Le paysage bordelais défile par la fenêtre, et c’est après une longue et profonde respiration que je reprends la plume là où je l’avais laissée.

Feeling feelings.

Des émotions si fortes que j’en ai été perturbée pendant des semaines.

Je ne trouvais plus les mots.

Et lorsqu’un début de réponse prenait forme, j’étais dans l’incapacité de dérouler le fil, car j’avais trop de travail.

Mais Ēostre est passée par là. La bien-aimée saison des bourgeons est de retour, et me revoilà à empourprer le papier, en regardant le paysage bordelais s’éloigner par la fenêtre.

Le paysage est un miroir

Plus le temps passe, plus mon environnement influe sur mes émotions.

La nature est bien souvent un miroir de ce que je ressens.

Quant aux villes, je finis toujours par y dénicher quelque chose de beau, même si je rechigne parfois à l’admettre.

Friends, old and new

Je me rends compte que plus j’avance dans mon chemin personnel et moins il est solitaire. Plus j’avance dans l’écriture et plus je me sens appartenir à une communauté… qu’elle soit en ligne ou « dans la vraie vie », peu importe finalement.

Arièle

Je ne le dis pas assez, mais : merci d’être là.

C’est si bon de savoir que vous existez.

Créer des trucs ensemble me procure une énergie immense.

J’apprécie d’autant plus tous ces liens – qui s’étendent bien au-delà du web – que je me sens souvent très seule au quotidien.

19 ans de présence et de publications sur la toile, feat. tant de rencontres, d’at­ta­chements, d’éloignements, de retrouvailles, de découvertes et d’échanges.

Quelle que soit la distance physique qui nous sépare, pouvoir vous retrouver en un instant me semble toujours aussi extraordinaire.

Quoi qu’il se passe entre nous, j’apprends toujours.

Et peu importe la durée de mes périodes « en-dedans », il suffit que l’on se reconnecte quelques instants pour que ma créativité se remette à couler dru.

it’s not just about cancer and death. it’s about how we attach and detach. how we transition.

it’s about not being afraid anymore. it’s about what we are capable of.

it’s about telling the truth.

it’s about ditching shame.

it is, fundamentally, a record about personal freedom, and how interconnected we are to one another, whether we like it or not.

Amanda Palmer

Mina Mond

(Dé)faire des liens

Ma blogroll est une des pages que je préfère sur mon blog.

J’aime l’idée de réunir au même endroit mes lectures numériques préférées, comme si leurs autrices et auteurs se réunissaient dans un grand salon, une tasse de thé à la main.

Cette « blogoliste » est organique et non figée. Mes invité·es vont et viennent au gré de mes centres d’intérêt. Parfois s’éclipse un blog qui désormais m’intéresse moins ; d’autres jours, j’en remets un autre que j’avais masqué à regret.

Cependant, il y a des cas extrêmes qui exigent une suppression immédiate et sans appel : les blogs où apparaissent du jour au lendemain des contenus abjects, par exemple psychophobes ou transphobes.

Dans ce cas, le blog en question est évacué fissa. Hors de question que quelqu’un lise de tels immondices par le biais de l’astre pourpre.

Entre nous… Je n’arrive plus à être conciliante quand je lis de la merde, même quand cette merde a été pondue par quelqu’un que je lis depuis longtemps.

Plus je vieillis, plus je me radicalise, et plus la dimension politique de ce que nous publions me saute aux yeux.

En outre, s’il y a un truc que m’a appris l’expérience, c’est bien de reconnaître une cause perdue quand elle se présente.

J’ai longtemps cru que le fait de ne pas confronter les personnes qui publient de tels contenus était un manque de courage de ma part.

Aujourd’hui, je sais que cela répond au besoin vital de me préserver, et de ne pas m’épuiser en vain.

Je fais le choix conscient de consacrer mon temps et mon énergie à des choses positives, à des personnes décentes et à des débats qui ont une chance d’être constructifs.

Appuyer sur le bouton « Supprimer » sans arrière-pensée y contribue largement.

Entre-soi

Un matin, je lisais Twitter machinalement, quand une évidence m’a sauté aux yeux : dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux, la diversité est bloquée par un épais plafond de verre.

J’entends par là un entre-soi très fort de personnes qui semblent toujours rester entre elles et ne fréquenter que des personnes comme elles.

Elles se cooptent, se font de la pub de manière réciproque, et empêchent bien souvent l’émergence de nouveaux talents.

Toi, en tant qu’inconnu·e au bataillon, tu ne pourras jamais percer auprès de ce petit milieu-là, quelles que soient ta longévité numérique et la qualité de ce que tu crées.

C’est comme s’il fallait impérativement obtenir un « sceau » médiatique ou une preuve de reconnaissance publique pour être reconnu·e comme Personne Qui Compte©.

Par exemple : la publication d’un livre dont tout le monde parle, ou bien la création d’un podcast qui fait le buzz dans le meilleur des cas.

