Tori Amos au Palais des Congrès, Paris, 3 octobre 2009

Coup de cœur de La Lune Mauve

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Affiche du Sinfoul Attraction Tour de Tori Amos

Hier soir, Tori Amos était en concert au Palais des Congrès, à Paris, pour assurer la promotion de son dernier album, Abnormally Attracted to Sin.

Réglé comme du papier à musique, le timing du concert était parfait : dès 20h, ce fut l’Anglais Foy Vance qui assura la première partie avec sa folk puissante, composée de loops en temps réel, d’une guitare électro-acoustique merveilleuse et d’une voix rappelant tantôt Eddie Vedder, tantôt Robert Plant (rien que ça). Certainement un artiste à suivre !

Une fois n’étant pas coutume, le public présent ce soir-là n’avait d’yeux que pour Tori et une bonne partie se permit de n’arriver que vers 20h45, zappant ainsi l’homme au chapeau. Qu’importe, tout le monde fut en place à 21h pétantes, lorsque la salle s’assombrit et que les spots mauves et verts s’allumèrent, laissant Matt Chamberlain et Jon Evans investir la scène du Grand Amphithéâtre sous les applaudissements et les cris d’un public impatient.

Nous le savions, au vu des setlists précédentes (le concert de Paris était le cinquante-cinquième concert de la tournée Sinful Attraction Tour), le bal commencerait avec Give, le tout premier morceau du dernier album de la torride pianiste. Et c’est sous un tonnerre d’applaudissement et une fascination commune que la reine de la soirée, Tori Amos, entra à son tour sur scène, parée d’une élégante tenue blanche et noire, qu’elle dit avoir choisie spécialement pour être assortie à ses « frères » de scène – Evans étant habillé en blanc, et Chamberlain en noir.

Tori Amos salue son public en entrant sur scèneUne élégance portée également par les jeux de lumière ainsi que par la scénographie du spectacle, de longs rideaux se faisant le théâtre d’un ballet de couleurs toujours très soigné. Et puis, disons-le franchement, la robe en question, aux lignes épurées dignes de la maison Chanel, mit bien mieux Tori en valeur que la robe de cow-girl qu’elle porta avec des leggings hologrammes lors du concert de Rome.

Le décor était planté, et j’attendais de pied ferme une setlist d’enfer, au vu de ce que Tori avait joué lors des cinquante-quatre concerts précédents. D’autant plus que j’avais été relativement déçue par son concert parisien précédent, en 2007 ; enfin, dans la mesure où Tori Amos est ce qu’on peut légitimement désigner comme mon idole, mes attentes étaient doublées, voire triplées. Nourrie à ses enregistrements live de 1998 (à cet égard, le deuxième CD de To Venus and back est à recommander), et connaissant donc les capacités vocales et le goût pour la performance scénique de Tori, je m’étais pourtant quelque peu habituée au fait que la belle se soit assagie au cours des dernières années.

Tori Amos au Palais des Congrès de Paris, 3 octobre 2009Pourtant, c’est bien la Tori Amos inspirée et fougueuse que nous avons vue ce soir-là. Visiblement très en forme et contente d’être là (la légende veut que ses concerts parisiens figurent toujours dans le palmarès de chaque tournée en terme de réussite, et ce en dépit du semi-échec de 2007), l’artiste nous a gratifiés d’une setlist fantastique, mixant à bonnes doses la quasi totalité de ses albums ; bien que cet éclectisme fut savoureux, on aura pu regretter que seuls trois morceaux d’Abnormally Attracted to Sin aient été joués : Give, donc, ainsi que Lady in Blue et Strong Black Vine. De cette dernière, Tori livra une interprétation étourdissante, rageuse, même, tout comme ce fut le cas pour la célèbre Precious Things, qu’elle avait déjà jouée en 2007, mais qui prit une toute autre ampleur hier soir. Tori la fit durer pas moins de huit minutes, et évita l’écueil d’un jeu automatique en réactualisant totalement le morceau via une longue performance, pendant laquelle nous avions conscience d’assister à l’un de ces moments transcendants (pour ne pas dire historiques), tels qu’ils ont pu être immortalisés à la fin des années 90.

