Le Rock dans tous ses Etats Evreux

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Le Rock dans tous ses Etats 2005

Réputé pour son ambiance légère et sympathique, Le Rock dans tous ses Etats est avant tout un festival où se croisent tous types de musiques. L’herbe du coin a vu passer de grands noms et cette 22ème édition n’est pas en reste niveau têtes d’affiche. De quoi tenter un large public.

Avec beaucoup de retard, j’arrive sur le site un peu après 18 heures, ratant les premiers groupes. Les dernières notes d’Amadou et Mariam s’arrêtent et alors que l’on débute la queue, nous pouvons voir les Hollywood Porn Stars entrer en scène. On sent de leur part une réelle envie de passer un bon moment et de le faire partager mais peut-être à cause de la chaleur qui est toujours là, le public ne semble pas convaincu et ce seront de timides applaudissements qui répondront à l’enthousiasme bruyant des membres du groupe.

Il faut dire que beaucoup s’étaient déjà amassés devant la scène où jouait le groupe suivant : l’inimitable et très attendu Sonic Youth. Leur prestation passera à une vitesse folle, les membres du groupe s’amusent tels des gosses avec un plaisir communicatif, on retiendra notamment Thurston Moore essayant d’escalader la structure métallique ou un combat de guitares improvisé ridiculement drôle. Néanmoins le groupe new-yorkais bien que connu et porté par une bien jolie carrière n’est pas pour autant un groupe grand public : beaucoup s’éloigneront déçus sous les hurlements des guitares dissonantes qui déclenchent l’extase parmi le public rallié à la cause de ce groupe ô combien unique.

Le temps est venu de faire une pause alors que s’enchaîne Sage Francis, artiste de phare de la scène rap underground et le Peuple de l’Herbe, un groupe très en vogue actuellement qui a décidé sur scène de ne pas choisir entre l’électro, le reggae et le hip-hop. Plaisant et très dansant ils réunissent ainsi des spectateurs de tout bord sur des sonorités de drum-bass et de beat box.
Mais je regardai tout ça de loin, obsédé par l’idée de voir les Kills. Sur la scène presque vide, une boîte à rythme et deux guitares, une simplicité qui a vraiment du bon. Une apparition de VV pendant le set de Sonic Youth, une d’Hotel qui vient régler sa guitare, et l’on sent que ces deux-là vont nous faire rêver. La tension monte et le groupe attaque sur un « No Wow » passionné. Le couple joue les yeux dans les yeux et l’on ne pense à plus rien d’autre : ils sont là et donnent le meilleur d’eux-mêmes simplement parce qu’ils jouent pour eux et que le reste n’a pas d’importance. Le public reprend chaque refrain (assez simples donc c’est vrai que ce n’est pas trop dur) mais il est vraiment porté par l’énergie tournoyante ou saccadée du groupe. Une prestation électrique et terriblement sensuelle qui s’achèvera par de longues plaintes de guitares alors que nos deux héros du moment sont à terre, couchés l’un sur l’autre pour jouer les dernières notes. Arrivera ensuite le cruel retour à la réalité et la désillusion qui accompagnera la fin du concert, sans rappel malheureusement.
C’est maintenant au tour de Tiken Jah Fakoly de monter sur scène. Se rapprochant musicalement d’un Bob Marley et par sa volonté de dénoncer les problèmes d’un pays, son dernier album intitulé Coup de gueule est une énorme critique qui pointe du doigt des réalités tragiques de l’Afrique. Mais là où le premier restait évasif voir optimiste, Tiken Jah Fakoly ne s’arrête pas à la subtilité évoquant crûment les massacres et autres viols. Alors du coup on a quelques scrupules à danser et s’amuser alors que l’endroit et la rythmique s’y prêtaient parfaitement. Le dernier concert extérieur sera celui de Quintron & Miss Pussycat, un groupe au son électro dont on retiendra surtout l’excentricité des instruments fait maison et le clavier jouant du synthé debout (comprendre debout sur son instrument). Pour le reste… La foule s’est déjà dirigée vers le Banana Club où se succèdent des artistes actuels de la scène électro tels que Chloé ou Vitalic. Mais tous ne pourront y entrer, la tente où se déroulent les festivités étant ridiculement petite et ainsi ne peut contenir tous ceux qui ne voulaient pas encore dire bonne nuit.

Le lendemain c’est Black Mountain qui a la lourde tâche de commencer la journée. Difficile de chauffer le public qui préfère attendre à l’ombre. Le groupe attaque tout de même un peu avant 16 heures. Pas un bide mais… personne n’est vraiment convaincu.

