Rock en Seine 24 août 2007

Cet article a déjà 15 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

Rock en Seine 2007Aux portes de Paris on ne peut échapper à la scène parisienne qui ouvre le festival en plein après-midi avec Rock & Roll. Jeunes, nonchalants, débordants de plaisir d’être revenus en terrain connu, ils sont vigoureux et offrent une belle image rock. Parfaits en couverture de magazines. Espérons seulement qu’ils ne figurent pas sur le CD vendu avec.

Malgré la méfiance quant à leur uniforme du jour, pantalons slim en vinyl noir et marinières, les membres de Rodeo Massacre ne sont pas du même acabit, bien plus menaçants que les mignons précédents. La voix grave de la chanteuse surprend et domine les titres avec beaucoup d’élégance, assurée d’avoir avec elle un groupe qui se défend très bien. L’intensité monte progressivement au cours du set, jusqu’à un éclatant « Hail and Farwell », au refrain accrocheur et balancé. Leur album se fait toujours attendre.

Noisy rock ou post-rock, quelles distorsions choisir? La peur des reformations façon « dix ans après » incite à fuir Dinosaur Jr et à frayer devant la grande scène alors que le terrain n’est pas encore trop boueux pour écouter Mogwaï. Les titres sont longs, on les voudrait double. La musique prend le temps d’installer, de développer des paysages intérieurs complexes et abstraits au fil de circonvolutions instrumentales nourries d’une sensibilité électrique. Respirer revient à inhaler les vibrations qui emplissent l’air et se propagent dans les esprits. Leurs morceaux ne s’imposent pas, ils ne racontent presque rien. Ce sont des propositions qui résonnent, entrent en contact avec l’auditeur et lui laissent une grande liberté d’émotions. Entre les morceaux, seuls quelques remerciements ; peu de paroles. Les membres de Mogwaï ne semblent pas chercher à être particulièrement cool, ils sont là pour jouer.

En live, The Shins perd de sa propreté pop. L’aspect mélodique demeure, solidement ancré dans des titres séduisants qui se déploient l’un après l’autre. On peut sentir une légère inflexion des chansons vers un ton plus brut, un poil moins sucré que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, ce qui lui donne un intérêt nouveau.

Le set d’Emilie Simon fut très suivi, et c’est avec un plaisir visible qu’elle réagit à cet engouement du public. Les fans comme les non-initiés sont soigneusement choyés entre les pépites de son répertoire et des reprises d’Iggy Pop ou de Peter Gabriel. La chanteuse file avec légèreté d’un bout à l’autre de la scène, tout sourire, donnant à ce concert une portée spéciale lorsqu’elle annonce que c’est le dernier qu’elle joue avec ses musiciens.

20h. L’heure est grave. A dix minutes près se jouent deux concerts des plus séduisants. Sur la grande scène, The Hives, valeur sûre, synonyme d’hymnes de classe mondiale et de remarques jouissives de Pelle Almqvist en show man mordant ; du côté de la scène de l’Industrie, la curiosité est grande d’aller en savoir plus sur les londoniens fous furieux de The Noisettes. Fidèles à leur réputation, les Suédois attaquent très fort et poursuivent sans faiblir. Rester plus longtemps c’est ne plus pouvoir en partir. Vers les dernières notes de « Walk Idiot Walk », direction la scène de l’Industrie pour laisser une chance aux Noisettes, prêts à revenir en courant à la moindre seconde d’ennui. L’accueil est tonitruant. « Don’t Give Up » single survitaminé, trouve sur scène une puissance phénomènale qui fait de sa version studio une berceuse pour enfants fragiles. Plus question de faire un pas en arrière. Le gros des festivaliers ayant choisi The Hives, le public est ici en nombre réduit, ce qui n’empêche pas ce petit nombre de répondre présent, et de bouillonner en première ligne. Enfiévrée par une telle allure et sous l’impulsion d’un binaire des plus vigoureux, l’assistance s’agglutine pour se rapprocher du foyer ; la chanteuse descend de l’estrade pour être sûre de lui refiler la fièvre, mais se voit interdite de plonger dans le public par deux agents de sécurité, loin d’être insensibles à son charme. A défaut de pouvoir se frotter à la foule comme elle l’entend, elle multiplie les bonds sur scène au milieu de ses acolytes, s’amuse avec eux, gesticule en tout sens, mime des paroles, accomplit deux mille mouvements par minute. Shingai Shoniwa est de celles qui une fois entrée sur scène semblent sortir d’elles-mêmes, ou au contraire à se révéler sous les déguisements. Elle a de quoi enterrer la plus déchaînée des chanteuses de rock, à commencer par Karen O des Yeah Yeah Yeahs, groupe auquel The Noisettes est souvent comparé. Ne serait-ce déjà que parce que Shingai Shoniwa joue aussi de la basse en plus de chanter, et surtout, le point sur lequel elle se démarque catégoriquement est cette voix vibrante introduisant dans un punk revêche des accents de soul qui en décuplent la puissance et la sensibilité. Elle s’appelle Shingai Shoniwa ; et c’est tout naturellement que je répète son nom trois fois en quatre phrases, pour être sûr que vous le reteniez. The Noisettes nous quittent brûlants, des bourdonnements pleins les oreilles, sur la promesse de revenir en novembre et de ne pas se limiter à la capitale. Les rendez-vous sont à prendre.

Pendant un bon moment, 2 Many DJ’s peuvent profiter d’avoir une plage horaire rien qu’à eux, sans qu’aucune formation ne leur fasse de concurrence au même instant.

Retour vers la grande scène. Pour l’évènement du jour, Arcade Fire. Ils livrent le meilleur concert, sublimé par une performance somptueuse. Le public, en liesse, prouve qu’en effet, ce devait être un très bon concert. Pour nuancer cet avis général je suis donc forcé d’utiliser un gros je qui tâche pour dire que je n’ai pas réussi à partager l’enthousiasme général. Lors des premiers titres, j’ai pourtant cru m’être réconcilié avec la musique de cette bande de joyeux canadiens. »éNeighborhood 2″ ou « No Cars Go » ont un certain panache, cette force d’être à l’unisson dans le décalage des voix et des instruments. Puis progressivement l’impression de répétitions s’installe, l’unisson se désagrège en accumulation. Ce soir, ils étaient neuf sur scène et parmi eux, on compte deux catégories : ceux qui jouent, et ceux qui jouent certes, mais qu’on n‘entend pas. Le chanteur est de ceux qui tiennent rigoureusement la barre, souvent accompagné par la batterie et de temps à autre par d’autres membres, tandis que d’autres s’amusent, grattent, frappent et maltraitent leurs instruments avec une énergie – parfois communicative – tout en restant inaudibles, même pour les premiers rangs. A certains moments, le set est au bord de la pantomime et les remerciements sont dans ce ton : plusieurs « Thank you for watching us » ponctuent ce concert plus visuel que musical.