L’argument
Pour devenir nécromancien, Johannes Cabal a vendu son âme au diable. Oui mais voilà, il voudrait finalement la récupérer. Il passe donc un nouveau pacte avec le grand Belzébuth: il a un an, jour pour jour, pour ramener cent âmes en échange de la sienne. Mais ce n’est pas tout, car Cabal doit composer avec un cirque itinérant tout droit sorti des Enfers, qui peut être autant une aide qu’un poids.
ça commence comme ça
Walpurgisnacht, l’Hexennacht. La dernière nuit d’avril. La nuit des sorcières, lorsque le mal sort de sa tanière.
Il se trouvait en un lieu solitaire et écarté du monde, à l’abri des oreilles et des regards indiscrets. L’air dégageait une odeur métallique de sang frais. Rien d’étonnant vu le corps décapité du chevreau vierge qui traînait non loin de là. Il disposait d’une épée à lame fine du plus pur acier qu’il tenait dans la main droite. par ailleurs, il avait pris soin de remonter sa manche de chemise au-dessus du coude. Dans la poche de son gilet se nichait une pièce d’argent enveloppée de papier et devant lui brûlait un feu de bois blanc.
Il s’appelait Johannes Cabal, et il invoquait un démon.
Avis personnel
Ce roman est fabuleux mais pas évident à décrire. Imaginez plutôt ceci:
Prenez du papier, coupez-le en fines pages. Sentez déjà cette odeur de bibliothèque, de parchemin et d’aventure.
Versez dessus tout un paquet d’une écriture efficace, intelligente, jamais trop facile ou puérile, en prenant soin de former une histoire originale sur une idée de départ qui semble pourtant lue et relue. C’est vrai que le pacte avec le diable, c’est un commencement qui semble presque banal. Tout du moins quand on a passé sa charmante enfance à dévorer toutes sortes de livres fantastiques et horrifiques. D’ailleurs, la description dans le premier paragraphe (cité ci-dessus) m’a fait un peu peur: l’odeur métallique du sang, le lieu isolé, …Que de clichés, me suis-je laissée dire avant de me laisser happer par ce livre, car malgré ce début, le reste est bien plus éloigné des convenances du genre.
Incorporez des personnages aussi bizarres qu’attachants, charismatiques même s’ils viennent d’être créés par un souffle de magie noire. Donnez-leur un peu d’excentricité, de mystère, de vie, et laissez-les faire avec, ils se débrouilleront très bien. Ils ont suffisamment de présence pour prouver qu’ils peuvent être tangibles, réels, même s’ils ne sortent pas de votre esprit et de leur support de papier. Certains seront tout de même moins présents, plus transparents, mais toujours habités d’une vie qui leur est propre. Humains, démons, démons fonctionnaires, démon en chef, amis et famille, personne n’est épargné, chacun ses petits travers et ses péchés mignons, Cabal en chef de file, intelligent et sans aucune morale -le Dr House de la nécromancie- et son frère Horst, plus tout à fait humain, qui se veut sa conscience -Dr Wilson donc.
Disséminez ça et là des chapitres aux noms évocateurs qui vous empêcheront de glisser votre marque-page où que ce soit tellement l’envie de savoir ce que dissimule la suite est forte. Je vous aide pour le premier: « Chapitre 1, où un scientifique se rend en Enfer et conclut un pacte« . Vous voyez, ça donne envie! Ne dites pas tout, mais esquissez quelque chose d’aussi palpitant qu’un coeur chaud tout juste extirpé d’une cage thoracique.
Saupoudrez d’un humour fin et racé sur toute la surface, que vous laisserez s’imprégner en douceur dans chaque page. Ne forcez jamais la dose ou le trait, l’humour doit faire partie de l’histoire sans la surcharger, sans tomber dans la lourdeur. Ayez la main légère mais choisissez la qualité. Les situations étranges sont excellentes (la bureaucratie de l’Enfer est un paradis pour le lecteur), les idées de Cabal comme de Satan sont d’étonnantes cocasseries. Leurs dialogues sont donc particulièrement réussis.
Vous devriez en toute logique obtenir Johannes Cabal, le nécromancien. Sinon, c’est que vous avez mal suivi la recette.
Le grain de sable
Il existe deux suites à ce roman: Johannes Cabal the Detective, et Johannes Cabal the Fear Institute, pas encore traduits en français. On ose espérer les croiser un jour sur notre accueillant territoire.
Sur le mur
Un contrat sur un parchemin, signé de votre sang, fera grandement l’affaire…
Gramophone
Marilyn Manson – Thaeter
Dans la même veine
- Bazaar, de Stephen King. L’ambiance me l’a rappelé pendant ma lecture, bien que le roman de Stephen King ne soit pas axé sur l’humour.
- Sinon, bien que je ne l’ai pas (encore) lu, La triste histoire des frères Grossbart, de Jesse Bullington, semble avoir des points communs avec Johannes Cabal puisqu’il s’agit de deux frangins meurtriers créant l’hécatombe sur leur passage.
A propos de Jonathan L. Howard
Jonathan L. Howard, qui vit près de Bristol avec sa femme et sa fille, est non seulement romancier, mais aussi scénariste et game designer pour l’industrie du jeu vidéo dans laquelle il travaille depuis les années 90. on lui doit notamment la série Broken Sword (Les Chevaliers de Baphomet en français). Il a publié des histoires plus courtes avec le même personnage avant que Johannes Cabal ne voit le jour sous forme de roman en 2009, suivi de ses deux suites. Il est également l’auteur de Katya’s world, premier roman d’une autre série: The Russalka Chronicles.
Références
Editions Eclipse, 2011, 384 pages.
Bonjour :) je sors de ma réserve pour louer cet article diaboliquement tentateur ! Hop, un livre à lire de plus, envie de roman et tout.
Les résonances existent puisque je pensais tantôt au Malin (allons bon), en ayant mis un tout petit pied dans l’édition bilingue du monstrueux Paradis Perdu de Milton, et en écoutant King Dude fraîchement découvert, et franchement porté sur ce cher Satan. Et puis, pour un autre King (Stephen), j’ai bien aimé Bazaar. Enfin, sympathique couv’ bien rétro, tout droit sorti d’un bouquiniste ésotérique… comment résister à tout ceci.
J’en profite pour glisser aussi ma tendresse renouvelée pour LLM et ses bels et bons articles, toujours aussi pointus, et rigoureux, et enthousiastes ; d’habitude soit je m’abstiens commenter, par correction vis-à-vis des temps d’avant, soit le plus souvent par éternel manque de temps. Mais je vous suis toujours, et je suis bien contente de voir cette petite Planète devenue grande, continuer de girer dans l’espace. See U :)
Fa Cryptomeria / Nienna
La couverture et le résumé m’avait attirés. Je suis de plus en plus intéressé !
Mais l’absence de traduction des suites plante-t-elle le final du premier ? Ou l’histoire s’arrête-t-elle proprement ?
Nico, les romans semblent parfaitement indépendants les uns des autres, en tout cas, ce premier s’arrête « proprement ». J’ignorais même qu’il existait des suites en lisant cette histoire.
Nienna, oh oui, laisse-toi tentée! Et puis, tu cites Bazaar… (we love you, stephen)
Merci Nienna pour tes douces paroles ! Tu nous en vois sincèrement honorées.
Il n’y a pas de correction à avoir, le présent est brillant en partie grâce au temps d’avant, tu peux être fière du travail accompli, sans lequel l’Astre pourpre serait, forcément, différent. Donc, encore merci ! ♥