Julie Delpy La Comtesse

Horreur historique

Affiche de "La Comtesse"

Note :
3/5
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Synopsis

A l’aube du XVIIe siècle, le comte Ferenc Nadasdy et son épouse, la comtesse Erzsébet Báthory, ont atteint une telle puissance que le roi lui-même leur doit de l’argent. Mais le comte décède et Erzsébet, devenue veuve, se retrouve seule à gérer leurs affaires.

Au cours d’un bal, la comtesse rencontre le jeune Istvan Thurzo, dont le père a des vues sur elle. Erzsébet tombe passionnément amoureuse du jeune homme. Refusant l’offre de mariage de Gyorgy Thurzo, elle noue une liaison intense avec Istvan. Mais celui-ci, sous la pression de son père, doit mettre un terme à cette idylle.

Erzsébet, convaincue d’avoir été abandonnée à cause de son âge, devient folle de douleur avant de découvrir, par inadvertance, que le sang de jeunes filles vierges pourrait lui offrir ce que le temps lui refuse : retrouver sa beauté passée. Et à mesure qu’elle s’enfonce dans une spirale de meurtres, autour d’elle, le piège se tisse.

Bande-annonce

Critique personnelle

La comtesse Erzsébet Bathory a marqué l’Histoire par ses crimes, réels ou supposés. Elle a réellement existé et aurait assassiné des dizaines de femmes, par pur sadisme ou pour, dit-on, prolonger sa beauté et sa jeunesse grâce au sang de jeunes vierges.

Ce personnage historique a donné lieu à nombre d’oeuvres artistiques : films, livres, bandes dessinées et même chansons, tant la figure de la comtesse sanglante, si proche de celle, mythique, du vampire fascine le public. On se souvient par exemple du célèbre album Cruelty and the Beast de Cradle of Filth, qui lui était consacré. Mais on ne l’attendait pas comme sujet principal du nouveau métrage de Julie Delpy, après sa comédie romantique Two Days in Paris (2007).

Julie Delpy s’est d’abord fait connaître en tant qu’actrice, sur les écrans français comme américains, avant de faire ses premiers pas de réalisatrice avec des comédies. Elle revient en 2010 avec un projet très personnel mais inattendu : La Comtesse. Pour ce film, Julie Delpy s’implique très fortement : elle tout à la fois réalisatrice, actrice principale, scénariste et compositrice de la musique.

Là où plusieurs longs-métrages s’étaient concentrés sur l’aspect vampirique d’Erzsébet Bathory, Julie Delpy choisit de décrire la comtesse tant selon les faits historiques que selon la légende, tout en apportant sa vision personnelle de Bathory, cette femme qui a défrayé la chronique.

Erzsébet Bathory (Julie Delpy) et Istvan Thurzo (Daniel Brühl)

Si la réalisatrice prend quelques libertés par rapport à l’Histoire, elle en garde cependant les grandes lignes, jusqu’au point où Erzsébet bascule dans le meurtre. Les historiens sont prudents quant à ces derniers, les preuves étant absentes et les témoignages pas forcément fiables, même s’ils s’accordent sur le fait que, très certainement, meurtres il y eut.

Aussi Julie Delpy choisit-elle de décrire cette période comme une mise en images des rumeurs qui parviennent à Istvan, l’amant de la comtesse, ce qui lui permet de traiter également la légende qui entoure Erzsébet au sujet de ses bains de sang. Avant de faire se joindre rumeurs et réalité.

Julie Delpy campe une comtesse froide, austère, vivant à une époque rude qui ne l’est pas moins. Seul son amour pour Istvan l’anime, sa passion illuminant sa physionomie. La réalisatrice choisit d’imputer la cause de la folie de la comtesse à un chagrin d’amour, répondant ainsi à la phrase qu’elle place dans la bouche de son personnage avant sa rencontre avec Istvan, où la comtesse admet que la faiblesse d’une femme est son coeur.

Mais elle ne cherche pas à expliquer, pas plus qu’à atténuer, cette folie meurtrière. Car au début du film en sont présentes les graines : Erzsébet est montrée, enfant, avec déjà une tendance au sadisme (l’épisode du poussin) et une certaine fascination pour la mort. Sans compter son éducation des plus cruelles : elle doit assister aux exécutions. De quoi frémir…

La comtesse Bathory (Julie Delpy) applique son effroyable "cosmétique"

Mais nous sommes au XVIIe siècle et Erzsébet est une femme. Les passions du coeur ne sont pas ses seules faiblesses. Veuve, riche et puissante, elle fait désordre. Même le roi a des dettes envers elle. Et tous ceux qui cherchent à l’épouser en secondes noces n’ont d’yeux que pour sa fortune, ses terres et ses titres. Pas pour sa personne.

Sauf qu’elle refuse tout mariage, obsédée par son amour pour Istvan. Et, quand les rumeurs des crimes odieux qui ont cours dans son château se répandent, ceux qui ont tout intérêt dans la chute de la comtesse profitent de l’occasion. Le piège se referme sur Erzsébet Bathory.

Malgré tout, Julie Delpy ne cherche pas à victimiser Erzsébet ni à l’excuser. Les scènes où sa violence transparaît sont suffisamment éloquentes et glaçantes d’effroi pour lui éviter de tomber dans cet écueil.

La Comtesse est surtout l’occasion d’aborder la légende d’Erzsébet sous un angle féminin, offrant tout à la fois le portrait d’une meurtrière, d’une femme en proie aux tourments de la passion et de la folie et d’une noble trop puissante pour ne pas être menacée.

Une singulière vision de la comtesse sanglante, une vision dérangeante, qui met mal à l’aise autant que la musique lancinante qui parcourt tout le film.

On ne regarde pas La Comtesse dans les yeux sans trembler.

La comtesse sanglante, interprétée par Julie Delpy

Le grain de sable

Le film de Julie Delpy est inspiré du récit historique La Comtesse sanglante de Valentine Penrose (Gallimard, L’Imaginaire, 2004).

Références

  • Acteurs : Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt
  • Année : 2010
  • Durée : 1h38
  • Pays : France, Allemagne