Moins deux degrés : notre massif anglais est recouvert de « greige » (mi-neige, mi-grèle, néologisme emprunté à Lucide).
J’écoute un super album que j’ai oublié de chroniquer dans mon dernier Post Mortem : Violet Hour par Alunah.
you’ll always want what you can’t have
L’heure violette, donc : c’est le temps que je souhaiterais voler chaque semaine pour immortaliser mes pensées du moment et vider ma mémoire vive.
Le risque, c’est que si je fais ça comme je le fais là, attablée devant mon bol de céréales pomme-cannelle et emmitouflée sous un plaid, face à la fenêtre qui donne sur le jardin, je vais avoir envie de me lever toutes les 15 minutes pour dissiper les pigeons ramiers qui boulottent les bourgeons de notre cerisier.
Bon, vous me direz, vu qu’il gèle, les bourgeons ne donneront de toute façon rien, donc autant qu’ils soient mangés par des oiseaux ?
Injonctions
Je ne sais pas pourquoi je repense à ça, mais l’autre jour est venu dans la conversation le ras-le-bol des carnets : que ça fout la pression de devoir tout noter tout le temps, et que c’est angoissant de voir des tonnes d’idées s’accumuler sans que l’on n’en fasse rien – voire, PIRE, sans que l’on n’en fasse rien mais en les voyant ensuite développées par d’autres gens.
Ce que je me dis à chaque fois que ça arrive, c’est : « Meuf, t’as les idées, mais t’as pas les moyens ».
Voire, carrément : « Meuf, t’as les idées, mais tu ne te donnes pas les moyens de les concrétiser ».
Si ça, c’est pas une pensée toxique, je ne sais pas ce que c’est.
Sans doute que mon écoute attentive de Meta de Choc y est pour quelque chose. (Je l’écoute en général le dimanche matin, pendant que je prépare une pâtisserie, moment anodin mais ô combien satisfaisant.)
Ce podcast me fait réaliser que je déteste le développement personnel et les injonctions qu’il véhicule sous couvert de « bienveillance ».
D’ailleurs, si on n’ose plus utiliser le mot « bienveillance » sans cringer, c’est bien à cause du développement personnel et de son bullshit permanent.
Je me souviens avec clarté d’une discussion pile dans ce thème avec une copine, très versée dans ces choses-là. Après m’avoir écouté répondre avec franchise à la redoutée question « Comment ça va ? », elle m’a dit un truc du genre : Tout ça ce sont des barrières mentales que tu te mets toi-même
.
Ah bordel. J’en déglutis rien que d’y penser tellement ça me crispe.
Développement pesonnel et culture du viol
Ce réflexe de faire porter à une personne la responsabilité de son malheur (ou de son bonheur d’ailleurs), c’est tellement TELLEMENT problématique : pourtant, c’est la base de la « pensée positive » et de la loi de l’attraction, deux piliers du développement personnel.
Je comprends la séduction opérée par l’idée que, plus on penserait de manière « positive », plus on attirerait « le bonheur » — à supposer toutefois que l’on sache le définir et le reconnaître, à supposer aussi que ce soit un état atteignable et maintenable.
C’est l’idée de faire de son mieux, de faire preuve de résilience, de prendre la vie du bon côté (🤢).
Idée que j’ai moi-même trouvée très plaisante pendant des années, au point de l’exprimer dans certaines de mes publications.

Illustration représentant deux personnes face à face, chacune tenant un aimant dans la main et attirant l’autre. Le texte « happy person » est écrit à côté de chacune d’elle. À l’époque, je trouvais que ce dessin, découpé dans un magazine, était trop mignon. Aujourd’hui, il me sort par les yeux.
Ce qui me gêne maintenant dans cette pensée-là, c’est le fait que ça implique que, si quelqu’un est malheureux, c’est DE SA FAUTE. Parce qu’il ou elle n’a pas fait tout ce qu’il « aurait fallu », justement.
Penser que les malheurs qui nous arrivent sont de notre faute est l’idée la plus fucked up de l’univers.
Ah non, pardon : il y a une idée encore pire. C’est penser que les choses négatives qui nous arrivent vont justement nous permettre de vivre notre meilleure vie. Qu’on ne pourrait pas atteindre le bonheur sans avoir, d’abord, fait des expériences graves et violentes.