Mais parfois, des indicateurs bien plus factices de savoir-faire sont à l’œuvre, tels qu’une hyper-activité sur Instagram, un grand nombre de followers, ou encore un certain talent pour le léchage de cul.

Si tu ne fais « que » bloguer (et en plus de manière non marchande  #shocking), cela n’a tout simplement pas de valeur.

Du reste, ce manque de considération pour celles et ceux qui ne font « que » écrire sur Internet ne date pas d’hier.

Je me souviens du camouflet que j’avais essuyé lorsque, jadis candide et pleine d’espoir, j’avais demandé à la rédactrice en chef d’un magazine indé s’il y avait la moindre chance pour qu’elle évoque mon webzine dans ses pages.

Elle m’avait répondu qu’on en reparlerait le jour où j’exposerais ou publierais un livre.

Bim.

Le fait que mon site soit populaire dans le milieu n’y changeait rien : il fallait que je sois officiellement adoubée en dehors d’Internet.

Personne ne semble vouloir prendre le « risque » de te donner ta chance si tu n’as pas déjà percé auprès de « personnes connues » « dans la Vraie Vie© ».

(Cela rejoint la croyance très franco-française concernant l’obtention de diplômes versus les compétences réelles, si vous voulez mon avis.)

C’est rageant, mais le côté positif dans tout ça, c’est que ce snobisme a toujours nourri mon entêtement féroce à valoriser les initiatives réellement underground.

Je suis heureuse d’avoir un blog réellement indé où je parle de plein de personnes et de projets différents, ne suivant que mon cœur.

Edith : j’ai développé davantage ce sujet dans mon billet Émois en photos : année blanche, année noire — 3 : amertume.

Polysème

Si tu n’as pas encore ton numéro de Polysème, qu’attends-tu ?

J’écris

J’écris et je publie des trucs sur le net depuis près de 20 ans.

C’est une manifestation à part entière de ma créativité, comme peindre à l’aquarelle ou dessiner.

Ce que je crée, ce n’est pas le blog en soi, c’est le fait d’écrire.

J’ai un blog, mais je ne suis pas mon blog. Bloguer n’est pas mon « art » ; ce n’est qu’un support pour mon art, qui est un mélange d’écriture et d’arts plastiques.

J’ai d’ailleurs toujours rejeté le titre de « blogueuse » – un qualificatif souvent utilisé de manière péjorative, d’ailleurs.

À la rigueur, si on parlait de moi en tant que « personne qui blogue », cela me choquerait moins que « blogueuse ». Mais cela ne serait toujours pas suffisant.

Car oui, je blogue – mais je fais plein d’autres trucs aussi.

Je repense à ce que Hollie McNish a dit dans le numéro 96 de Causette, à propos de son ras-le-bol de l’étiquette « YouTube poet » (« poète sur YouTube ») :

Je trouve stupide de me définir en fonction des médias que j’utilise. Ces poèmes, je les ai écrits, ils sont dans un livre et je les ai lus sur YouTube, car c’est un excellent moyen de partager des choses, d’autant que beaucoup de gens ne peuvent pas aller en écouter au théâtre (…). J’ai mis dix ans à me définir comme « poète », et je me sens toujours un peu bête de dire ça. Mais c’est mon boulot.

En réalité, j’ai du mal à me définir, car je crée plein de choses différentes.

La seule chose qui compte pour moi, c’est créer.

J’ai retrouvé un vieux carnet de 2005 dont j’avais complètement oublié l’existence. Quel plaisir de renouer avec cette impulsion lunemauvienne du passé ! Une véritable capsule temporelle. J’avais 22 ans.

Hypersensible

Mes émotions sont intenses.

Envahissantes.

Au point d’effrayer, parfois.

À ce titre, on me reproche régulièrement de « tout prendre trop à cœur », de « m’emballer ».

On me fait comprendre, avec insistance, que j’ai « tort » de ressentir ce que je ressens.

C’est pourquoi j’ai longtemps ressenti de la honte à cause de cette inadéquation émotionnelle supposée.

J’avais fini par assimiler que ma sensibilité n’était pas tout à fait normale, me confondant en excuses dès que l’expression de mes émotions gênait autrui.

Quelle erreur.

Les personnes hypersensibles ne devraient jamais avoir à justifier ce qu’elles ressentent.

Elles ressentent, c’est tout.

C’est aux autres de s’adapter.

Toutes les émotions sont légitimes. Il n’y a pas d’émotions plus nobles que d’autres.

Une bonne fois pour toutes : cessez de nous culpabiliser.

i am only just beginning to heal in spite of people who say that pain, grief & their expression is “melodramatic”. it has taken me years to build up the right antibodies against the fear-based criticisms that made me second-guess the validity of my emotions.

Amanda Palmer

Slow content

Et donc, oui, un mois sans publier.

Parce que rien n’était assez mûr, et parce que publier « parce qu’il faut publier » ne sert à rien.