Ainsi, sous les beaux atours de la « déesse du rock » – ainsi que la surnomment ses fans les plus hardcore -, sommeille toujours une artiste engagée et passionnée, entendant bien faire passer quelques messages bien sentis lors de ses tournées extensives. On pouvait penser que la musicienne s’était embourgeoisée et laissée happer par les fastes d’une célébrité en papier glacé, dont son visage porte hélas les marques. On pouvait également estimer que son heure de gloire est derrière elle, et que ses disques récents n’ont plus jamais atteint le niveau exceptionnel qu’elle avait elle-même établi avec ses quatre premiers disques (de Little Earthquakes à From the Choirgirl Hotel). Certes : la Tori Amos actuelle est plus sophistiquée que la Tori Amos des débuts.

Tori Amos lors de son concert parisienSi ses trois derniers albums ont pu laisser penser que la musicienne a un peu perdu de sa candeur et de sa fougue, le concert que Tori Amos a donné hier soir au Palais des Congrès de Paris a prouvé que l’artiste en a encore énormément dans le ventre. Tori Amos est sans conteste l’une des artistes qu’il convient de voir en live afin de pouvoir apprécier toute la richesse de sa musique, mais aussi toute la puissance de ce petit bout de femme dressé sur talons aiguilles.

D’un point de vue plus personnel, j’ai été bouleversée d’entendre plusieurs de mes chansons ultra préférées pour la première fois « en vrai » : tant Girl – peut-être le tout premier morceau de Tori Amos que j’aie entendu dans ma vie, il y a de ça une dizaine d’années -, que Icicle, mais aussi et surtout Josephine, où le jeu de Matt Chamberlain, rappelant la rythmique militaire déjà présente dans la version studio du morceau, a donné à l’interprétation évanescente de Tori toute sa dimension. Et même si Tori nous a ressorti Silent All These Years pour la cent-trente-millième fois de sa carrière, une émotion toute particulière a traversé le Grand Amphithéâtre lorsqu’elle a interprété son morceau fétiche avec une intensité touchante aux larmes. Son jeu de piano fut très inspiré, inventif et virtuose, faisant de chaque morceau une véritable ôde à la Source. Enfin, Tori Amos nous fit l’honneur de jouer Smokey Joe non seulement à Paris mais aussi au regard de toute la tournée, libérant, sans doute, quelque démon intérieur au rythme du célèbre arpège de piano.

Tori Amos au Palais des Congrès de Paris, 3 octobre 2009Divine, la voix de Tori Amos a atteint des aigus plus entendus depuis longtemps. Tantôt lancinant, tantôt surnaturel, le chant de la sirène a littéralement ensorcelé l’auditoire, dont la moitié s’est précipitée (une fois n’est pas coutume) au pied de la scène bien avant la fin du concert, et a joyeusement dansé sur Raspberry Swirl.

Au rayon des petits regrets, il est dommage que l’artiste ait préféré jouer Landslide plutôt que Northern Lad, même si on a préféré Baker, Baker au Take Me With You initialement prévu sur la setlist originelle. Northern Lad, donc, sera pour la prochaine fois !

Ce concert fut donc une immense réussite : 2h10 de pur bonheur, tant pour les fans que pour les néophytes, grâce à une Tori Amos en pleine forme, une setlist plus originale et panachée qu’en 2007, des arrangements nouveaux, des enchaînements fluides, et à des musiciens en état de grâce – mention spéciale à Jon Evans qui a non seulement assuré ses traditionnelles parties de basse, mais également la guitare et le violoncelle électrique. S’il y avait un concert à ne pas manquer en cette fin d’année, c’était sans doute celui-là ! :-)

Setlist

  • Give
  • Caught A Lite Sneeze
  • Cornflake Girl
  • Girl
  • Icicle
  • Concertina
  • Smokey Joe
  • Take To The Sky
  • Josephine
  • Marys Of The Sea
  • Hotel

(Tori en solo)

  • Silent All These Years
  • Landslide
  • Baker Baker

(Le groupe revient)

  • Lady In Blue
  • Carbon
  • Talula
  • Precious Things
  • Strong Black Vine

(Rappel)

  • Raspberry Swirl
  • Big Wheel

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