** Avertissement : dans les deux paragraphes suivants, je parle de viol. **
C’est sur ce discours qu’est construit l’arc narratif « Dark Sansa » dans Game of Thrones : c’est l’idée qu’un viol permettrait à une femme de devenir plus forte, plus adulte. Comme un rite de passage auquel toute femme doit se soumettre si elle veut ensuite révéler son potentiel.
Oui, ce type d’histoire nous fait accepter que le viol serait « une bonne chose », s’inscrivant totalement dans la culture du viol.
** Fin du passage sur le viol. **
Je suis convaincue que les discours autour de la pensée positive et de la loi de l’attraction contribuent à nourrir cette idée : que l’on devrait ressentir de la gratitude pour le mal qui nous arrive.
Sauf que c’est une immense et dangereuse connerie.
Non, on n’a pas à ressentir de la reconnaissance pour les personnes qui nous ont fait du mal. Non, on n’a pas à leur pardonner. Non, le mal qui nous arrive n’est pas de notre faute.
Faire du tri
Revenons aux carnets et à l’angoisse qu’ils peuvent provoquer. Toutes ces idées qui moisissent dans un coin : à quoi servent-elles ?
Pour ma part, ça me rassure de tout noter.
Si un jour je me réveillais indifférente, engourdie, sans plus aucune inspiration, mes carnets me permettraient sans doute de me reconnecter à la Source quand même, grâce à mes idées.
Toutes ces idées notées forment le matelas atténuant ma chute existentielle. Tant que j’ai ça, j’ai des choses à faire : ça me tient occupée et détourne mon attention de cette condition pénible qu’est l’humanité.
Parfois aussi, il m’arrive de relire de vieux carnets dans lesquels ne subsiste plus une seule page libre. Je ne peux me résoudre à les jeter, car j’y retrouve, en filigrane, des moments où j’ai pensé et rêvé avec intensité. Cela nourrit une nostalgie et donc me détourne de l’instant et du réel, qui ne sont jamais à la hauteur de ce qui aurait pu être.
Lia quant à elle me disait que noter des idées dans un carnet lui permet de les extraire de sa tête et de ne plus avoir à y penser.
Au fond, peu importe que nos idées moisissent sur le papier sans que nous n’en fassions rien : si nous retombons dessus un jour, et que certaines nous plaisent encore, ça fera un tri intéressant.
Martine
5 avril 2022
Agréable à lire et intéressant, comme toujours !
personnellement, je stocke mes idées au fur et à mesure dans ma messagerie, puis dans des fichiers Word dans mon ordi. je suis souvent surprise (et charmée !) par ce que je retrouve, parfois des années après. Oui, c’est vrai, quand on se pique d’écrire ou d’animer un blog, il faut tout noter !
Merci Marie.
Marie
15 avril 2022
Merci à toi, Martine ! Tu me vois intriguée par ce système des documents Word. Comment les classes-tu ? À quel rythme et sur combien de supports les sauvegardes-tu ? Je serais ravie d’en savoir plus.
Lucide
5 avril 2022
C’est drôle, je pensais à cette histoire de carnets il y a quelques jours. Je regardais ma collection (j’en ai plusieurs, chacun à une fonction) et je me demandais pourquoi, une fois les pages remplies, je ne les regardais plus jamais. J’ai pourtant l’impression de noter un truc pour ne pas l’oublier, c’est paradoxal. Du coup, ce que dit Lia me parle instantanément. C’est peut-être juste ça, finalement. Enfin bref, je pense aussi aux archéologues du futur (ce qui fait de moi une optimiste à propos de l’avenir de l’humanité ou alors une autruche, va savoir) qui découvriront nos modes de vie (j’ai l’air d’une crâneuse en fait). Mais avant toute chose, ça fait du bien, ça canalise. C’est subjectif mais « canaliser » est une action qui me parle parce que c’est aussi à ça que mon blog est censé me servir, le carnet est juste sa version privée (plus ou moins vu qu’on peut en partager les pages sur Instagram).
Bon, beaucoup de parenthèses et de réflexions posées là, navrée haha. Et vive la greige !