S’autoriser à reculer la publication d’un billet tant qu’il n’a pas assez infusé.

Privilégier son sommeil à une charrette auto-imposée.

Laisser ses idées décanter le temps nécessaire.

Croire que le monde s’arrêtera de tourner parce que l’on repousse de quelques semaines la publication d’un billet de blog relève de la vanité.

Je partagerai bientôt avec vous la vidéo de la conférence d’Anaelle, Slow content : publier moins, publier mieux, qui m’a inspirée.

(J’ai tenté d’orchestrer ces émois-ci par feelings plutôt qu’en suivant leur stricte chronologie, pour une fois.)

Marie

À l’écoute : Amanda Palmer – There Will Be No Intermission

40 commentaires

  1. Ne pas s’excuser de ressentir <3 Si tu savais combien je suis d'accord avec ça et combien je peux lutter aussi avec cette "honte" quasi automatique…

    Le paraître est tellement valorisé, à mon sens parce qu'il permet d'être rapide/simpl(ist)e dans nos rapports, que dévoiler ce qu'il y a sous la façade me donne trop souvent l'impression d'être impudique. Heureusement parfois c'est l'occasion de briser un peu la coquille de la personne en face qui s'avère ressentir la même chose et d'un coup cette solitude devient moins pénible à deux ;-)

    Je ne peux m'empêcher de remarquer les petites touches de ta visite au Luxembourg et d'un musée en particulier… et figure-toi que le guide free-lance que je suis a étendu son réseau tentaculaire (blague hein) jusque-là ! L'anecdote perso qui ne sert pas à grand-chose, mais dont j'avais envie de te faire part manifestement…

    1. Tu évoques l’impudeur et oui c’est quelque chose que j’ai déjà ressenti aussi, surtout vis-à-vis du partage de mes émotions sur Internet, a priori lu par… je ne sais qui, ce qui peut augmenter la sensation de malaise (ou au contraire la dissiper complètement, n’ayant aucun lien avec les personnes inconnues qui me lisent).

      Mais, en y réfléchissant, je réalise que c’est une de ces sensations que j’ai acquises à force d’entendre autrui interpréter à ma place ce que je fais. Pour EUX, c’est impudique, de livrer ses émotions sur Internet. « Ce n’est pas professionnel », dixit un confrère très désagréable.

      C’est sans doute mon esprit de contradiction, mais faire exploser le carcan des arcanes, et n’avoir d’autre choix que de publier de temps en temps une litanie de ce type, est étrangement libérateur. C’est presque une revendication : que chacun·e se sente libre d’exprimer ce qui lui tient à cœur.

      C’est ce qu’on faisait spontanément dans les années 90 lorsque le net a commencé à être adopté par le grand public. Les sites perso, ce n’était que ça. Et puis progressivement tout s’est lissé, policé, à tel point qu’aujourd’hui on juge « impudique » le simple fait de dire la vérité…

  2. Salut Marie,

    Tu écris et je t’en remercie. Tu es toujours une belle source d’inspiration. Je me retrouve souvent dans tes partages et j’aime beaucoup tes photos.

    Ton paragraphe sur l’hypersensibilité me fait penser à un épisode de podcast de change ma vie: Les émotions sont inoffensives.

    Il n’y a effectivement pas de culpabilisation à avoir. Ce que tu ressens t’appartiens et si les autres ont un problème avec cela et bien… C’est leur problème. ;)

    Par ailleurs, je découvre la newsletter Spell it out grâce à toi, je suis ravie.

    Passes une belle journée. :)

    1. Merci Andréa ! Heureuse que tu aies retrouvé le chemin vers mes écrits. :) J’écouterai ce podcast avec plaisir !

      À bientôt !

  3. Ne pas s’excuser de sentir et ressentir, prendre son temps, ne pas se compromettre avec ce qui salit, blesse, diminue… Merci pour ce billet.

    1. ♥︎

  4. Si joli billet … doux et percutant, comme souvent …
    J’ai beaucoup aimé les extraits de ton carnet de 2005, c’est impressionnant et superbe.

    1. Merci !

  5. Merveilleux de voir ce vieux carnet lunemauvien… Et pour le reste, toujours aussi partisane de ton espace de liberté anti-moutonnier ! <3

    1. Merci !

  6. Comme toujours, les mots justes. Hypersensibilité, ce sujet me touche et tu as tout à fait raison.

    J’ai regardé ta blogroll, il y a des contenus que je ne connais pas, je vais aller voir. Merci !
    Je sais que je poste pas souvent mais les pensées sont là.
    :-*

    1. Loin des yeux loin du cœur ! Merci Sophie :)

  7. Je suis aussi, de toute évidence, une adepte du Slow Thought, (j’ai horreur du terme ‘content’ ), de ma part grandement tiré du ‘Slow Thought Manifesto’. En fait, je songe à crééer un badge que les bloggueurs peuvent mettrent sur leurs sites pour indiquer qu’ils le sont également. Si tu souhaite joindre, fais-moi signe! (Il se peut que cela prend quelques temps avant que la badge soit créé cependant, mais bon, ça reste dans le thème haha!)

