
Écrire me manque comme une amie dont on se languit.
Mes vacances ont débuté dans un état de sécheresse créative avancé, comme souvent.
Maintenant que la Source recommence à couler dru, j’ai du mal à me remettre à mon ouvrage : conséquence prévisible de plusieurs mois terribles, passés loin de l’écriture et du dessin.
Fut une époque où la perspective de m’atteler à mon bureau pour alimenter mon blog m’enthousiasmait beaucoup. Aquarelle, écriture, bricolages, expérimentations : tout me semblait facile, spontané, gratifiant.
Mais en ce moment, je redoute presque le moment où je vais devoir m’y mettre, tout en me plaignant de ne pas trouver le temps de le faire.
Difficile d’admettre que c’est moins le temps que la motivation qui me manque, souvent. J’ai trop de choses à dire, et je ne sais pas par où commencer.
Fuite
Les années passent, mais le réflexe est toujours le même : dès qu’un peu trop de monde s’intéresse à ce que je crée, je prends la poudre d’escampette. Je baisse les volets, je ferme la porte, et je change la serrure.
Fuir est ma méthode pour survivre.
Je continue à penser que l’ennemi de la créativité et de la liberté de ton, pour un·e artiste, c’est la popularité.
Tout a changé, et rien à la fois
Hasard du calendrier : cela fait maintenant cinq ans que j’ai décidé de me remettre à bloguer, qui plus est ici, sur ce vieux blog – mon bien-aimé astre pourpre, mon premier né.
À l’époque, j’étais au chômage, dégoûtée par mon milieu professionnel, à la recherche d’un métier qui ait du sens.
En parallèle, je commençais tout juste à sortir la tête de l’eau après avoir été cyber harcelée.
J’étais tiraillée entre le besoin viscéral de m’exprimer et la peur sourde de m’exposer, ce qui équivalait pour moi à aller au-devant de diverses agressions.
Tout allait mal, et j’avais l’impression que c’était de ma faute.
Aujourd’hui, des choses ont évolué, d’autres moins.
Certains questionnements synchroniques persistent entre cette époque-là et maintenant. Des signes qui ne trompent pas (sans que j’y voie une prédestination quelconque), et des choix qui, au fond, vont dans le même sens. La différence, c’est que je les assume mieux maintenant.
Immuable : le plaisir de me retrouver seule pour laisser mon univers s’exprimer, en m’immergeant dans la musique jusqu’à perdre tout repère spatio-temporel, réussissant presque à absoudre mon ego.

Blog versus art
Comment continuer à aborder mon blog et mon goût pour ce medium, alors que j’ai décidé d’être enfin au monde en tant qu’artiste ?
Que vais-je bien pouvoir faire de l’héritage laissé par deux décennies de blogging, de rapports aux autres extrapolés à travers le numérique, et d’une présentation de soi conditionnelle et maniérée ?
Les pratiques d’exposition de soi plus avancées que la normale répondent toujours à une dynamique de conquête relationnelle.
À quel moment vais-je switcher entre penser en mots et penser en images ?
Il m’est plus facile d’écrire que de dessiner, aussi vais-je sans doute privilégier le dessin pour m’obliger à ressentir plutôt qu’à intellectualiser.

En durée
En retournant dans la maison où j’ai passé mon adolescence – des années ballotées entre candeur lycéenne et pulsions lugubres –, j’ai soudain compris que le dessin et l’écriture m’ont très certainement sauvée.
En rouvrant mes pochettes à dessin de l’époque, ces sarcophages juvéniles, j’ai été choquée par la violence qu’elles contenaient.
J’étais une plaie béante, un volcan, un piège à loup, murée derrière mon apparence de première de la classe.
Mais ce que je ressentais restait entre moi, moi, le papier et la musique.
J’avais 19 ans, et mon vœu le plus cher était de devenir « adulte », dans l’espoir que cela change la donne. J’espérais que cette indépendance me donnerait le pouvoir d’envoyer paître tout le monde et de devenir qui j’aspirais à être.
Sauf que ça ne s’est pas passé comme ça. Dans ma vie, mes envies ont rarement été prises au sérieux.
21 ans plus tard, j’endure encore beaucoup en silence, et j’ai peur de faire des vagues. Les traces profondes creusées par des années de discipline, de soumission et de violences, subies ou absorbées, n’ont pas toutes guéri, en fin de compte.
Et puis, se rebeller coûte cher.