Marie
15 avril 2022
Ouais, je pense que le vidage de tête est vraiment très important, avant même la recherche créative. Je vais encore revenir là-dessus, mais les pages du matin continuent à avoir sur moi un effet prodigieux (quand j’arrive à lutter contre la flemme de les écrire, ceci dit). C’est un énorme dump de tout ce qui m’obsède et me ruine le moral, et après avoir sorti les 3 pages, griffonnées avec rage, je me sens plus légère et prête à me concentrer sur autre chose.
Il est d’ailleurs conseillé de ne pas les relire avant un bout de temps (au moins un an, de mémoire ?) pour ne pas se prendre une sorte de choc en retour qui annihilerait l’effet.
Tout ça me fait aussi penser aux petites poupées guatémaltèques que l’on achetait en boutique boho, et que l’on glissait sous son oreiller après avoir confié un vœu à chacune. Le carnet peut revêtir ce caractère un peu propitiatoire.
Alyfera
5 avril 2022
Rien à voir avec les carnets mais je voulais te dire merci pour la recommandation Meta de choc, je les écoute avidemment en ce moment. Et tout comme toi, ça me chamboule mais dans le bon sens !
Marie
20 avril 2022
Hello Alyfera ! Je t’en prie, je suis ravie. Ce podcast est en train de révolutionner ma façon de réfléchir et de débunker pas mal de mes croyances. Suis-je surprise d’en entendre très peu parler dans les sphères que je fréquente ? Hum, non.
Cupofteaand_scones
6 avril 2022
Salut Marie! Encore une fois, tu tapes pile dans mes réflexions autour de la créativité et surtout du développement personnel… Souffrant d’anxiété, et certainement un peu tda, je me suis beaucoup tournée vers ça et ce pendant des années. Et depuis 4 ans, je fais un gros tri dans ma façon de voir la chose. Déjà, comme tu dis, les injonctions à aller bien –>🤢, et puis tout ramener à la pensée magique, ca m’a mise dans une culpabilité telle, qu’une fois ajoutée à la culpabilité en tant que mère (rapport à l éducation, aux soins, la charge mentale, d ailleurs excellent meta de choc sur la parentalité positive 😉) j’ai fini par péter un câble et je n’ai jamais eu si peu confiance en moi et en ma capacité à faire les choses.
Ca va beaucoup mieux aujourd’hui, mais bon ca partait de si loin que ca pique encore.
Et surtout surtout ça me met la RAGE tout ce discours, parce qu’au delà du mal que ca peut faire, je trouve que ça déresponsabilise le collectif, ça dépolitise notre mal être en tant que société.
Tu es mal au taf? Cest de ta faute! Tu arrives pas à sortir de ta dépression, c’est de ta faute! Tu as mal demandé à l’univers, tu t’es pas assez disciplinée!
On oublie que ces maux trouvent souvent (toujours?) leur source dans notre société et le capitalisme, les rapports de force, le patriarcat, le racisme, l’homophobie, la transphobie, la course au profit… et qu’en plus l’accès aux vrais outils est trop cher (la thérapie par ex) ou inaccessible (suivant où tu vis, si tu peux conduire etc.). Et quand tu peux y accéder, à coup de sacrifices pour beaucoup, tu te heurtes à des délais impossibles, des soignants désabusés et lessivés ou mon préféré (non) les violences médicales… Et cette façon de voir les choses (tout ramener à soi), il me semble limite que c’est devenu un outil politique pour nous empêcher de s’organiser, et plier le dos.
L’écoute de Meta de choc m’a rassurée dans ce constat, parce que quand j’en parle aux gens, je me heurte très souvent à des convaincus de la pensée magique.
Autant il y a quelques années c’était un peu « niche », autant aujourd’hui c’est la cata… (et je comprends tout à fait qu’on finisse par se tourner vers ce genre de pratiques quand on se heurte à des murs en parcours de soin, je ne juge pas).