    J’apprécie beaucoup la citation de Hollie. Mon blog est autant un réseau social qu’un portfolio de mes lectures et mes impressions.

    Je ne savais pas que tu avais une blogroll! A Course In Dying m’a l’air vraiment intéressant.

    1. J’avoue que je découvre complètement la notion même de Slow (trucs), mais l’idée qu’il puisse y avoir une réflexion sur les pensées lentes m’intrigue beaucoup. J’irai jeter un œil au manifeste dont tu parles !

      Pour ce qui est du badge, c’est une chouette initiative ! Pour ma part, il est encore trop tôt pour que je puisse te dire avec certitude si j’en aurai l’usage. Me connaissant, si j’adopte un quelconque principe, je l’écrirai en toutes lettres sur ma page À propos plutôt que sous la forme d’un badge. Mais j’aime l’idée, cela me rappelle les « cliques » très en vogue aux débuts de la blogosphère (??).

      Je suis heureuse que tu trouves ton bonheur dans ma blogroll ! Hélas A Course in Dying est en hiatus pour le moment. Les contenus death positive m’intéressent de plus en plus, et sans surprise c’est du côté anglophone de la Force qu’on trouve le plus de choses à se mettre sous la dent. Ceci dit, en français, je te recommande Le Bizarreum (ainsi que sa chaîne Youtube), si tu ne connais pas encore.

  8. Ne pas s’excuser de ressentir… C’est difficile parfois (genre, quand tu te mets à pleurer comme une madeleine (jamais compris la signification de cette expression mais bref) devant un pauvre crapaud tout flapi par une voiture sur le bord de la route… Personne ne te comprend, donc tu t’excuses), mais c’est nécessaire. Après tout, s’excuser de ressentir revient finalement à s’excuser d’être humain. Donc, fortement absurde. J’ai compris ça il y a un ptit moment, mais ce fut difficile de le mettre en pratique.

    Merci à toi d’être là avec ton blog qui ne rentre dans aucune case à part celle de « l’ouverture ». Bon, j’ai demandé à worpress de faire ça comme catégorie de blogs, mais il paraît que c’est pas « assez précis » (ben tiens…).

    (j’ai remis le blog en route après une longue période de latence qui m’a fait du bien, et dont je parlerai sans doute dans un prochain article)

    Belle journée,
    Alexandrine

    PS : le carnet lunemauvien de 2005 est vraiment très beau ! Une belle capsule spatio-temporelle…

    1. pleurer comme une madeleine (jamais compris la signification de cette expression mais bref)

      Tu vas sourire, mais c’est lié à Marie-Madeleine ! Pour ma part, je pense toujours à Madeleine Wallace, un personnage du film Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.

      (j’ai remis le blog en route après une longue période de latence qui m’a fait du bien, et dont je parlerai sans doute dans un prochain article)

      J’ai vu ça, c’est chouette ! Tumblr ne te convenait pas comme plateforme tout compte fait ?

      PS : le carnet lunemauvien de 2005 est vraiment très beau ! Une belle capsule spatio-temporelle…

      Merci !

      1. Tu vas sourire, mais c’est lié à Marie-Madeleine ! Pour ma part, je pense toujours à Madeleine Wallace, un personnage du film Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.

        ça me saute aux yeux maintenant que tu les dis… Ben oui, Marie-Madeleine, décidément, on la voit partout ! ^^

        J’ai vu ça, c’est chouette ! Tumblr ne te convenait pas comme plateforme tout compte fait ?

        Sisisisisisisi, j’aime beaucoup tumblr, je l’utilise toujours pour partager et re-poster des images que j’aime, mais j’avais quand même envie d’écrire et de partager certaines choses via le blog, donc… ^^

  9. « Plus je vieillis, plus je me radicalise, et plus la dimension politique de ce que nous publions me saute aux yeux. » Si ça peut te rassurer la psychologie l’a prouvé : plus on vieillit, et plus on s’accroche à nos préjugés, par exemple, et plus on ne voit que les choses qui les confirment. Donc oui, plus on vieillit et plus on se radicalise ! ;)