La semaine dernière, j’ai jeté pas mal de choses datant de cette période-là.

Demain
Malgré tout, je me sens prête à descendre en eaux troubles, à la recherche de ces vieux rêves qui ont souffert du manque d’oxygène.
Peut-être me poussera-t-il des branchies, à la longue.
J’espère aussi récupérer des nageoires, au passage, pour pouvoir filer me réfugier sous le sable à vive allure, le temps que ça passe, avant de revenir déterminée, prête à reprendre le risque de m’exposer.
En cela, l’Antichambre est un cierge allumé dans ma cathédrale personnelle.

PS : fin de la seconde pierre de ma chambre à l’envers. Je m’interdis de trop y réfléchir et de trop me relire, de peur d’aller dans loin dans l’édition et de perdre la spontanéité avec laquelle je me suis promis d’essayer de renouer.
PPS : j’ai créé une nouvelle playlist lunemauvienne sur Spotify, en attendant mon prochain Post Mortem musical. Elle évolue régulièrement.
PPS : parfois, je relis ma période Internet fatigue, et j’ai envie de prendre dans mes bras celle que j’étais alors, et qui est encore là.
Sempra
23 août 2021
Je viens commenter après m’être perdue dans les billets de ton tag « internet fatigue ». Laisse moi te dire quel plaisir immense j’éprouve à me promener sur ton blog et à aller de lien en lien, lire ou relire quelques articles, partir en voyage avec toi le temps de quelques lignes. Merci pour cette aventure toujours renouvelée dans ton cosmos à la couleur de lilas. <3
Je suis ravie de lire que l'inspiration créative te revient, j'ai hâte de voir de quelle manière tu vas naviguer entre les mots et l'image – les deux ont leur place ici, à mon humble avis ! Je pense que la toi de 19 ans est fière du chemin que tu prends.
PS : J'ai commencé à écouter ta playlist, et ça tape dans le mile !
Marie
7 septembre 2021
Merci beaucoup, Sempra, pour… à peu près tout, en fait ! Non seulement pour ta propre créativité et tes passionnants partages, mais aussi pour ton soutien, ta présence, et ton enthousiasme quand je tente de nouvelles choses. Cela me fait du bien de te savoir tout près, malgré l’immensité du cosmos.
Sempra
8 septembre 2021
💜
Sophie
23 août 2021
Ça reste toujours un plaisir de te lire même si je ne commente pas toujours. Ayant moi même eu un gros passage à vide, je comprends que trop bien tes sentiments et émotions.
Toutes ces émotions qu’on a accumulées, tout ressort aujourd’hui car il y’a certainement une prise de conscience par rapport à la vie, tout ça.
Gros bisous Marie
Marie
7 septembre 2021
Oui, c’est par phase… On fait avec, et on finit toujours par s’en sortir, même si certaines phases sont plus longues que d’autres. Je t’embrasse fort aussi !
Alyfera
24 août 2021
J’ai découvert ton blog l’année passée, grâce à Diglee. Initialement, je viens du blog BD ; des blogs que je suis depuis mes 16 ans maintenant. Et ça fait qq années qu’ils n’existent presque plus et ça me manquait justement le blogging.
Du coup, quand je suis tombée sur ton blog, j’ai retrouvé le plaisir du blog et ce qui me manque cruellement sur les Internets.
Cet espace non-simultané, non-agressif comme les réseaux sociaux, où l’on prend le temps de lire, de réfléchir, de poser sa tasse de café, de partir dans les rêveries. L’anonymat total. Le fait de chercher ton blog, aller fouiller quand j’ai du temps, quand j’y pense. Comme quand je me dis, tiens et si je relisais cette BD. Bref, la sérendipité aussi.
Vraiment, ton blog, c’est une source de confort. Une friandise culturelle que je chéris à présent.
D’ailleurs pr l’anecdote, hier sur Insta, tu parlais dans une de tes stories de ton jardin et tu as dis : mes arbres je crois, je ne sais plus vraiment. Et du coup, avec mon mec, on a parlé de nature et propriété et je dis ça sans jugement. J’ai trouvé ça cool de parler avec lui de mes objets culturels, de mes centres d’intérêts. Et c’est quand je parle de mes lectures aux autres que je me rends à quel point elles me nourrissent.