C’est la mme chose qui me gave avec l’écologie et le zéro déchet, la part du colibri. Les dégâts que ca cause les discours à la rahbi… Moi aussi j’ai cru à ce truc de « si je fais attention aux petits trucs, à nous tou.te.s ca va compter » (d’ailleurs c’est surtout nous TOUTES hein parce qu’on sait qui se tape la transition et le maintien de la démarche zéro déchet, mais bon autre débat) mais c’est comme le développement perso, ca dépolitise les enjeux et les actions à mener.. bref. Ce pavé désorganisé, certainement plein de fautes, et (toujours 😉 )pas structuré, pour te dire que ton billet m’a touché, et que vraiment te lire ca me fait toujours du bien! Belle journée! ❤
Ecklipse
8 avril 2022
Tu as parfaitement résumé mon sentiment.
Parfois je retombe sur des vieux cahiers où j’écrivais et je me dis qu’à une époque je trouvais ça nul mais qu’en fait c’était pas si mal. C’est assez drôle comme la perception sur ses propres accomplissements évolue au fil du temps.
Perso je pardonnerai aux cadavres de ceux qui m’ont fait du mal à moi ou mes proches. Bien qu’ayant été élevé à la sauce catholique, je suis devenu de l’école Ni Oubli Ni Pardon
Marie
23 avril 2022
Coucou Ecklipse !
Oui ; raison de plus pour oser, tenter, même si une petite voix intérieure nous dit « mais noooon, c’est nuuuul, tu ne vas quand même pas partager çaaa ? ». Je suis convaincue que plus on crée, plus on fait, plus on construit sa confiance en soi. Elle n’est pas innée (en tout cas pas quand on fait partie des groupes sociaux minorisés).
Je comprends très bien ce sentiment ! En vieillissant, je me surprends parfois à m’en foutre. Mais le mépris n’est jamais loin.
Marie
23 avril 2022
Coucou Laurie ! Merci beaucoup d’avoir publié ton message ici. ♥ Tu mets le doigts sur tellement de points importants !
Je suis désolée que la pensée magique et les injonctions à aller bien t’aient causé tant de mal. Il y a beaucoup de nocivité cachée derrière une apparente « bienveillance » et une « positivité » de façade.
Tu as absolument raison ! S’en prendre à l’individu, c’est l’isoler et le priver d’un recul et d’une contre-attaque possible.
Il y a d’abord la phase de séduction, penser (ou nous faire penser) qu’on est extraordinaire, et puis rapidement il faut en faire de plus en plus, dépenser de plus en plus, bref… je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle avec les mouvements sectaires, ainsi qu’avec la perversion narcissique.
Voilà ! C’est exactement ça. Isoler les cibles pour les empêcher de se défendre.
Là encore, on peut faire un parallèle entre la pensée magique et la culture du viol : faire croire aux femmes et personnes victimes de viol ou de violences sexuelles que c’était dans leur tête, qu’elles n’avaient qu’à pas faire ci ou ça, alors que c’est la société qui favorise le viol en ne s’attaquant pas à la masculinité toxique et à la culture du viol.
En accablant les victimes de culpabilité, on chercher à s’assurer de leur silence et les contraindre à la passivité.
Tout à fait. Irène (La Nébuleuse) en a parlé ce soir, tiens, dans une de ses stories, un compte-rendu d’une conférence à laquelle elle a assisté :
Dans ce contexte, le discours proposé par les acteurices de la pensée magique, discours centré sur l’individu, peut trouver un fort écho. Cela peut sembler « plus facile » de se changer soi, plutôt que déconstruire un système défaillant et penser ses problèmes par un prisme politique plutôt qu’individuel.
Oui, oui, oui. Si je pouvais encadrer ton message, je le ferais.
Mélissa
8 avril 2022
Il y a quelques mois, j’ai participé à l’atelier Carnet d’Idées proposé par Nathalie Sejean.
Cela a totalement fait bouger ma perception du carnet.
Il n’est pas que le réceptacle de nos idées mais aussi la trace que l’on veut/peut laisser dans le monde pour les générations futures.
Il est aussi pour moi un espace d’unification de ma pensée d’autant plus que mon temps est souvent fragmenté dans une journée.
Il est de fait comme un allié discret et puissant de mon quotidien, de mes actions pro et perso même si il est vrai qu’un certain nombre d’idées ne resteront que dans ce carnet.
Bref, j’y vois de nombreuses réflexions à approfondir sur mon rapport au temps, à l’espace, à l’autre et à moi-même, au monde… et c’est bien plus satisfaisant qu’une séance de développement perso :D
Marie
23 avril 2022
Hello Mélissa ! Merci beaucoup pour ton partage.