    1. Sans doute pour ça que, passé un certain âge, on devient un vieux con ou une vieille conne comme moi ! ;)

  10. Les personnes et contenus inclassables sont souvent bien plus riches que ceux n’explorent qu’une seule facette de leurs talents (même si cela peut donner de très belles choses aussi), parce que la contrainte que l’on s’impose par le regard de l’autre, quand elle ne fait pas partie d’une recherche esthétique assumée comme telle, n’est bonne qu’à pourrir la créativité. Sur Instagram, par exemple, je vois de très beaux comptes avec un feed très esthétique, orienté sur une couleur ou un thème ; j’apprécie cet aspect visuel mais je sais que j’en serais incapable : je ne peux pas couper d’un coup la spontanéité que je mets dans mon rapport à ce réseau social. Je me suis posé la question en ouvrant mon second compte, consacré à des œuvres que je veux partager autour de moi : dois-je me contenter d’une seule époque ? D’un seul thème ? Les seules contraintes que je me suis fixées sont de respecter une stricte parité (2 hommes/2 femmes) et de publier tous les jours, pour le reste, tant pis si ça part dans tous les sens. Lutter contre sa nature est le meilleur moyen d’offrir un contenu lisse qui se transforme en corvée : tant pis si tu publies à un rythme qui t’est propre, tant pis si le contenu ne rentre pas dans les canons de ce qui est attendu sur un blog, ça te sert même de filtre ; les personnes qui te lisent ont un réel intérêt pour ce que tu fais et prennent du plaisir à t’écrire. Ta personnalité à fleur de peau est ce qui fait ta richesse propre et la richesse de l’astre pourpre. Tu as raison de la mettre en avant, et c’est noble à toi de nous l’offrir. Il y a de très belles choses à mettre en place grâce à tous les aspects multi-médias de notre époque contemporaine, qui sont souvent peu exploités au profit de la simple vitrine. Courage ! Et je te rends grâce d’être ce que tu es.

    1. Merci beaucoup Hana ! Cela fait du bien de se sentir comprise, et pas seule, dans cette approche créative polyvalente. Il y a une expression qui revient dans mon sillage ces derniers jours, c’est « faire feu de tout bois ». Dans ma tête c’est ça : tout est bon (non pas dans le cochon car il faut laisser les cochons tranquilles) pour attiser la créativité et nourrir le feu dans l’âtre, la brûlure dans le ventre, la pulsion artistique (et j’inclus dans celle-ci la pulsion d’écriture).

      Souvent je me dis, en observant les artistes pro, qui ont de longues années d’expérience dans les pattes, que c’est justement le côté homogène et l’enchaînement « logique » de leurs œuvres successives qui fait de leur travail un travail accompli.

      De mon côté, étant (définitivement, je le crois) une apprentie et à des milliers de kilomètres du statut d’initiée, je m’amuse de voir que mon amateurisme s’exprime notamment par cette multiplicité créative, cette absence de message, de concentration de mes efforts dans un objectif unique, loin de tout calcul. Mais peut-être que cela changera lorsque j’aurai suffisamment expérimenté « juste pour le fun », et qu’un médium sera sorti du lot plus qu’un autre.

      En attendant… je ne me prends pas trop la tête, je crée des trucs, je les partage rapidement, souvent au fur et à mesure, et ça me suffit largement. J’ai encore bien trop à apprendre pour m’enfermer dans un seul canal d’expression / médium. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas de style du tout ou qu’il n’y a pas des éléments récurrents ; mais rien n’est suffisamment structuré ni calculé pour le moment pour que je puisse prétendre à « faire de l’art » au sens noble du terme. Mais cela n’a que peu d’importance.

      1. Exactement ! D’autant que non seulement, dans ce travail « logique » de ceux qui ont de la bouteille, on ne voit pas le déchet ou tout simplement ce qui est laissé de côté, mais aussi nous passons souvent à côté de notre propre logique et de notre cohérence. Tu as l’impression de partir dans tous les sens, mais je trouve, dans ce que tu montres, que tout se lie et que tout est cohérent : peut-être que cette multiplicité de médias et de centres d’intérêts te laisse croire que tu te disperses, mais moi j’y vois toujours un fil conducteur, toujours une harmonie, et je suis persuadée de ne pas être la seule ! À force de nous débattre avec nous-mêmes, nous ne voyons plus avec autant d’aisance ce qu’un tiers aperçoit du premier coup d’œil. Ainsi, tu as bien raison de laisser venir tout ça à toi, de laisser couler, de rester humble, d’apprendre et de voir venir : tu as le temps, et en plus, tu es talentueuse ;)

  11. C’est étonnant de pouvoir penser qu’on a tort de ressentir ce qu’on ressent, puisque les émotions échappent assez largement à la raison !

    1. Ce n’est pas si étonnant que ça. Les émotions sont policées socialement, certaines sont plus acceptables/acceptées que d’autres. Cette (in)tolérance varie d’ailleurs d’un genre à l’autre (un homme qui pleure ou une femme en colère seront perçu·es négativement, par exemple).

      1. Tout-à-fait, tout-à-fait ! Mais on reste dans le domaine de la perception, voire du jugement. « C’est mal, un homme qui pleure », ce n’est pas exactement pareil que « Mon bonhomme, tu as tort de pleurer », non ? je sais, j’ergote, et c’est mal ! ;-)

      2. J’avoue que je ne vois pas trop où tu veux en venir.

  12. Les personnes hypersensibles ne devraient jamais avoir à justifier ce qu’elles ressentent. Elles ressentent, c’est tout. C’est aux autres de s’adapter.

