Gus Van Sant Mala Noche

Drame

Note :
4/5
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Synopsis

Un jeune homme tente par tous les moyens de se rapprocher d’un clandestin mexicain dénommé Johnny Alonso dont il est tombé fou amoureux. Ce dernier a à peine dix-huit ans, ne connaît que quelques mots d’anglais et passe son temps à courir les rues de Portland, accompagné d’un autre ami, Roberto.

Critique personelle

Encore un « vingt ans après » juste après Nausicaä qui arrive dans les salles et ne sera pas la dernière occasion de se réjouir ! Sorti en 1985, le film était resté inédit en France jusqu’en 2006 si l’on excepte quelques festivals qui avaient accepté de le projeter. Mala Noche arrive donc enfin, premier film de Gus Van Sant, tourné pour la modique somme de 22 500 $. Ni à classer dans ses films les plus faciles d’accès, ni dans les contemplatifs, ce premier film proche de My Own Private Idaho se signale avant tout par son rythme changeant et par sa photographie sauvage. Les premières scènes annoncent la couleur : les images d’un noir et blanc acéré, plus noir que blanc, soulignent les visages dans l’ombre. De l’intérieur étriqué d’un magasin, on passe à la rue, là ou tout commence. Une nuit découpée par les lumières de la ville, striée par le ballet des phares éblouissants. Et le sourire de Johnny qui brille dans la nuit. Gueule d’ange évidente ; il est l’enjeu de cette histoire, et demeure insaisissable.

Mala Noche extrait2

Quelle histoire d’ailleurs ? Celle d’un blanc qui veut profiter de la détresse de jeunes clandestins mexicains sans le sou ? Simpliste. Les rapports entre le jeune homme et les deux Mexicains refusent le stéréotype de la page faits-divers et ne vont pas sans une profonde tendresse, Mala Noche ne fait pas dans le portrait désespéré ou le misérabilisme crasseux. Il est impossible de nier qu’on ne croise pas parfois le sordide le long des trottoirs ou dans un hôtel minable, mais il n’est pas question de s’y abandonner, ou pire, de s’y complaire. Plus que d’un instinct de survie, les personnages ont cette envie d’idéal qui leur donne vie et les tire des pages où ils dormaient – celles de Walt Curtis et de son seul roman, dont le film reprend le titre. Le livre est souvent qualifié de journal intime tant Curtis a emprunté à sa propre vie ou à ceux qui l’entouraient ; tant il s’est inspiré de ces rencontres entre déceptions et déchirement avec ces mêmes gamins et de leurs va-et-vient dans les rues de Portland, quelque part entre la grâce et les poursuites de la brigade de l’immigration.

Mala Noche extrait2

Malgré son affiche de road-movie, le film n’en est pas un, ce qui ne l’empêche pas de se payer le luxe d »offrir de superbes scènes sur la route. L’évasion des grands espaces a beau être un thème très couru, les surprises existent encore et il suffit alors de se laisser (em)porter au gré des images. Scènes de liberté pures mais justement ce n’est pas un road-movie, et ces excursions en apesanteur nous ramènent ensuite vers les rues de Portland, vers le noir. Domaine de Walter Curtis – et de Van Sant lui-même – Portland est le lieu de l’action, des drames, ou de la simple attente. Le rythme des événements s’imprime sur celui du film et épouse ses inspirations, désirs ou impatiences.
Mala Noche est un film qui vit, qui ralentit ou s’accélère et refuse l’arrêt, continuellement porté par une flamme. On revient encore une fois au sourire de Johnny du début ; fier, presque insolent malgré le fait qu’il soit à la rue. Le générique arrive, déchaîné, tonitruant, énergique comme jamais, en un mot : frais ; en trois : à voir absolument.

Le site du film.

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Références

  • Acteurs : Tim Streeter, Doug Cooeyate, Ray Monge, Nyla McCarth
  • Année : 1985
  • Durée : 1h18
  • Pays : Etats-Unis