La Fondation Cartier à Paris héberge l’exposition solo de Patti Smith, artiste et musicienne qu’on ne présente plus.

Cette expo, intitulée « Land 250 » (du nom du modèle d’appareil photo qu’elle utilise) réunit des oeuvres créées entre 1967 et l’année dernière, et comprend pas moins de 252 Polaroïds en noir et blanc, des dessins, des films, des installations audio, des objets-fétiches ainsi que des recherches typographiques.

Exposition Patti Smith à la Fondation Cartier

A l’occasion d’un dimanche gris souris, j’ai pensé que rendre visite à l’univers évanescent de Patti Smith serait assez à propos.

La pochette de "Horses" de Patti Smith

C’est un article des Inrocks qui m’a fait découvrir Patti Smith. Pas tant la musicienne que l’artiste. Un article sur la mode et le rock – publié l’année dernière je crois – où elle posait à côté de la styliste Anne Demelemester. Celle-ci évoquait la fascination que, adolescente, elle avait ressentie face au portrait de Patti Smith qui orne la pochette du plus célèbre album de sa discographie, Horses.

Ce portrait singulier d’une jeune-femme androgyne, dont le regard toise le spectateur avec une sorte de défi, a été pris par le photographe Robert Mapplethorpe, à qui l’exposition ne cesse d’envoyer des signaux.

Signaux vers l’au-delà, que l’on croise à travers des polaroïds hantés par les cimetières et les statues, par des impressions floutées, éclairs de génie en blanc sur gris, surexposée Patti Smith qui pourtant s’enfuit…

Insaisissable. Des photos et des poèmes comme s’il en pleuvait, tentative d’encadrer quelques souvenirs, eux-mêmes éphémères.

Il est beaucoup question d’amour dans « Land 250 », exposition que l’artiste elle-même a voulu comme un lieu aussi convivial (fauteuils en cuir et tapis persans nous invitent à s’asseoir et à bavarder un peu) qu’intime (la seconde pièce consacrée à l’exposition, crépusculaire, est un hommage à Mapplethorpe – un des grands amours de Patti Smith – bercé par l’image d’une mer sombre et par une voix plus sombre encore).

Rimbaud, Genet, et même Jésus-Christ humanisent une rétrospective multiforme hantée des souvenirs de l’artiste. Smith ne cache pas son affection pour la culture française, et rappelle avec émotion son premier séjour à Paris, dans le quartier Montparnasse, ainsi que son « pèlerinage » au Musée Rimbaud, son amour d’adolescente:

Voici dix-huit ans, en octobre 1973, j’ai accompli un pèlerinage solitaire à Charleville en passant par Paris. J’ai pris le train pour Charleville-Mézières, et quand je suis arrivée ce soir-là sous la pluie légère, submergée par l’émotion, j’ai fondu en larmes.

Avec le peu d’argent que j’avais, j’ai acheté à la papeterie d’à côté du papier quadrillé, simple mais joli, dans l’intention de dessiner et de noter mes impressions. Toutes mes aventures à Charleville ont été écrites ailleurs mais […] mon plus précieux souvenir de ce séjour [est] un petit croquis que j’ai exécuté dans la pénombre du Musée Rimbaud.

Ce croquis porte en lui toute la révérence rebelle de ma jeunesse. Même fâchée avec le monde entier, j’étais assez sentimentale pour être émue aux larmes à la vue de la valise et de l’écharpe de Rimbaud. (…)

Je garde toujours précieusement le ticket de ma visite… On peut y lire: Musée de l’Ardenne. Expositions. Prix d’entrée: 1F n°.009074. Ce franc si consciencieusement dépensé a rempli toute une vie de souvenirs doux-amers.

Extrait de Charleville de Patti Smith

Au final, « Land 250 » est moins l’exposition d’une musicienne qui se serait soudain mis en tête de faire de l’art, que l’exposition d’une artiste totale presque possédée, devenue musicienne un peu par hasard. Un ange passe…

Autoportrait de Patti Smith

Marie

2 commentaires

  1. <3
    Géniale présentation ! Et finement troussée ^^
    (et qui plus est, tu as passé ton dimanche gris souris dans une expo terrible… mieux que mon dimanche-gris-souris-aussi dans une autre expo toulousaine, « Néofuturs » pas terrible terrible, pour le coup :D)
    Bises grey shoes (my favorite)
    N

  2. Merci Nienna, ravie que mon billet t’ait plu :)

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