Au sens où un carnet nous survivrait ? Ou bien au sens où un carnet nous permet de donner vie à nos idées et d’avoir un impact dans le monde ?
Brice
8 avril 2022
Je vais juste passer un petit mot pour dire que je suis touché par ce billet, une fois de plus. J’ai aussi tout un tas de carnets et que j’ai juste appris cette année qu’on pouvait s’en débarrasser. J’ai même balancer des vieux disques durs (qui ne marchaient plus) en me disant que ce qui se trouvait dedans appartenait à un passé qui finalement ne m’avait pas manqué (bon après ça l’archivage numérique c’est une autre histoire).
Enfin bref, merci encore pour ce partage.
Marie
23 avril 2022
Merci pour ton mot, Brice ! Ah oui, j’imagine très bien le soulagement de balancer les vieux carnets et disques durs à la déchèterie…
Pendant très longtemps, j’ai cru que je ne jetterais jamais ni des photos, ni des lettres, ni des carnets. Et pourtant, quel soulagement à chaque fois que la mouche du tri et du recyclage me pique !
Nine
8 avril 2022
La pensée magique et la loi de l’attraction c’est vite oublier qu’on vit dans un système oppressif et que tout ne tient pas qu’à nous ptdr. Ca me rappelle une fois j’avais assisté à un entretien avec un… médium ? Magnétiseur ? Je ne sais plus. Et la base de son discours c’était quand on veut on peut. J’avais ri de voir un ancien gendarme à la retraite, blanc, cis het, sortir ce genre d’énormité, mais j’étais la seule à être piquée. Bref, le développement personnel ça fait souffler fort.
Et en ce qui concerne les carnets, j’en ai tenu longtemps, mi journalier mi prise de note, et puis ça s’est tari. Maintenant je prends des notes dans mon téléphone, je fais des captures d’écran, je prends des photos, et puis une fois par semaine je passe dessus, je trie, je vais chercher sur le net le bouquin truc que j’ai vu passer chez bidule. Pour le boulot j’ai un carnet mais c’est trivial. Avant y avait de la poésie. De temps en temps je les feuillète, enfin de temps en temps, une fois par an, souvent en début d’année d’ailleurs. Je suis à la fois fascinée parce que j’avalais les lignes comme je fume des clopes (vite donc), et un peu, pas triste, mais ça me paraît très étranger maintenant. Je ne sais plus faire ça. J’essaie d’autres trucs, voir si ça chante ailleurs.
Marie
23 avril 2022
Coucou Nine !
Je t’admire *tant* de réussir à te plier à ce vidage de téléphone une fois par semaine. Je rêverais d’avoir cette discipline. Comme toi, je fais beaucoup de photos et de captures d’écran.
J’en fais rarement quelque chose sur le moment, mais quand, enfin, j’arrive à prendre le temps de faire du tri, je suis contente de retrouver certaines choses et de creuser.
Il y a un truc qui me marque vraiment depuis 2, 3 ans : c’est ma compréhension que, non, je n’arriverai pas à tout lire, tout voir, tout écouter dans ma vie. L’envie est là mais pas le temps. Donc, le hasard a un grand rôle à jouer : entre ce sur quoi je tombe, ce que je pense à capturer, ce que je retrouve, ce que je pense à archiver puis à creuser… Les choses que j’arrive à explorer malgré cette inertie vitale ont juste plus de chance que les autres, mais pas fondamentalement plus d’intérêt.
Même chose pour la musique ; j’ai tellement d’albums et de groupes de côté, sans jamais réussir à vider le tonneau des Danaïdes… Est-ce grave ? Non, vu qu’en parallèle je continue à butiner et à découvrir des choses.
Et pour le medium, no comment ! 🤡
Marius
10 avril 2022
Il y a, depuis quelques temps, la même idée avec la maladie. J’ai déjà lu qu’un cancer ou qu’une maladie grave, ça te renforce et tu en sortiras forcément plus grand-e. C’est limite un rite de passage ! Est-ce parce que ces personnes sont tellement gangrénées par le développement personnel qu’iels sont obligé-es d’y chercher ce qu’iels pensent être le « positif » ? Comme ça, tout épisode tragique et traumatisant est dédramatisé et les émotions sont sous-estimées voire volontairement ignorées.