    Voilà donc quelques mots, que je griffonne dans mon carnet… c’est tellement VRAI. Ça me parait d’autant plus vrai que quelqu’un ayant fait une entrée fracassante dans ma vie dernièrement m’a dit exactement ça aussi avec ses mots. C’est aux autres de s’adapter… pas l’inverse qu’on voudrait nous faire avaler.

    Je te remercie aussi pour avoir partagé cette vidéo pink and blue. On nous formate avant notre naissance. Il n’y a qu’à se balader dans les rayons des boutiques spécialisées pour enfants. C’est rose ou bleu, parfois vert ou violet, mais ça reste tellement normé. Pour mon fils, nous avons choisi des couleurs naturelles pour sa chambre – blanc et bois – et cela peut paraître tout a fait facile mais crois moi ça ne l’est pas. Pas de bleu ni de rose, des poupées et une cuisinière dans sa tente de jeu ;)

    Te lire est toujours un plaisir ! <3 N'arrête jamais, même si cela prend des semaines, des mois…

    1. Merci, cela me fait tellement plaisir de te lire ! ♥︎

      Pour les émotions… cela m’a vraiment sauté aux yeux, à un moment où je m’apprêtais une fois encore à me torturer l’esprit à propos de vieilles histoires. Je me suis dit que, hey, finalement ce n’est pas la façon dont j’ai pu réagir à telle ou telle situation qui constitue le fond du problème.

      Ras-la-couenne de culpabiliser, en fait. J’ai l’impression que j’ai passé ma vie à ça.

      Yeah pour les jolies teintes naturelles et les poupées dans la chambre du p’tit chou !

  13. Je te rejoins sur tellement de points dans ce billet qui m’a beaucoup touchée! <3
    Déjà, le carnet lunemauvien!!! Tu sais que c'est hautement nostalgique pour moi aussi. Cela me renvoi à la période du blog et à tous mes petits émois de cette époque! Dawn memory lane avec toi sur ce coup! (en plus je me souviens des versions du site auxquels les dessins ont menés! #coupdevieux lol )

    Je suis teeeelleeement d'accord avec toi sur l'entre-soit et le snobisme sur les réseaux (mais ça me choque beaucoup sur Insta). C'est valable dans tous les milieux, même le mien. Résultat, on voit la même chose chez tout le monde, les même ambiance, jusqu'à l'écoeurement parfois. Et moi aussi je fais ma "tête de con" quand c'est comme ça, en restant dans mon coin et en allant à contre courant. Mais chuut, faut pas dire les choses qui fâchent (m'en fout c'était un sujet prévu dans la série créative donc jle dirais quand même! lol).

    Bises créatives et nostalgique!

    1. Quel plaisir de lire ton message ! Team têtes de con représente ! ahah

      Ouais, petit coup de vieux en retombant sur ce carnet… Quand je retrouve des reliques de ce type, je ressens un impérieux besoin d’honorer les élans créatifs que j’avais à l’époque, de ne pas laisser tomber.

      À cette époque-ci, j’étais engluée dans des obligations diverses, j’avais le sentiment qu’embrasser une vie artistique était complètement hors de ma portée, que je n’en avais non seulement pas les capacités mais surtout que ce chemin m’était en quelque sorte interdit.

      15 ans plus tard, hé bien… Je pense que mon moi d’avant serait fière de voir ce que je suis en train de construire, et de ne pas avoir laissé tomber cet « appel » ni ce monde intérieur.

      J’ai hâte de lire la suite de tes réflexions créatives, j’y puise toujours beaucoup d’inspiration.

  14. Magnifique… Que ce soit au sujet de l’hypersensibilité ou de la création via l’écrit, je me suis sentie beaucoup touchée dans ton article.

    Je me suis rendue compte que j’avais perdu beaucoup d’énergie à multiplier les relais médias (réseaux sociaux) pour tenter de toucher plus de gens, chercher les gens qui lisaient *avant* des blogs, et qui avaient migré vers les RS. J’ai l’impression de faire la quête pour être lue et de quémander pour des commentaires… Où sont les échanges ? Pourquoi les articles de plus de 500 mots sont jetés de côté ? Je résiste, je ne souhaite pas réduire les partages, je continue de vouloir réfléchir et écrire en profondeur (ça demande au moins 1500 mots)… ne pas rentrer dans un moule. Ne pas céder à l’écriture impulsive et quotidienne, démultipliée par des « promos » sur les RS… Dur. C’est tellement étrange et plein de sens pour moi de tomber sur ce concept de « slow blogging » ! C’est exactement la tendance dans laquelle je me situe je crois. Continuer de prendre le temps et d’approfondir. Continuer d’offrir le contenu à mes lecteurs (en espérant qu’il en reste).

