Bernard Werber Le rire du Cyclope

Roman d'action philosophique

Couverture du « Rire du Cyclope » de Bernard Werber

Note :
3/5
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L’argument

La mort soudaine de Darius WOZNIAK, comique adulé des Français, dit « le Cyclope », soulève une véritable émotion collective et donne lieu à de multiples hommages nationaux. Personne n’aurait mis en doute la bienveillance absolue de tous et de toutes envers ce personnage qui faisait l’unanimité auprès de ses pairs comme du public. Personne, excepté Lucrèce Nemrod, jeune journaliste fougueuse, tête brûlée et exagérément têtue qui voit dans cette disparition médiatique la conséquence d’un assassinat sordide et mystérieux.

Faisant fi de tous les obstacles personnels et professionnels qui s’imposent à elle, elle va mener une enquête fracassante avec l’aide de son comparse à la retraite Isidore Katzenberg afin de découvrir qui a tué Darius. Mais cette question initiale s’élargit au fur et à mesure de l’aventure, et cette enquête risquée entraîne le tandem de choc dans les abîmes de l’histoire, l’histoire avec un grand H comme Humour … Le rire apparaît au fil des pages comme un enjeu sanglant et meurtrier, suscité notamment par une fameuse « Blague Qui Tue ». Existe-elle vraiment ? A quoi et à qui sert-elle? Que sont ces blagues anonymes qui brassent des enjeux vertigineux ?

Les rouages labyrinthiques du rire et de son monde ahurissant s’offrent au lecteur à mesure que les deux enquêteurs progressent malgré leurs irrésistibles maladresses.

Ça commence comme ça

Pourquoi rions-nous?
« – … Et alors il lut la phrase, éclata de rire, et il mourut ! Aussitôt la vaste salle parisienne de l’Olympia est parcourue d’un irrépressible frisson. Un temps, puis se déclenche la liesse générale.
Le flot d’hilarité collective monte, ample et rond comme une bulle de champagne géante, puis explose en pluie d’applaudissements.
L’humoriste Darius salue la foule. »

Avis personnel

Amatrice de longue date des livres plaisants et érudits de Bernard Werber, c’est avec grande impatience que j’ai attaqué la lecture de ce livre et que je me suis plongée dans son ton rond et bon enfant. Les interruptions habituelles du récit entre chaque chapitre, propres à Werber, consistent cette fois-ci en des extraits d’un certain « Grand livre de l’histoire de l’humour » et de blagues qui constituent d’agréables transgressions. Leur présence inopinée au beau milieu de révélations ou d’instants d’actions intenses m’ont arraché un certain nombre de protestations amusées !

Car l’action est assez haletante, le rythme est soutenu et relevé. Mais hélas, habituée des ouvrages de Bernard Werber et amatrice d’aventures en général, j’ai été parfois en proie à un soupçon d’ennui assez décevant. L’intrigue initiale s’avère bien plus complexe qu’elle n’y paraît et se pare de bien d’autres mystères que nous découvrons au fil des scènes d’action à l’humour tout à fait werberien, mais l’ensemble peine à trouver une véritable cohésion et cela entraîne, à mes yeux, des redites et des longueurs qui cassent un peu le rythme.

L’enquête piétine un peu trop malgré les rebondissements et les situations embarrassantes qui nous font nous liquéfier de peur pour nos deux héros.

Et les deux héros sont justement le second point de déplaisir que j’ai éprouvé à la lecture du Rire du cyclope. Ils sont caricaturaux, tout comme la société qui les entoure, et l’on retrouve bien là le style volontairement naïf de Bernard Werber. Mais justement ce choix caricatural étouffe un peu le récit, trop focalisé sur eux, sur ce qu’ils sont, ou ce qu’ils pensent en aparté et qui se formalise en italique dans la narration.

J’attendais beaucoup de ce livre, connaissant l’esprit foisonnant et la créativité passionnante de l’auteur. J’ai moins apprécié ce roman que ses autres bijoux mais je l’ai néanmoins aimé pour sa rondeur, son action et les réflexions originales qu’ils suscite. Le rire et la place de l’humour dans l’histoire, objet d’un livre ! Ce postulat incongru se traduit par ce roman que j’ai lu avec un plaisir non coupable. Vivement le prochain Werber !

Gramophone

Une musique étrange et dissonante comme l’album Sonic Death de Sonic Youth correspondrait à l’univers bigarré et inattendu du roman.

Sur le mur

Le clown triste de Bernard Buffet illustre bien la réflexion sur l’alliance du rire et des larmes, de la légèreté et du sang, proposée par le Rire du cyclope.

Grain de sable

Le Rire du Cyclope est le troisième opus du cycle des Aventuriers de la science entamé par Le Père de nos pères et L’Ultime Secret.

Dans la même veine

Le rythme soutenu du Rire du cyclope, les enjeux mystérieux et ancestraux qui donnent lieu à des courses poursuites et des révélations fracassantes, m’ont rappelé l’ambiance générale et la griffe de la Conjuration Casanova d’Éric Giacometti et Jacques Ravenne. Les amateurs de romans d’actions sur fond de mystère historique seront ravis.

A propos de Bernard Werber

Bernard Werber est né en 1961 en Haute Garonne. C’est un écrivain prolifique et ultra créatif dont l’œuvre s’imprègne de réflexions philosophiques, scientifiques et spirituelles.

Criminologue et journaliste de formation, il développe un goût prononcé pour la science et n’aura de cesse de créer romans, nouvelles, bandes dessinées ou encore films. Son œuvre est une constante réflexion proposée aux lecteurs sur des thèmes aussi divers et fondamentaux que la mort, le paranormal ou l’homme et l’humanité.

Citons son plus grand succès, Les Fourmis paru en 1991, qui propose une pensée originale et une réflexion profonde à travers l’observation a priori distincte des aventures vécues par des fourmis et par des hommes.

Références

Éditions Albin Michel, 2010, 617 pages

Liens et sources