Plus de dix ans après son premier album solo, Brendan Perry, ex-membre et fondateur du groupe Dead Can Dance, revient avec un nouvel opus dont la qualité est telle qu’elle éclipse ces longues années de silence. A l’image de la pochette, l’album apparaît comme une lumière au coeur de la nuit, un bijou musical qui éclaire l’âme enténébrée.
L’esprit de Dead Can Dance plane d’ailleurs sur deux titres qui ouvre et ferme respectivement l’album : Babylon et Crescent – ils ont d’ailleurs été composés pour les tournées d’adieux du groupe. Une façon de montrer que Brendan Perry, bien qu’officiant désormais en solo, était avec Lisa Gerrard une composante essentielle de Dead Can Dance.
Babylon, avec ses percussions et ses instruments aux sonorités tant orientales qu’antiques, est une merveilleuse évocation des douceurs naturelles du monde, hélas trop souvent oubliées pour suivre les instances guerrières du gouvernement américain, l’Amérique étant ici comparée à une Babylone encore en paix mais proche du chaos…
Une ouverture qui prévaut du contenu de l’album. Si la majorité des titres tient plus de l’electro et du dark wave que de la world music, comme Babylon l’aurait fait penser, le discours reste sans concession sur le monde actuel, tout en conservant une certaine poésie. Il y a le terrifiant Inferno dont les notes glacées montrent la passivité du spectateur confronté quotidiennement, via la télévision, aux horreurs qui se déroulent partout sur le globe, le petit écran devenant l’antichambre de l’Enfer. The Bogus Man, au titre très clair (il signifie « L’homme de paille ») dénonce l’aveugle ambition des hommes politiques, qui enfle au mépris de toute vie. Quelques trompettes aux résonances apocalyptiques y surgissent régulièrement, telles des trompettes de Jéricho. Et que dire de The Devil and the Deep Blue Sea, qui malgré ses sereines notes electro évoquant à merveille les profondeurs de l’océan décrit les interrogations sur le devenir de l’Homme quand la mer sera privée de vies et le monde parvenu à sa fin ?
Mais Brendan Perry n’oublie pas non plus l’introspection individuelle. Avec Wintersun, il évoque un homme souffrant de ne pas se sentir exister. Un titre poignant, déchirant, où la voix grave de Brendan Perry donne toute sa mesure à ce personnage qui ne trouve pas sa place dans l’Univers. Et cependant, malgré tous ces morceaux qui pointent de noires réalités, retentit une flamboyante note d’espoir. Ce phare dans la nuit, c’est Utopia, où un homme décrit son utopie rêvée, en harmonie avec la Nature et où lui-même et sa bien-aimée seraient libres d’être. Une mélodie sereine, pleine d’espérance, bouffée de rêve au sein de toutes ces prises de conscience.
L’album se clôt donc avec Crescent. La boucle est bouclée, Ark se ferme comme il s’était ouvert, sur un titre digne de Dead Can Dance. Puissant chant d’amour marqué de mélancolie, ce titre aux instruments orientaux mêlés d’une discrète touche electro hypnotise et apaise.
Ark, c’est tout un voyage au coeur de notre monde actuel, ravagé mais non dénué de poésie. Un monde qui peut, peut-être, être encore sauvé. Ce n’est pas pour rien que la pochette s’illustre d’un phare, ni que le titre de l’album soit Ark…
Le grain de sable
Un court et fort passionnant documentaire fait découvrir les coulisses de la création de l’album, tout en permettant d’en écouter quelques extraits.
« I feel greater than the sum of all my parts
A domestic beast with a hairy heart
Trapped within a walled suburbia
I’ve found my tastes are somewhat underground
Between the shadows and the cracks
I am building my utopia »
Utopia
Pour aller plus loin
- Le site de Brendan Perry
- Le site de Dead Can Dance
Merci pour cette review qui m’a permis de découvrir un album … planant ! A défaut d’autres termes …
Fan de DCD et de Perry, je suis pourtant frappé par la pauvreté de l’instrumentation (quelques plugins VST qui datent et des synthés cheap) de son album, ainsi que par les textes désenchantés très naifs et peu pertinents (la télé ça rend légume, les politiciens sont des gens méchants etc…)
bref, si la voix de Perry reste sublime, le reste est un peu léger, baclé, facile. Peut mieux faire…
Merci de ce commentaire même s’il est tout à l’opposé de mon sentiment ! ^^ » Il n’y a pas que du synthé et des plugins VST, certes ils sont majoritaires, mais quelques titres sont autrement plus riches au niveau de l’instrumentation. Quant aux textes, on peut certes les trouver naïfs, pour ma part je les trouve plutôt éclairés, désenchantés devant la réalité. Peu pertinents… bon pour The Bogus Man et Inferno, je veux bien admettre que le propos est déjà connu – même si je trouve qu’il le souligne bien. On est bien sûr loin des grandes heures de DCD, mais cet opus reste – à mes yeux – un gros coup de coeur. Après, vu le changement d’instrumentation, plus électro qu’auparavant, je comprends tout à fait que ce sentiment ne soit pas partagé par tous.
Brendan Perry reste Brendan Perry. On est tous déçus: toute cette absence mais on ne sait rien de ce qu’il a pu vivre. Et Ark s’il déçoit un peu est génial.