*fatigue*
Marie
23 avril 2022
Coucou toi ! ♥
C’est non seulement affligeant mais aussi dangereux : risque de réprimer des émotions qui vont popper plus tard, avec des dommages difficiles à prévoir.
À l’échelle de la société, ne valoriser que les émotions positives pose problème aussi, et contribue selon moi à renforcer la binarité de genre (boys don’t cry).
Bien sûr, le pire danger ce sont les croyances que l’on peut guérir le cancer avec du gui ou d’autres méthodes fumeuses de ce type…
Le problème c’est que le new age et toutes les croyances qu’il porte dans son sillon se sont tellement généralisées aujourd’hui, que même des soignants tiennent des discours impliquant de la pensée magique (clin d’œil à une ancienne psy qui voulait m’aider à aller mieux avec cette pratique charlatanesque qu’est l’EFT et les bouquins d’Eckhart Toll
¯\_(ツ)_/¯).
Lullaby
12 avril 2022
J’ai hésité à répondre ici ou en privé, mais finalement, j’y vais d’un commentaire !
Ton billet m’a littéralement soufflée, honnêtement là je pourrais te taper dans la main, en mode « mais ouais, c’est tellement ça! »
Sur les carnets :
Yep, comme toi, j’ai des carnets qui s’amoncellent, avec plein d’idées, morceaux de textes et autres pistes qui les emplissent. J’ai le réflexe de tout noter, par peur d’oublier, mais je sais que je n’exploiterai pas tout. Cependant, je fourrage dedans de temps en temps, au cas où. Et c’est comme ça que l’an dernier, une vieille idée notée il y a des années a tout à coup révélé son plein potentiel, et boum, 15 jours plus tard, j’avais écrit une novella à partir de ça ! Parfois, la graine a besoin de temps pour germer. Et parfois, ça ne donnera rien (certains trucs que j’ai noté n’ont clairement pas le potentiel pour une bonne histoire), mais le fait d’avoir noté m’a libéré la tête. Ce sont ce que j’appelle mes « carnets fourre-tout », et je trouve qu’ils reflètent un peu le bouillonnement mental, avec ses éléments superflus et ceux qui portent en eux un beau projet créatif.
Sur la toxicité du développement personnel et autres trucs du genre :
hell to the yeah ! tu mets le doigt sur ce qui a fini par me détourner de ce genre de conseils qui, au final, culpabilisent davantage qu’ils n’aident. Et j’ai fini par en voir aussi l’étendue. Concernant un problème de santé que tu connais, je ne compte plus le nombre de personnes qui me disaient que c’était « dans ma tête » (au bout de la Xe fois, j’avoue j’avais bien envie de leur balancer mon dossier médical épais comme une brique !), c’était déjà pas facile de gérer le fait que mon corps me jouait de vilains tours avec des maladies cachées, mais quand en plus l’entourage sous-entend que c’est ta faute… je me suis beaucoup fait de mal à cause de ça, et maintenant, je fuis comme la peste ces injonctions soi-disant bienveillantes.
Et argh le trope du viol pour faire évoluer le personnage… je ne supporte pas non plus ! Tellement que j’ai fini par faire un pied de nez à ce sujet dans un roman dark fantasy, mon héroïne est menacée, à un moment, par un type graveleux et en réponse il se prend un bon coup de genou dans les parties. C’était ma façon de dire tout ce que je pense de ce trope ! (et mon héroïne en bave quand même, mais ses épreuves sont toutes autres)
On peut en effet, parfois, tirer du bon d’épreuves. Mais de là à en faire une sorte de mantra (du genre « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », erk), non. Les épreuves peuvent briser, de façon irrémédiable… ça n’a rien d’un rite de passage.
Et on peut tout à fait faire de très bons et émouvants récits sans passer par là (et dans la vraie vie, ça veut aussi dire qu’on peut être heureux sans avoir à en baver, et heureusement !!)
Bref, ton billet touche très juste, merci pour ces réflexions auxquelles j’acquiesce avec force !
Marie
23 avril 2022
Coucou Lulla !
Ouiii ! Merci !