Leur successeur Loïc Lantoine représente le côté nouvelle scène française du festival : des paroles drôles et un univers décalé cultivent un côté sympathique. Mais on peut regretter que la qualité de la musique pâtisse de l’importance donné aux paroles : la voix laisse à désirer et le peu d’instrument crée un fond musical plus qu’une véritable mélodie digne d’intérêt. Le début de ce deuxième jour souffre de problèmes de rythme et ce n’est pas l’annulation du concert de Morgan Héritage qui va y remédier.

Après un tel blanc, sans aucune musique, l’arrivée sur scène de CocoRosie sort les spectateurs de leur torpeur… mais le groupe doit encore régler ses instruments ce qui ne manque pas d’agacer les impatients. Les mauvaises langues commentent tout et n’importe quoi à commencer par la plastique des interprètes. Le début de la prestation calmera tout le monde grâce à la musique originale et envoûtante du groupe. La harpe et la percussion croisent des sons provenant de jouets pour enfants. Ce côté atypique offre une musique douce et profonde au caractère onirique certain. Lorsque le set s’achève, une bonne partie du public se retrouve avec une larme à l’œil face à cet ovni qui n’en finit pas de surprendre.
Cake est remplacé par The Bravery. Au-delà du fait qu’il nous a tiré de notre douce et agréable rêverie dans laquelle nous étions tombé grâce à CocoRosie, on peut également leur reprocher un manque d’originalité flagrant et leur tendance à écumer tous les clichés autant musicaux que scéniques qui deviennent insupportables.

Pour débuter la soirée, tout le monde attendait Ghinzu avec enthousiasme. Lorsque les 6 belges arrivent, on sent le public déjà conquis, c’est donc avec assurance qu’ils entament leur set. Je n’apprécie pas vraiment leur musique mais parfois sur scène la mayonnaise prend mieux. Leur prestation confirma mes impressions, je n’accroche vraiment pas. De plus, les sons de basse étaient horriblement trop forts et noyaient les autres instruments même lors des petits passages « émotion » ou le chanteur se mettait à jouer quelques notes de piano parce que c’est un mec sensible quand même…

La bonne surprise viendra du Devandra Banhart Band qui séduit par son ton résolument folk porté par un interprète avec une voix superbe, ainsi qu’une gueule innocente et chevelue de petit jésus. Pas étonnant que certains le voient comme le renouveau du folk. Il parle aux gens avec un petit air de folie et lorsqu’il est ému et bien nous aussi. On remarque que le percussionniste de CocoRosie participe également à ce beau voyage avec les 5 membres du groupe (3 guitaristes, une basse et une batterie, à l’origine de plusieurs canons fascinants). Devandra Banhart finira par descendre jusque dans le public où sa bonne parole a clairement été entendue ; on n’a pas fini de rêver de guitares et d’étendues désertiques de l’ouest américain.

A l’opposé les membres de Garbage eux ont définitivement leurs guitares branchées dans une prise. Avec une énergie impressionnante et un son brut ils semblent relâcher toute la frustration qu’ils ont pu éprouver à être absent aussi longtemps d’une scène. Les chansons de leur denier album, Bleed Like Me sont loin d’être réussies alors lorsque la formation nous rejoue des titres de leur répertoire passé on en profite. Les tubes s’enchaînent, le public bouge, hurle et parviendra à obtenir à force d’acharnement deux rappels. Mais après avoir déployé tant d’énergie le public commence à fatiguer et commence à s’endormir en masse sur l’herbe. Les courageux iront apprécier Blonde Redhead, mais on sent déjà la fin de journée qui approche. Ska-P achève la soirée, en attirant une grande foule, effrayée par l’idée de dernière tournée du groupe. C’est vivant, dansant et agréable et l’on sent sur certaines chansons une nostalgie évidente de la Mano Negra. Par contre, la mise en scène est insupportable : chaque fois un ou plusieurs membres du groupe se déguisent pour illustrer les thèmes démago au possible des chansons. On apprend donc ainsi que les flics c’est des gros méchants qui tabassent tout le monde, que la peine de mort c’est drôle mais pas bien et qu’il faut légaliser les drogues parce que c’est interdit. La brochure appelle ça de la critique sociale… Finalement ce n’est pas une si mauvaise idée qu’ils prennent leur retraite. Malgré cela c’est avec un goût amer dans la bouche, pensant déjà au retour, que l’on traîne les pieds sur le terrain du festival qui s’achève.