    J’ai également cette interrogation intérieure, qui a fait écho à ce que tu écris : j’ai un mal de chien à me dire « artiste », par contre je sais que je suis « créatrice ». Mais…. créatrice de quoi ? J’écris. L’écriture est mon médium. Le blog c’est un support. Mais pourtant ça ne résume pas tout. C’est le partage, le contenu, qui compte, pas juste la forme. Je manipule des objets ( ou « sujets »: tarot, créativité, etc). Car oui, j’écris sur plein de sujets différents (j’avais eu la sale manie de multiplier les blogs par thèmes même), mais j’ai aussi tenté des mp3 / podcasts, je tente de revues (reviews) en vidéo, je crée parfois avec des arts plastiques… Donc tu résumes très bien :

    En réalité, j’ai du mal à me définir, car je crée plein de choses différentes.

    La seule chose qui compte pour moi, c’est créer.

    Au plaisir de te lire encore dans l’avenir.

    1. Hello Valiel ! Je te souhaite la bienvenue sur l’astre pourpre. Merci d’avoir pris le temps de partager tes réflexions sur ces différents sujets.

      Je me suis rendue compte que j’avais perdu beaucoup d’énergie à multiplier les relais médias (réseaux sociaux) pour tenter de toucher plus de gens, chercher les gens qui lisaient *avant* des blogs, et qui avaient migré vers les RS. J’ai l’impression de faire la quête pour être lue et de quémander pour des commentaires…

      Je comprends tout à fait, et ce n’est pas de ta faute, car on a fini par assimiler la croyance que quantité = qualité. Les réseaux sociaux valorisent la masse, le nombre d’abonné·es, le nombre de likes, de retweets, de partages, de commentaires, comme un puits sans fond qui te renvoie l’image que tu n’en fais jamais assez et que ce que tu publies n’est jamais assez bon.

      C’est usant, et c’est surtout stérile.

      Il vaut mieux viser peu mais bien, avoir une petite communauté de personnes qui lisent réellement tes contenus et interagissent avec toi, plutôt que des milliers d’abonné·es que tu n’arriveras de toute façon jamais à toucher car Facebook (FB) a admis limiter le taux de reach à 2% pour les comptes qui n’utilisent pas la publicité.

      Donc bon, sachant ça, et ne voulant pas investir un centime dans cette entreprise nauséabonde, j’ai décidé de ne plus faire d’effort particulier pour promouvoir l’astre pourpre sur FB. J’y partage mes billets, je réponds aux rares messages que j’y reçois, et c’est tout.

      Il vaut mieux resserrer ses efforts sur un ou deux réseaux sociaux où l’engagement est plus grand. Dans mon cas : Instagram surtout, et dans une moindre mesure Twitter.

      Mais… honnêtement, quand j’ai deux heures à tuer, j’écris et de je crée pour mon blog. Je réponds bien sûr aux messages que je reçois ici et là, mais dans l’absolu le plus important, ce qui est crucial, c’est le nerf de la guerre : ton blog, ton contenu.

      Car les plateformes tierces finiront toutes par disparaître un jour, ou par changer tellement radicalement leur fonctionnement et leurs termes de service qu’il est très probable que tu finisses par ne plus les utiliser à plus ou moins long terme.

      Ton contenu, lui, t’appartiendra toujours. Tu pourras toujours l’emmener avec toi, quels que soient tes changements d’hébergeur, de nom de domaine, de positionnement, etc.

      Je reviens un instant sur cette démarche de vouloir toucher plus de gens. Pourquoi ressens-tu ce besoin ? Que t’apporterait le fait d’être davantage lue ? Et – attention, question qui tue : pour qui, et pourquoi écris-tu ?

      Le problème avec cette focalisation sur le nombre d’abonné·es/d’interactions (qui, comme je l’ai dit, est une donnée complètement factice et subjective, troublée par les algorithmes des RS) , c’est qu’on finit par croire que c’est nous le problème. Que nos contenus ne sont pas assez bons, par exemple. Ou qu’ils sont trop longs.

      En réalité, rien de ça n’est vrai. Seuls comptent les retours des personnes qui nous lisent régulièrement, et qui ont, selon moi, la légitimité de faire part de leurs retours et éventuelles doléances.

      Ce dont je me suis rendue compte au fil du temps, c’est que ce que je percevais comme de l’« anti-blog » (le fait d’écrire beaucoup, de manière irrégulière, de ne pas avoir de niche et de parler de plein de sujets différents, notamment), était en réalité ma singularité numérique, et quelque chose que celles et ceux qui me lisent apprécient.

      Il y a de la place pour tout le monde, et pour toutes les façons de faire. Le plus dur en effet c’est de bâtir une communauté, ça demande du temps (des années), mais ça finit toujours par venir. Il faut s’armer de patience et surtout continuer à faire ce que tu fais, à suivre ton instinct et à faire avant tout les choses pour toi, parce que ça t’apporte de la joie et que tu en as besoin. Pas pour faire plaisir aux autres ou pour les charmer.

      Voilà, quelques réflexions à chaud, en lisant ton message. Un jour j’écrirai à propos du mot « artiste » qui nous écorche la bouche pour de mauvaises raisons, promis !

