Sophie Dabat Changelins : Evolution

Roman fantastique identitaire

Couverture de "Changelins" tome 1 de Sophie Dabat

Note :
4/5
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L’argument

Syrine, adolescente marseillaise, a emménagé à Rennes, avec sa famille. Elle espère y redémarrer une nouvelle vie, après de difficiles événements : des douleurs inexpliquées au dos, une voix étrangère et agressive dans sa tête, des cauchemars sanglants… Mais à Rennes, rien ne s’arrête, et Syrine, qui se questionne de plus en plus sur son état mental comme de santé, est proche de sombrer dans la folie tandis que personne ne l’accepte dans son nouveau lycée…

Ça commence comme ça

Prologue

Samedi 13 janvier 2009 – journal

En attendant d’avoir à nouveau Internet, j’ai décidé de reprendre mon journal.

Je pensais que ce déménagement serait l’occasion de repartir sur de bonnes bases, mais ça ne se passe pas du tout comme je l’espérais. En fait, c’est pire qu’avant. A Marseille, j’avais au moins mes copines, mais là, j’ai plus personne.

Le seul point positif, c’est que les cauchemars ont cessé. Je n’ai plus entendu le battement d’ailes depuis qu’on s’est installés ici et je ne me suis plus réveillée en hurlant. J’ai quand même l’impression d’être surveillée en permanence, mais je pense que ce sont les récits de ma jadda qui m’ont marquée. Comme un gosse : on me raconte une histoire et j’en dors plus pendant des mois. N’empêche, ces visions de la femme-djinn étaient sacrément effrayantes, avec ses crocs pleins de sang et ses grandes ailes.

Avis personnel

Le résumé en 4e de couverture ne m’alléchait pas vraiment. Je craignais de tomber sur un roman où l’action démarrerait sur les chapeaux de roue, enchaînant les péripéties avec des personnages sans grande saveur et une intrigue trop influencée par les références aux super-héros et autres mutants.

A peine avais-je entamé la lecture des premières pages que toutes ces idées préconçues volèrent en éclats. Changelins, ce n’est absolument rien de tout ça! Et ce fut un vrai plaisir que de lire ce roman. Je l’ai lu d’une traite, tant il m’a captivée!

Sophie Dabat nous met en présence de Syrine, ado marseillaise perdue face aux changements que subit son corps. Des changements terrifiants. Le récit se fait la plupart du temps à la 3e personne, mais régulièrement le ton est celui de Syrine, et de temps à autre des extraits de son journal ou de son blog nous sont proposés, achevant le portrait de ce personnage en proie au doute, à la peur, aux  angoisses face à l’avenir, au quotidien. On s’attache très vite à Syrine. Et pour cause : loin d’être un personnage creux, elle possède une réelle vie, elle rappelle notre adolescence, les questions et les inquiétudes que nous nous posions alors. Aux relations que nous entretenions avec les autres : famille, amis, camarades de classe… A la différence près que Syrine se voit pousser sur le dos d’étranges excroissances. Et dans une société où tout ce qui sors de la norme est condamné, Syrine se sait menacée.

Là encore, Sophie Dabat a traité avec brio de la question du rejet du à la différence comme de l’acceptation de soi. Ces questionnements font l’objet de plus de la moitié du livre, où Syrine voit évoluer son corps comme ses pensées, apprenant à s’accepter, à se trouver une place. C’est ensuite seulement que l’action démarre, jusqu’ à la fin du livre. Les péripéties qui s’enchaînent font penser, bien entendu, aux nombreux films et autres comics qui ont traité le sujet de la mutation, de l’Autre. Mais par cette première moitié où elle a dépeint avec justesse, délicatesse et surtout tendresse son personnage principal, Sophie Dabat prouve qu’elle a su se démarquer de ses prédécesseurs pour offrir son propre point de vue sur le sujet.

Changelins, s’il me semble avant tout destiné aux adolescents, ravira tout autant les adultes. Le récit est captivant et son personnage principal, inoubliable. De quoi rendre impatient pour la suite…

Le grain de sable

Il est fait plusieurs fois référence aux X-Men dans le roman – l’histoire possède d’ailleurs des similitudes avec les fameux mutants, comme autant de clins d’oeil malicieux.

Gramophone

Feel the Empty Mask d’Android Lust

Sur le mur


Cette illustration de la série de bande dessinée Le Chant des stryges (éditions Delcourt, 1997-…., série en cours ), que l’on peut voir en 4e de couverture du tome 7 et signée Richard Guérineau, dessinateur de la série.

Dans la même veine

Si ce roman vous a plu, je vous recommande la lecture de Carrie de Stephen King (Le Livre de Poche, 2010), Les Enfants de Frankenstein de Richard Pierce (Pocket jeunesse, 3 vol., 1998), La Métamorphose de Franz Kafka (Librio, 2004); ainsi que la bande dessinée Le Chant des stryges de Corbeyran et Guérineau (Delcourt, 1997-…., série en cours, 13 vol. parus).

A propos de Sophie Dabat

Née en 1979, Sophie Dabat a d’abord vécu à Marseille avant de se retrouver en Bretagne. Elle s’est lancée dans le milieu de l’édition en 2006, officiant comme lectrice, correctrice et traductrice.

Elle s’est aussi lancée comme auteur et on a déjà pu apprécier sa plume dans les anthologies Le Crépuscule des loups (Le Calepin Jaune, 2008), Identités (Glyphe, 2009), Les Héritiers d’Homère (Argemmios, 2009) ou encore L (CDS éditions, 2009).

Références

Changelins – Tome 1 : Evolution, éditions BlackBook, 457 pages, 2010.

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