Dysfonctionnements

Papillon séché

N.B. : ce texte est une archive de mon blog personnel. Il a été initialement publié le 21 novembre 2006.

Cet article a déjà 12 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

Je ne sais pas franchement ce qui me pousse à tout de même coller le bout de mes doigts à ce clavier, d’appuyer méticuleusement sur chaque petite touche noire cernée de blanc, alors que ma fatigue physique est à deux points d’éclater au point d’en laisser des traces sur ledit clavier. J’ai envie de dire… que c’est comme ça.

J’ai besoin de ces franfreluches – de cette puissance ridicule, de ce faux anonymat – comme d’un fix, comme d’une loi. L’écriture me permet de garder une trace des paroles dont il ne subsiste aucun enregistrement, de l’éther et de l’huile qui s’éventent, des douleurs de cœur… qu’on ne garde pas…

Fixer, fixer ; se rappeler. Ne jamais oublier. Se rappeler cette nuit du vingt novembre deux mille six qui, une fois achevé, redeviendra inacessible, à jamais. C’est devenu, oui, sinon une obsession, une considération permanente – voire même une recherche. Qu’un client de merde me donne un violent coup de coude dans les côtes alors que j’attends à la caisse, paisible, à un mètre de lui ; que la serrure de la porte d’entrée rende l’âme alors que le poids total exercé par mes sacs de voyage sur mon dos avoisinne les cinquante kilos ; que ledit problème de serrure m’oblige à rester chez moi, alors que, de l’autre côté de la ville, un cours de photo ne m’attendra pas : je recherche – non, je traque – le moindre indice de ces failles, la plus petite trace de ce temps qui passe trop, le moindre souffle de délit.

Interlude.

(…)

On me dit parfois que mes blogs en apprennent plus sur moi qu’un week-end passé en ma compagnie ; on me le reproche même, parfois. Pourtant, je pense que cela n’intéressera jamais personne que je geigne tout un week-end durant. J’imagine qu’on me dira: « Arrête de te plaindre ! », « Qu’est-ce que tu te prends la tête quand même ! », « Comparé à toi, je serais presque heureux ! », et/ou « Re-la-ti-vi-se ! » (ma préférée ?). C’est ce qui justifie, à mon sens, la continuité épistolaire de ma présence-absence sur Internet.

À vrai dire, je ne sais pas si cela servira à grand chose d’écrire tout ça. Si je prétends que je fais ce que je fais et que j’écris ce que j’écris pour en garder des traces, qui dit qu’à soixante-douze ans, au moment précis où je voudrai me souvenir, cette URL idiote sera encore en ligne ? Un site, ça s’aspire, ça s’imprime, ça s’approprie, ça se copie, ça se supprime, à l’image du reste d’ailleurs. Finalement, tout cela n’est peut-être qu’une histoire de soulagement pulsionnel, du genre de ceux que l’on regrette après coup. Je parlais de délit… je n’étais pas loin.

Parfois, tout ce que je demande, c’est être vissée à ce fauteuil adoré, derrière cet écran adoré, à taper sans trop de conscience des mots qui, dès le lendemain, viendront cogner à ma tête comme autant d’yeux révulsés. Quoi ? Moi, j’ai écrit ça ? Étrange. Tiens, je corrige. Tournure de phrase un poil lourdingue. Et que penser suite à ça ? Oui, donc forcément. Voilà, c’est un peu comme ça que ça se passe, ça s’enchaîne, ça rythme, ça pulse, canalisé par les veines roses de ma pensée. Peut-être n’est-ce que le délire mythomane d’une grande fille pas toute simple ; à moins qu’il y ait un message vraiment bien dissimulé derrière le miroir que je m’obstine à brandir en lieu et place de mon visage, sous prétexte qu’on peut mieux m’y voir…

(…)