💜💜💜
Génial ! Félicitations. Transformer une idée en projet concret mené à bout est loin d’être évident.
Je suis désolée que tu subisses ça, c’est indécent.
Penser qu’une personne serait responsable des problèmes qu’elle vit, a fortiori des problèmes de santé, révèle bien le validisme ambiant. Avec, en sous-main, l’idée que si tu as une maladie chronique ou un handicap, tu ne peux pas atteindre le bonheur (et qu’en plus ce serait ta faute ?! — génial, vraiment, ce discours (non)).
ally
16 avril 2022
Pour les carnets <3
Pour le reste, j'ai écouté un méta de choc où un ami était interviewé et j'étais clairement choqué, car il parlait d'une expérience que j'ai vécu aussi, mais je ne l'avais pas du tout vécu de la même façon, donc ça m'a posé problème clairement. Et ça m'a donné un goût amer de ce podcast, mais peut-être qu'il faudrait que je réécoute.
Je crois au développement personnel accompagné : avec un psy, un hypnothérapeute, qu'importe… et surtout quelqu'un qui nous autonomise… Car sinon c'est difficile et on ne sait pas toujours comment appliqué car nos croyances limitantes, problématiques, traumatismes sont différents pour chacun et toutes les méthodes ne s'appliquent pas… Il y a de vraies libérations énergétiques à faire, parfois on hérite même de problème transgénérationnel…
Anyway, tout ca pour dire :"travailler sur soi" oui, mais pas n'importe comment.
Marie
23 avril 2022
Hello Ally !
Merci pour ton retour à ce propos ! Le témoignage de ton ami est basé sur son expérience à lui, qu’il détaille avec précision lors de plusieurs épisodes. Qu’est-ce qui t’a posé problème exactement ? J’ai cru comprendre que tu n’as pas assisté au même stage que lui (lui c’était aux USA, pendant plusieurs jours, avec privation de sommeil, de contacts avec le monde extérieur, etc.)
Pourquoi gardes-tu un goût amer vis-à-vis du podcast ? Parce qu’il montre une autre facette d’une expérience similaire que tu as vécu, toi, de manière positive ?
Oui, les traumas transgénérationnels existent, mais se soignent avec des psychiatres, pas avec des soins énergétiques. Je ne suis pas d’accord pour dire que psychiatrie et hypnothérapeutie se valent.
Marie-Aude
16 avril 2022
Merci pour ce post, qui exprime si clairement la toxicité de la « positivité ». Dans mon panthéon des phrases à la con dans le domaine « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».
Et merci pour ton blog, que je suis en silence depuis longtemps !
Linda
18 avril 2022
Aux adeptes de ce mantra, j’ai envie de leur proposer de leur exploser les rotules pour les rendre meilleurs à la course à pied (et là je me dis que la prochaine fois qu’on me sort cette phrase, c’est vraiment ce que je répondrai :D)
Marie
23 avril 2022
Hello Marie-Aude ! Merci beaucoup pour ton message et ta lecture de longue date, je suis honorée.
Clairement, une pensée toxique pourtant si bien ancrée, et si difficile à déloger. Sens caché : « oh c’est bon, ferme-la avec tes problèmes, ça finira par aller mieux tout seul ». Bah, euh, non, en fait.
Linda
18 avril 2022
Bonjour Marie (et Martine), je m’incruste dans la conversation mais le commentaire de Martine et ta réponse me font penser à un récent épisode de Procrastination (un podcast consacré à l’écriture de fiction) qui traitait de la question des sauvegardes de textes. Pour résumer: il faut sauvegarder régulièrement, sur plusieurs supports et idéalement conserver l’un des supports dans un lieu différent.
Pour tes carnets, s’il y en a beaucoup et que recopier sur traitement de texte serait trop fastidieux, tu pourrais prendre les pages en photo et ensuite faire des dossiers par carnets ou par thèmes, par exemple.
Marie
23 avril 2022
Bonjour Linda ! Merci beaucoup pour tes messages !
Ah oui, c’est une bonne idée. Avec l’inconvénient de ne pas vraiment pouvoir faire de recherche dedans — donc, pression pour que ça soit vraiment très bien organisé, au risque de ne pas retrouver une aiguille dans cette botte de foin.