Jean-Michel Calvez Manières noires

Nouvelles fantastiques et macabres

Note :
4/5
Cet article a déjà 14 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

L’argument

Manières noires regroupe sept nouvelles qui, si elles sont toutes bien différentes, abordent des thèmes récurrents : le macabre, les cimetières et surtout, la recherche d’un ailleurs qui se situe probablement près de la mort. Si tout y est sombre, l’humour trouve quand même parfois sa place.

Ça commence comme ça

Le couple traversa la salle comme un paquebot fend l’océan, majestueux sans le savoir. On aurait cru des dieux en visite, de passage sur Terre. Lui, bobo arrogant, en veste de soie et chaussures Berlutti fauves glacées à la main, aussi belles qu’un violon baroque ; elle, femme de bobo donc belle à mourir forcément, avec le port hiératique de ce filles qui, immanquablement, finissent mannequins ou richement mariées – voire les deux.
« Manière noire »

Avis personnel

Ce recueil respire la mort dans tout son ensemble. Prenez par exemple Jed et Marggie, deux cadavres en décomposition revenus de la mort pour être ensemble (Une rencontre diaphane). Ou encore Phil, profanant la tombe de sa femme (Forages). Les images sont si bien détaillées qu’elles provoquent le dégoût. Ce dernier est à son paroxysme lorsque ce thanatopracteur recueille par un « baiser » le souffle d’un cadavre datant de plus de 24 heures. Il se retrouve alors « asphyxié par un remugle nauséabond » (Le dernier souffle). En cela, Jean-Michel Calvez a donc parfaitement réussi à créer un ensemble d’une noirceur absolue.

Mais derrière ces images brutes se trouve une sensibilité certaine. Comme le désespoir de Phil lorsqu’il apprend la mort de sa femme (Forages). Ou ce tétraplégique narrant sa solitude (Mon journal mental). Et pour créer cela, il a fallu que l’auteur soit capable de retranscrire de la manière la plus sensible les émotions des personnages. C’est dans De l’autre côté du miroir que cela est le plus palpable. Lorsque cet homme cherche partout le reflet de sa femme disparue, avec le plus grand désespoir.

La nouvelle éponyme au recueil se démarque du reste. Elle dévoile une étonnante beauté, aussi bien dans les images (comme cette fleur) que dans les émotions. Elle retrace la démarche particulière d‘un artiste aveugle face à son modèle. Si c’est la beauté qui ouvre le recueil, c’est l’humour qui le clôt, avec La visiteuse de tombes. Ici, un cadavre est las d’attendre sa femme et sa plie volontiers aux avances d’une autre…

Le grotesque et l’humour trouvent ici bonne place pour redonner au lecteur un souffle autre que putride. Car c’est bien cette idée qui se colle à vous lorsque l’on referme le livre. Une odeur, un goût de mort dont on a envie de se débarrasser. Une macabre réussite, donc.

Le grain de sable

La nouvelle Manière noire a initialement été écrite pour une anthologie sur les cinq sens, peut-être celle des éditions de l’Oxymore n’ayant pas vu le jour…

Gramophone

Requiem for abandoned souls de Raison d’Etre.

Sur le mur

Félicien Rops – Death at the Ball

Dans la même veine

Petits contes macabres de Gérald Duchemin (Éditions du Chat Rouge, 2008)

A propos de Jean-Michel Calvez

Né en 1961, Jean-Michel Calvez a une formation scientifique et une passion pour la SF. C’est ce qui le conduit à écrire Planètes des vents paru en 1992, ou plus dernièrement, Styx (2008). Outre la SF, il a aussi plongé sa plume dans d’autres genres sombres comme la polar ou le fantastique, à l’image de ce recueil. On trouve son nom dans diverses anthologies comme Tatouages (Belles Lettres) ou (Pro)Créations (Éditions Glyphe).

Références

  • Préface de Lucie Chenu,
  • ActuSF Les trois souhaits, 2008, 156 pages.

Liens et sources