définit comme un projet à la fois littéraire, graphique et musical. Une deuxième version du livre accompagné d’un CD est à paraître prochainement.

Gramophone

La bande originale du livre sera composée de morceaux d’artistes tels ACWL, Punish Yourself ou Sari Mata. Néanmoins, le malsain qui suinte de cet ouvrage étrange m’a renvoyée aux passages musicaux désarticulés de Korn, dont les ambiances malsaines siéent fort bien au propos littéraire.

Sur le mur

Le graphisme du livre a été réalisé par le dessinateur Mickael LAYR et je trouve qu’il traduit à la perfection la délicieuse oppression que m’a inspiré cette lecture. La sobriété faussement paisible du noir et du blanc décline tout en profondeur l’irréalité de ces pages sombres.

Dans la même veine

Le roman Saturne de Christophe Lartas, chroniqué sur la Lune Mauve, présente des similitudes dans la brutalité vicieuse et sans détours opérée dans la Paraphrénie.

A propos d’Arno Mothra

Artiste prolifique, Arno Mothra a lancé les Editions Komakino en juin 2008 après la publication d’une dizaine de romans autodistribués depuis 2005. Outre La Paraphrénie du ventre vide, il a publié La fausse couche du paraphrène en juillet 2008 et Amylène analgésique en septembre 2008. Arno Mothra est également rédacteur dans plusieurs fanzines tels Twice, Cacarm ou Métastases.

Références

Editions Kamakino, Janvier 2010, 124 pages.

Liens et sources

Myspace d’Arno Mothra

Page web de l’ouvrage, avec écoute gratuite de sa bande originale disponible prochainement

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