Juan Diaz Canales, Juanjo Guarnido Blacksad

B.D. policière et animale

Coup de cœur de La Lune Mauve

Couverture du premier tome de « Blacksad »

Note :
5/5
Cet article a déjà 13 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

L’argument

Dans le New-York des années 1950, John Blacksad, détective privé félin, tout en muscles et en poils, mène ses enquêtes d’une main de fer dans une patte de velours. Il est parfois aidé par un renard journaliste aussi jovial que le chat est sombre.

Ça commence comme ça

« Voix off: Il y a des matins où l’on a du mal à digérer son petit déjeuner…

Surtout si on se retrouve devant le cadavre d’un ancien amour…

…les dépouilles d’un beau rêve.

Commissaire Smirnov: La reconnaissez-vous?

Blacksad: Oui. Avez-vous déjà des indices?

Commissaire Smirnov: Absolument rien. Pas d’arme, pas de mobile, pas de suspect. »

Avis personnel

Blacksad est une sorte de compromis entre les dessins animés qu’on regardait plus jeunes, ceux où les personnages étaient des animaux anthropomorphes (Sherlock Holmes, Renard chenapan, …) et les films noirs qu’on a découvert bien des années plus tard.

Étonnamment, le mélange de corps animal et humain ne choque jamais. On s’attendrait à ce qu’une tête de chat sur un torse d’homme, ou une patte au bout d’un bras, soit visuellement dérangeant, pourtant le talent de Guarnido en fait quelque chose de tout à fait naturel. A tel point que si jusqu’ici mon idéal masculin était représenté par une publicité pour une marque de sport sur laquelle on voyait un homme à tête de puma, celui-ci a été détrôné par le charme et le sex-appeal (n’ayons pas peur des mots) de John Blacksad. Même les expressions typiquement humaines des visages sont parfaitement adaptées aux museaux des différents personnages.

On retrouve les codes des films noirs tout au long des albums, non seulement grâce aux dessins sombres et sobres, mais aussi à l’aide d’un jeu de voix off, permettant « d’entendre » les pensées de notre enquêteur. Des moments de silence, des images de héros marchant sous la pluie nocturne dans une ruelle désaffectée, combats de boxe, passages en prisons, souvenirs pesants,  drogue, racisme et bagarres de rues, renforcent un peu plus la conviction que l’on est tombé en plein polar.

John Blacksad a un petit quelque chose d’un James Bond, non pas dans sa manière de résoudre les enquêtes ou à cause de répliques stéréotypées, mais parce que certains personnages féminins assez sensuels pour émoustiller les hormones du héros ressemblent bien à des James Bond girls. Mais bien heureusement, le côté « drague » ou les histoires de cœur de Blacksad n’écrasent jamais l’intrigue principale.

De plus, des éléments du passé de John Blacksad sont disséminés au fil des enquêtes, qui ne sont donc pas que des histoires que l’on suit puis qu’on oublie… Au contraire, elles sont autant d’occasions de mieux cerner notre héros, d’apprendre à le connaître. Blacksad n’est pas un super héros, il donne des coups mais en reçoit aussi, mais dire que ce n’est qu’un être humain serait peut être légèrement à côté de la plaque…

Le grain de sable

Il existe plusieurs hors-série de Blacksad, dont plusieurs tomes de L’histoire des aquarelles, Les dessous de l’enquête, L’atelier de Juanjo Guarnido et Blacksad: Si c’était un film.

Gramophone

Quoi de meilleur pour accompagner John Blacksad que la musique qu’il doit lui-même entendre au cours de ses enquêtes: de la musique américaine des années 1950, autrement dit un bon vieux rythm and blues, que tu ne confondras pas, bien sûr, cher lecteur, avec l’abominable « rnb » des temps modernes…

Non, tu ne feras pas ça, car tu as des oreilles sensibles qui s’accommoderont bien mieux d’un Huey « Piano » Smith (album Young blood par exemple) ou d’un Ike Turner (The Resurrection – Live at Montreux Jazz festival). Et si en prime tu les écoutes sur un vieux tourne-disque, alors tu es déjà en immersion dans l’univers de Blacksad.

Sur le mur

Une affiche de film des années 1950: Sueurs froides, d’Alfred Hitchcock

…ou une aquarelle de Blacksad par Guarnido, évidemment.

Dans la même veine

Si vous avez aimé l’ambiance sombre de Blacksad, vous apprécierez sans doute certaines bandes dessinées de la collection Rivages/Casterman/Noirs des éditions Casterman, qui adaptent en format bd des classiques de la littérature policière. Leur version de Shutter Island (roman de Dennis Lehane) est particulièrement réussie.

A propos de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido

Juanjo Guarnido et Juan Diaz Canales sont tous deux nés en Espagne, le premier à Grenade en 1967 et le second à Madrid en 1972. Ils se passionnent chacun de leur côté pour le dessin et Guarnido obtient son diplôme des Beaux-Arts de Grenade alors que Canales entre dans une école d’animation. C’est en 1990, aux studios d’animation Lapiz Azul de Madrid qu’ils font connaissance et que naît le duo qui donnera vie à John Blacksad, Canales en tant que scénariste, Guarnido au dessin.

Ils travaillent sur ce projet sur leur temps libre et il faudra de longues années pour que sorte le premier tome des aventures de l’enquêteur qui retombe toujours sur ses pattes.

Références de l’ouvrage

Éditions Dargaud, série en cours, 4 tomes parus (Quelque part entre les ombres/Arctic-nation/Âme rouge/L’Enfer, le silence)

Sources

Deux sites en français: blacksad.com et blacksadmania.com