Alors merci à toi pr ton contenu <3
Ah et aussi j'en profite : je conseille deux blogs BD que j'adore celui de Zviane et le blog Koudavbine de Mawy :)
Marie
7 septembre 2021
Je te souhaite la bienvenue sur l’astre pourpre, Alyfera ! Merci de tout cœur pour ton retour à propos de mon blog.
Cela me fait particulièrement chaud au cœur, car tu décris à peu près tout ce que j’ai souhaité que mon blog devienne : un coin préservé, tranquille, où chaque personne peut être et assumer qui elle souhaite être, et où l’on se prête des (idées de) livres et disques…
C’est vrai ! Ce « mes arbres » était moins possessif qu’affectueux ! Mais peut-être que les deux sentiments sont difficiles à séparer complètement ? Je ne considère pas qu’ils m’appartiennent, je ne suis que de passage ; certains de ces arbres existaient avant moi et continueront à exister après moi. Pour l’heure, me revient quand même la charge d’en prendre soin et de veiller à ce qu’ils vivent leur meilleure vie d’Ent :)
Super, merci pour tes recommandations ! Je vais me pencher dessus.
Lao
24 août 2021
Qu’elle est douce, cette plongée dans l’antichambre d’un toi qui reprend doucement ses aises… Poser ces mots sur ce clavier après m’être laissée bercée au gré de tes différents liens reste ma madeleine de Proust préférée.
Prends soin de toi, et de continuer à cultiver cet espace primordial sur lequel nous veillerons avec bienveillance, attendant avec joie les prochaines respirations qui émaneront de tes chères branchies.
Marie
7 septembre 2021
Merci de tout cœur à toi qui sembles percevoir chaque frémissement, chaque pulsation, et intercepter même le plus infime des signaux. 🙏🏻
Alexandrine
26 août 2021
Cette antichambre fait du bien : le fait de parler de quelque chose sans filtres d’aucune sortes (au sens propre comme au sens figuré) semble aujourd’hui un acte un peu « ovni » dans un monde internet où les photos sont posées, les mots calculés… Au sens propre puisque que, apparemment, on monnaye maintenant ses articles tels des journalistes via des plate-formes de financement. Bon. Donc, cette antichambre est plutôt la bienvenue selon moi et c’est très courageux de ta part de l’avoir construite, bravo ! ^^
Je comprends un peu ce que tu ressens : on pense souvent être débarrasé de certaines choses car on a grandis, mais on continue de se les trimballer un bon bout de temps… Mais tu réussis tout de même à transcender tout cela dans tes créations, je trouve cela pas mal du tout d’ailleurs ! Courage, je suis sûre que tu surmonteras tous ces souvenirs et émotions pas terribles !
Je vais aller faire un tour sur spotify du coup, j’ai bien besoin d’une playlist pour affronter l’écriture de ma thèse !!!!
J’ai une question : je sais que tu possèdes une petite collection de vinyls récents (dont certains sont trèèèèèèès beaux), est-ce que tu passes par les sites des groupes ou bien est-ce que tu as un site vendeur de vinyls récents indé où tu déniches ces petites merveilles ?
Et enfin : je ne sais pas si tu l’as regardé, mais si non, je te conseille la série Katla sur Netflix, une mini-série islandaise superbe, glauque et baignée de cendres, un régal pour les yeux et un petit bijou de mystère.
Belle journée
Alexandrine
Marie
7 septembre 2021
Merci beaucoup Alexandrine ! Cette sensation d’être un « ovni », c’est ce que je ressens depuis à peu près toujours, et plus les usages sur le web évoluent, plus c’est le cas. Ce qui est étrange d’ailleurs, vu que je ne propose rien d’innovant ni de vraiment original… Quoi de plus basique qu’un blog perso ?
L’avantage d’avoir plus de 20 ans de pratique dans les pattes, et de ne jamais avoir percé (sans doute parce que ça n’a jamais été un but en soi, du reste), c’est que mon nid sur les Internets est encore assez doux et tranquille, et qu’on peut encore y discuter sans hausser la voix.
Quand je vois le mal que j’ai à planifier mes publications à l’avance, à débloquer le temps nécessaire pour mettre à jour mon blog mais aussi mes différents profils, je crois que j’aurais le plus grand mal à alimenter en nouveautés régulières les personnes qui seraient prêtes à soutenir ma démarche financièrement ! Mais bon, nécessité faisant loi, on verra dans quelques années comment ça aura évolué :)
Héhé, merci, j’aime bien les vinyles en effet :) Je n’ai pas vraiment de boutique fétiche ! J’achète autant que possible directement auprès des groupes et des artistes (souvent sur Bandcamp, sinon sur le site de leur label), parfois sur Dodax où les nouveautés sont souvent moins chères, sur Le Bon Coin si je trouve un bon plan (mais vu la musique que j’écoute, c’est rare), sinon sur Discogs pour certaines raretés mais les frais de port sont souvent dissuasifs hélas.
