Darren Aronofsky Black Swan

Thriller fantastique

Coup de cœur de La Lune Mauve

Affiche de Black Swan

Note :
5/5
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Synopsis

Nina est danseuse professionnelle depuis plusieurs années au New York City Ballet. Le Ballet connaît des difficultés financières, et la concurrence est rude avec les autres ballets et théâtres de la ville.

Aussi, Thomas Leroy, le directeur artistique, décide de lancer en grande pompe la nouvelle saison, en choisissant de représenter le Lac des Cygnes et de se défaire de l’ancienne étoile de la troupe (Beth) par la même occasion : un visage neuf, voilà qui devrait relancer les affaires. Nina y voit la chance de sa vie, et devenir la nouvelle tête d’affiche et étoile deviendra son obsession, avant que son propre rôle ne la possède.

Critique personnelle

Black Swan est un film ambivalent, à l’image de son thème : cygne blanc/cygne noir, film sur la danse/film sur une danseuse, thriller fantastique/drame psychologique. Nina la ballerine qui rêve d’être étoile n’est pas une créature diaphane ni un pur cygne blanc, et encore moins la simple victime de ses névroses et obsessions.

Le film s’ouvre sur une scène onirique, au sens fort du terme puisqu’il s’agit d’un rêve de Nina : elle joue le rôle du cygne du ballet de Tchaïkovski, à la perfection, étoile en pleine lumière sur la scène. Un présage, en fait, puisqu’elle apprend à son arrivée dans les salles de répétition du New York City Ballet que le directeur artistique souhaite reprendre le ballet, en ouverture de la nouvelle saison, et que la compétition est ouverte pour décider de la prochaine vedette de la troupe.

Un défi de taille, car il ne suffit pas de pouvoir jouer le cygne blanc pour être l’élue : il faut aussi incarner le cygne noir. Une double performance, artistique et personnelle, qui va permettre à Nina d’atteindre son véritable but : non pas être étoile (un rêve de petite fille, ou de mère aigrie), mais la perfection.

Le film joue sur des mutations constantes et instables pour construire la mutation principale, celle de Nina. La mutation a ici un sens profond : remanier, corriger, déplacer, broyer, saigner, planer, (se) dépasser, etc. Nina quitte son état de jeune femme infantilisée par sa mère, couvée de manière paternaliste par son directeur artistique, prise en pitié ou méprisée par les autres danseuses, enfermée dans une routine artistique qui limite son potentiel.

Le cygne noir qui hante Nina est présent dès le début, au coin d’une rue ou au détour d’un couloir, dans un fragment de reflet ou dans les silences qu’elle observe en situation de malaise.

Black Swan de Darren Aronofsky

Les autres personnages sont là pour provoquer la mutation : la séduction prévisible du directeur Thomas Leroy (interprété par Vincent Cassel), qui ne se déroulera pas comme il l’avait escompté ; l’étouffement intime orchestré par sa mère, une ancienne ballerine aigrie qui traite sa fille à la fois comme une poupée et comme une concurrence anachronique, allant jusqu’à la séquestrer ; la rivalité avec une autre danseuse débarquant de San Francisco (Lily, jouée par la très belle Mila Kunis), oscillant entre amitié érotique, haine, jalousie artistique et émulation réciproque ; et la fascination pour Beth, l’ancienne étoile mise au rebut par Thomas Leroy, qui cristallise un avenir idéalisé puis déchu, et les angoisses de Nina.

Lentement, douloureusement, passionnément, Nina cherche en elle le cygne noir, luttant avec le cygne blanc qui imprègne ses gestes et sa vie comme une évidence importune. Cette recherche permet à Darren Aronofsky, le réalisateur, de nous montrer ce quotidien rarement abordé des troupes de ballet : la personnalisation des pointes (semelles enlevées, embout cassé puis renforcé), les étirements et enchaînements, les blessures, l’omniprésence des miroirs et du regard des professeurs.

C’est dans ce quotidien que les éléments fantastiques s’insinuent et émergent : les lumières d’une salle qui s’éteignent toutes seules, des plaies improbables ou inexpliquées qui s’ajoutent aux habituelles (la mère de Nina répète ainsi qu’elle se gratte dans son sommeil, pour expliquer les écorchures dans son dos, bien qu’on ne la voit jamais faire), une perception de la réalité qui se distord et rend floue la frontière entre le monde du ballet et le monde de Nina. L’apothéose se réalise dans la métamorphose sanglante du cygne blanc en cygne noir, de la danseuse combative et terrifiée en danseuse étoile.

Black Swan de Darren Aronofsky

Black Swan est un film magnifique, à la fois poétique et très dur. La mutation de Nina s’opère dans sa propre chair et son intimité, et certaines scènes peuvent être difficiles pour un public sensible. Toutes les facettes du film sont à saluer, des costumes aux décors et à la lumière, en passant par la musique de Clint Mansell et les chorégraphies de Benjamin Millepied. Quant à Natalie Portman, sa performance remarquable lui a valu le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure actrice en 2011, amplement mérités.

Le grain de sable

Darren Aronofsky est un réalisateur très méticuleux : Natalie Portman et Mila Kunis ont donc été rigoureusement encadrées et entraînées par Benjamin Millepied, le chorégraphe et danseur étoile du New York City Ballet, et par Georgina Parkinson, ancienne danseuse étoile du Royal Ballet et maîtresse de ballet de l’American Ballet Theatre (décédée deux semaines avant la fin du tournage). Natalie Portman a ainsi pu assurer la quasi totalité des scènes de danse du film.

Gramophone

Le Lac des cygnes, ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski, avec un livret de Vladimir Begichev inspiré d’une légende allemande (1871 pour sa première version, puis 1875).

Dans la même veine

Les Chaussons rouges (The Red Shoes) réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger, en 1948 (UK). L’histoire d’une ballerine, qui prise entre deux amours, se laisse posséder par son propre rôle de ballet.

Références

  • Réalisation : Darren Aronofsky
  • Année : 2011
  • Durée : 1h50
  • Genre : Fantastique, Thriller
  • Pays : États-Unis
  • Récompenses : Golden Globes 2011 de la meilleure actrice pour Natalie Portman
    Oscar 2011 de la meilleure actrice pour Natalie Portman
    Bafta 2011 de la meilleure actrice pour Natalie Portman
    En compétition à la 67ème Festival International Du Cinéma De Venise 2010 – Présenté en ouverture