Je suis tombée nez-à-nez avec la musique boréale de Rebekka Karijord comme on tombe nez-à-nez avec un être oublié, croisé dans un rêve.
Il y a dans The Noble Art Of Letting Go une grâce irrésistible. La voix de Karijord, douce-amère, toujours digne, conte des histoires d’amour qui finissent mal. How do you grieve someone still alive?
, et autres vers mélancoliques, désespérément romantiques.
À l’image de la musicienne, norvégienne installée à Stockholm, cet album fait souffler le chaud et le froid. L’ambiance y est feutrée, comme dans un journal intime. Le plancher craque… Les secondes s’écoulent comme des heures. Les harmonies vocales sur Morning Lights Forgive The Night se font l’écho de quelque rêve éveillé en pleine nuit blanche.
Le piano est omniprésent, acoustique et lumineux, comme pour mieux mettre en exergue la sombre poésie des paroles. Chaque morceau découvre un peu plus la pudeur de cette statue de glace, mise en valeur par de riches orchestrations qui font de cet album un petit bijou pop-folk triste.
Néanmoins, point de fioriture dans la production, ni dans les effets sonores. C’est un sentiment de nudité, d’intense franchise et de violence liquide qui jaillit de ce disque. L’art noble de ne pas tricher, et de porter bien haut ses peurs, et ses regrets, comme un diadème.
Difficile de ne pas penser à Ane Brun quand on découvre l’univers de Rebekka Karijord, qui ont plus d’un point de convergence : la seconde a accompagné la première sur scène à la harpe, elles partagent toutes deux le même studio, et la première fait une apparition vocale sur l’album.
Pour cohérent que soit The Noble Art Of Letting Go, Rebekka Karijord ne se repose pas sur ses lauriers et réussit à casser le rythme lancinant de son album à plusieurs reprises, notamment grâce à Parking Lot, au rythme envoûtant porté par des claquements de mains.
C’est le genre d’album qui s’écoute la nuit, lorsque la ville est endormie, et qu’un battement de cœur un peu plus agressif que les autres vous tient éveillé. C’est le genre d’album qui se garde précieusement, comme une carte à jouer pour les moments d’intense solitude.
The Noble Art Of Letting Go, un épitaphe pour toutes nos amours déchues…
En savoir plus sur Rebekka Karijord
- Une comparaison entre Agnes Obel et Rebekka Karijord ;
- Tracklist et chronique de The Noble Art Of Letting Go ;
- Un portrait de Rebekka, réalisé chez elle à Strockholm, avec des photos sympas.
Tout simplement superbe, je trouve sa voix magnifique, avec un titre à briser le coeur.
Je vais me pencher dessus. Ça promet des belles soirées avec l’album qui passe en boucle. Merci
Belle découverte ! Le titre dont tu as mis le clip me plaît beaucoup, et je vais me pencher plus avant sur cet album. De même sur Ane Brun, que je ne connaissais pas ^^ »
Deux en découvertes en une, et des belles ! Ah et ce piano ! Superbe !
Merci pour vos commentaires, cela me fait sincèrement plaisir que ma chronique vous ait donné envie de découvrir ce sublime album !
Pour le coup, Rebekka Karijord fait partie de ces artistes méconnus en France (méconnus tout court ?) alors qu’ils ont un talent énorme.
Ce disque – j’avoue, je n’ai pas encore écouté les autres, pas assez lassée de The Noble Art… – m’a bouleversée et me bouleverse encore.
(Sinon, c’est pas idiot d’ajouter un clip pour permettre de se faire une idée de l’ambiance, si ?)
N’hésitez pas à me dire ce que vous en aurez pensé après écoute approfondie. De mon côté, je prépare d’autres chroniques dans ce genre, entre Agnes Obel, Ane Brun, mais aussi Warpaint et Trespassers William… que des Lunemauviennes en puissance ;-)
(Non, ce n’est pas idiot d’ajouter un clip, au contraire ;) ça donne une bonne idée de la musique et ça permet de savoir si on veut se pencher davantage dessus ou non)
Pendant ce temps, je découvre l’album. Mais « Wear it like a crown » est pour le moment ma favorite, elle me touche beaucoup.
Riche et sans fioriture, c’est très juste. Le piano aussi proche, ça pose un regard sur le temps qui s’égrène. Plus ou moins vite, plus ou moins lourd. La diversité des instants créés, c’est celle des orchestrations, des rythmes, des changements de perspective.
Je découvre aussi, et j’aime !
Merci pour ton commentaire Talulla, je suis ravie que le disque te plaise :)