(Réflexion à brûle-pourpoint, alors que Paris tourne au ralenti, la tête dans les étoiles, et que je me force à écrire au risque d’avoir tout oublié demain.)

Et si ce qui nous manquait, niveau blogging, c’était la spontanéité ?

La curiosité ?

La créativité ?

Le plaisir ?

Écrire sur le moment, écrire fougueusement, comme si notre vie en dépendait ; garder une trace de ces fulgurances.

Et faire preuve d’auto-dérision, ne pas se prendre au sérieux, et ne pas prendre son blog au sérieux non plus.

Résister à la tentation d’en faire l’œuvre de notre vie. Le remettre à sa place quant il faut. Relativiser son importance.

Ce n’est qu’un blog. C’est à la fois important pour soi, et pas important à l’échelle de l’humanité.

Votre valeur en tant qu’individu·e n’est pas relative à la régularité à laquelle vous le mettez à jour, ni à sa qualité, ni à sa densité. Et tant pis s’il ne reflète pas exactement qui vous êtes à un instant donné, tant pis si vous n’avez pas le temps de le changer pour le moment.

Je ne connais que trop bien la pulsion qui consiste à passer des heures pour que tout soit parfait, impeccablement crypté, implacablement maîtrisé. Mais, à 34 ans, le fait est que je trouve ça fatiguant et appauvrissant. Moi ce qui m’intéresse, ce que j’aime lire, ce sont les failles, les brèches, les tâtonnements. Je veux voir l’humain à travers l’écriture. Pas une (auto)fiction hyper léchée.

Le retour des sites perso, des blogs soigneusement cachés aux yeux de la foule, des univers virtuels ressuscités, l’envie de se trouver un petit coin bien tranquille, isolé, où l’on peut être seul·e à plusieurs – ce retour m’inspire et m’exalte. Y’a un petit quelque chose du style « Pour vivre heureux, vivons cachés » là-dedans.

Je me suis souvent demandé si ma disparition soudaine post-saturation d’Internet était un acte lâche : tout quitter à la moindre critique, tout remettre en question à cause d’un ou deux trolls, abandonner la grande majorité des lecteurs calmes et gentils et patients et sincèrement intéressés par ce que je publie.

C’est en mordant de bon cœur dans une gaufre végane imbibée de sirop d’érable que la réponse m’est apparue, limpide : non, publier des choses plus personnelles, même à une saine distance de la foule, n’est pas lâche. Au contraire, c’est un acte que j’oserais qualifier de courageux : je publie à nouveau, malgré les blessures que cela m’a valu par le passé. Je prends le risque d’aller au devant de nouvelles déceptions.

Peu importe l’audience, ce qui compte c’est que ça vienne des tripes, et/ou que cela soit source de plaisir.

Oser publier de manière plus spontanée, satisfaire le désir soudain d’écrire, ne pas laisser pourrir ces idées qui s’accumulaient ces derniers jours, écrire pour partager, écrire pour soi, écrire par plaisir, en écrire des tonnes pour savourer une ou deux lueurs d’espoir de temps en temps, à la faveur d’un commentaire timide mais si enthousiaste qu’il illumine tout sur son passage, reléguant les trolls au statut peu envié de lointain souvenir.

Ne rien attendre des autres, pour savourer les bonnes choses qui arrivent quand elles arrivent, si elles arrivent. Être plus spontané·e et plus naturel·le, et par là même contribuer à combattre la professionnalisation du net en général et des blogs en particulier qui tend, je crois, à tuer toute spontanéité et toute créativité.

Marie

7 commentaires

  1. <3

    1. <3 you back !

  2. Coucou Marie,
    j’aime bien ce court billet qui va à l’essentiel. Non en effet ton acte n’est pas lâche, courageux sans doute, mais surtout prouve que tu as muri. Un peu, pardonnes moi l’image comme un chien fou tout jeune qui courait auparavant les oreilles au vent et qui désormais regarde mieux le monde qui l’entoure, d’un air parfois circonspect et s’aventure plus prudemment pour éviter les gouttières qui fuient, les vélos qui arrivent à fond sans klaxonner de derrière ou les mémères et les pépères toujours trop enclin à l’écraser de caresses non désirées.
    N’hésites donc pas à laisser l’impulsion de la spontanéité te faire noircir la page, de courts, de longs billets, suivant ton humeur et tes envies !!!!
    Bisous.
    Co.

    1. Hello Co ! Merci pour ton petit mot, ça me fait plaisiiiir de te lire ici aussi ! (Bien reçu ton mail <3 Je te répondrai bientôt !)