Une astuce : si tu connais un·e disquaire qui vend pile le type de musique que tu aimes, il y a de grandes probabilités que sa boutique soit sur Discogs. Du coup, tu peux surveiller ce qui est mis en vente, ou faire des recherches par boutique, par pays… Par exemple ne chercher tel disque qu’auprès de vendeurs/vendeuses en France, pour éviter de payer plus cher les ports que la galette.
Ah et merci pour le conseil sur « Katla », je note ! Pour le moment, je suis en pleine intégrale de X Files, et j’en ai encore pour deux ou trois mois je pense… (C’était l’époque des saisons de 24 épisodes, gloups !)
Alexandrine
8 septembre 2021
Merci pour tous ces renseignements sur les vinyls, je vais aller fouiner un peu sur Discogs (que je connaissais pas du coup) ! ^^
L’intégrale de X-Files, effectivement, t’en as pour un moment (ça paraît loiiiin ce temps des 24 épisodes par saison…) !!!! Même si, je confesse : je n’ai JAMAIS vu un seul épisode de X-Files (du coup, là, en ce qui concerne les ovnis, j’ai vraiment l’impression d’en être un… ^^)
Lullaby
29 août 2021
Quel billet, si fort, si bien que je ne sais que dire dans mon commentaire, mis à part que je l’ai lu, que ça m’a touchée, que je te comprends, et que j’ai eu envie de jeter un pont et te serrer dans mes bras ! (au sens spirituel, puisque IRL, je ne suis pas très tactile et n’imposerait pas non plus cela)
Merci pour ce cierge allumé, cette ouverture sur tes réflexions, aspirations, craintes et obstacles.
Marie
7 septembre 2021
Merci beaucoup, ma chère Lullaby ! Je comprends tout à fait le paradoxe entre élan d’affection soudain versus distanciation physique souhaitée. Que dire que tu ne saches déjà — je me répèterai donc : ma route est tellement plus douce, depuis des années, en te sachant là, tout près.
Delphine
29 août 2021
J’aimerais tellement être plus que ce commentaire en bas de ce post à coeur ouvert.
J’aimerais te serrer fort, t’emmener manger un cookie géant en buvant un thé chaï et te rappeler au cours de notre discussion à quel point je te trouve formidable, créative et inspirante.
Cette distance qui nous sépare ne me fait pas pour autant oublier cette femme merveilleuse à qui j’ai un jour laissé sa chance pour rejoindre mon équipe, et je me réjouis encore souvent, de t’avoir rencontrée. Ma très chère Miaourie, je vais allumer une bougie, et t’envoyer plein de douces pensées, en attendant que nos chemins se recroisent. ♥♥♥
Marie
7 septembre 2021
Je ressens tant de gratitude de te connaître et d’être toujours en lien avec toi, malgré le nombre de kilomètres et le temps qui est déjà passé sans se voir. Moi aussi je t’admire, et j’attends avec impatience le cookie géant et le chaï latte partagés ! (#Cucul, oui, et fière de l’être.)
Shaya
30 août 2021
Juste envie de t’envoyer plein de belles ondes mauves pour t’y envelopper comme dans une cape confortable <3.
"Blog VS art"? Je ne suis pas sûre qu'il y ait réellement opposition. Le blog me semble plutôt un support d'expression artistique. Ton art est là, et ton blog te permet de le partager comme le ferait une galerie pour ta peinture, comme tu le fais sur la plate-forme de streaming musical avec ta playlist.
Et donc *cape d'ondes mauves*. En espérant te rencontrer un jour "en vrai" au détour de nos pérégrinations respectives en Bretagne.
Marie
7 septembre 2021
Merci beaucoup, Shaya, pour cette cape veloutée ! Je suis contente d’avoir ton avis sur le paradoxe blog vs. art — en te lisant, les voir comme complémentaires me semble aller de soi ; je crois que je me suis perdue dans les pensées d’une autre et que cela a altéré mon jugement. Vivement, oui !