      Non en effet ton acte n’est pas lâche, courageux sans doute, mais surtout prouve que tu as muri. Un peu, pardonnes moi l’image comme un chien fou tout jeune qui courait auparavant les oreilles au vent et qui désormais regarde mieux le monde qui l’entoure, d’un air parfois circonspect et s’aventure plus prudemment pour éviter les gouttières qui fuient, les vélos qui arrivent à fond sans klaxonner de derrière ou les mémères et les pépères toujours trop enclin à l’écraser de caresses non désirées.

      J’ai éclaté de rire en lisant cette comparaison ! :’D Je ne m’étais jamais imaginée en jeune chien fou ! Mais ouais, c’est vrai que la comparaison est assez bien vue. Marre de me faire gratouiller les oreilles par n’importe qui ! ^^;

      N’hésites donc pas à laisser l’impulsion de la spontanéité te faire noircir la page, de courts, de longs billets, suivant ton humeur et tes envies !!!!

      <3

  3. Je comprends tout à fait ce que tu dis, je me pose les mêmes questions ces derniers temps. Je trouve qu’on a trop de choses qui sont bien léchées comme tu dis sur les réseaux sociaux notamment instagram… je suis en train de m’éloigner de tout ça, ca me fait mal de voir que c’est « parfait » chez les autres et que je rame encore… et j’ai l’impression de me plaindre tout le temps.

    Pour en venir au fait, le fait de voir que tout le monde va bien que la vie est belle, on se sent presque coupable de ne pas avoir une vie qui est belle, que tout va bien, que c’est le bonheur intégral. bref… ca me fait juste ch*er moi aussi de ne plus être spontanée comme tu dis :*

    1. MERCI pour ce commentaire si juste, Sophie ! Quand je l’ai lu ça a illuminé ma journée.

      Pour en venir au fait, le fait de voir que tout le monde va bien que la vie est belle, on se sent presque coupable de ne pas avoir une vie qui est belle, que tout va bien, que c’est le bonheur intégral.

      C’est exactement ce que j’ai ressenti (et pas que sur le net d’ailleurs) pendant ma période de chômage… Dès que je discutais avec quelqu’un, le spectre de ma recherche d’emploi était systématiquement invoqué, sous forme de questions brutes de pomme, manquant totalement d’empathie : « ALOOORS, tu cherches du boulot ? » (Insérer ici l’émoticône qui lève les yeux au ciel.)

      Moi qui déteste devoir rendre des comptes sur la manière dont je mène ma vie, j’avoue que cet aspect-là du non-travail a été méga relou, et que ça m’a fait couper les ponts avec pas mal de gens dont je n’étais pas proche.

      Le fait d’avoir drastiquement réduit ma consommation de Twitter m’a également fait le plus grand bien. À la longue je me suis rendue compte que cela me pesait beaucoup de lire les tweets métier où tout le monde semblait s’éclater, et ne parler QUE des côtés « sexy » du boulot.

      Ces dernières semaines l’envie de me remettre à publier des billets métier sur mon blog pro est revenue à la charge. Je pense en effet qu’on a besoin plus que jamais de prendre du recul sur cet écran de fumée que nous renvoie Internet et les réseaux sociaux, sur cette construction de ce que devrait être le « bonheur » et l’épanouissement personnel – alors que ce sont des notions tellement, tellement personnelles et subjectives.

      La tentation du mimétisme et de la comparaison est un vrai danger, et je trouve ça saint de continuer à fréquenter des gens qui gardent les pieds sur terre et ont l’honnêteté de dire lorsque ça ne va pas, de partager leurs retours d’expérience pas forcément valorisants, bref de s’ouvrir aux autres dans toute leur vulnérabilité et leur humanité. J’ai envie de me remettre à contribuer à ces échanges-là, car je ne me reconnais pas du tout dans ce que je perçois comme climat actuel.

  4. Du coup ça serait une fusion de tes deux blogs actuels, ou bien un troisième ?

    À vrai dire, je n’en sais rien encore. Je me rends bien compte que posséder trois blogs pour parler de soi, ça fait peut-être un peu narcissique :) Et je risquerais sans doute de perdre le goût d’écrire, à trop m’éparpiller : c’est un coup à se demander « alooors, ce texte, il va sur quel blog ? »
    Du coup, je pense que peut-être, ce sera une extension du Bazzart, ou que je vais remanier ce dernier pour donner leur place à ces petits textes.

    En tous cas, je ne pense pas qu’il me soit possible de fusionner mes deux blogs existants : le Carnet s’adresse à un public plus large et je ne me permets pas d’y raconter ce que je ne dirais pas en vrai à des collègues ou à la famille.

Les commentaires sur ce billet sont désormais fermés, mais vous pouvez toujours m’envoyer un e-mail si vous souhaitez me dire quelque chose !

Billets adjacents