  15. Catherine

    31 mars 2019

    Je sentais un manque depuis quelques jours… pas de Lune Mauve ! Heureuse de retrouver tes écrits, tes dessins et tes photos. Ma porte préférée sur un monde que j’apprécie de plus en plus. En général je le lit en plusieurs jours pour ne rien louper. Je ne laisse pas souvent des commentaires, mais je lis et je regarde tout en détail.Que dire sur les émotions ? C’est vitale ! (chacun la gère comme il peut et aucune n’est meilleure que l’autre)Que dire des Arts Plastiques ? C’est la vie ! Ca bouillonne, ça explose et c’est bon ! Les écoles servent à gagner du temps et à éviter parfois des impasses, mais au départ il faut une petite étincelle. J’en est trouvé et de très belles chez des diplômés et des non diplômés. L’important c’est le résultat. (Je parle des Arts Plastiques uniquement). Rose et bleu et oui en plein dedans quand j’étais enfant, un code dur à détrôner ! On en a encore pour un moment !

    1. Merci beaucoup Catherine !

      Tu as raison pour les étincelles… Qui ne survivent pas toujours aux écoles d’art, d’ailleurs. De mon côté, j’ai relativisé depuis quelques temps le fait de ne pas avoir étudié les arts plastiques (ce qui a longtemps été source d’affliction et de complexes). L’essentiel pour moi c’est de créer, tant pis s’il me manque des bases ou si ma démarche est erratique.

  16. J’aime tout autant ces émotions que tu nous partages avec sensibilité que tes billets plus « journalistiques » ou tes reportages photos, et c’est vraiment un plaisir de parcourir ces différents formats. J’adore ta page Blogoliste au passage, et je sais qu’un jour ou l’autre j’essaierai d’améliorer la mienne pour qu’elle soit plus agréable à parcourir et mette davantage en valeur les blogs recensés. J’ai vraiment à coeur que mon blog soit une maille d’un réseau, et j’essaie aussi de renvoyer régulièrement vers d’autres blogs quand je publie.

    Je suis tellement d’accord quand tu décris cet entre soi sur les réseaux sociaux… Parfois ça me laisse perplexe, des podcasts ou des blogs qui se lancent et que je trouve sympa mais sans plus (voire franchement inintéressant, mais c’est un goût personnel après) et qui font un buzz énorme avec des dizaines de milliers de vue. Je me demande : mais comment, par qui, quels réseaux ? Et c’est bien ça qui compte, le réseau, ainsi que (j’imagine) un talent pour détecter ce qui va plaire et ne pas être trop subversif pour se priver d’un certain audimat… par conséquent, dès qu’on aborde des sujets un peu politiques, on peut dire au revoir à ce type de relai j’ai l’impression (sauf au sein des milieux militants, y’a une certaine solidarité pour la création de contenus féministes quand-même, ouf)

    Je me souviens de la réponse pertinente et pleine de sagesse que tu m’as faite sur Instagram alors que je postais une story pleine de doute sur le fait de bloguer, comment pour qui, en touchant combien de personnes… Quelle reconnaissance est-ce qu’on cherche et pourquoi ? Je me rends compte que tout en étant lucide sur ces mécanismes, il me reste une tentation d’y céder, d’écrire des articles dont le format et le contenu seront plus accessibles et plus à même d’être partagés, plus « séduisants » (et évidemment je ne le fais pas vraiment parce que ce n’est pas ce qui m’intéresse)

    1. Merci Irène, c’est toujours un plaisir de te lire !

      J’ai vraiment à coeur que mon blog soit une maille d’un réseau, et j’essaie aussi de renvoyer régulièrement vers d’autres blogs quand je publie.

      Je partage complètement ton point de vue ! Je vois ça à la fois comme un vecteur nécessaire pour encourager la pluralité des points de vue et les rebonds, mais aussi comme une forme d’entraide (d’autant plus importante en matière de blogging de niche et non marchand).

      Et c’est bien ça qui compte, le réseau, ainsi que (j’imagine) un talent pour détecter ce qui va plaire et ne pas être trop subversif pour se priver d’un certain audimat…

      Tout à fait. Et il y a des effets de mode qui jouent aussi (oui, oui, en disant ça je pense à la hype autour de la sorcellerie et de l’astrologie).

      L’écrémage se fait de manière assez naturelle au fil des mois et des années (idem en matière de blogosphère). Mais je comprends – car connais – la frustration de ne pas voir certains contenus plus militants ne pas avoir le même relai que des contenus plus conventionnels. On ne peut compter que sur soi-même – et d’où l’importance d’entretenir un réseau sinon étendu mais au moins sélectif.

      Je me rends compte que tout en étant lucide sur ces mécanismes, il me reste une tentation d’y céder, d’écrire des articles dont le format et le contenu seront plus accessibles et plus à même d’être partagés, plus « séduisants » (et évidemment je ne le fais pas vraiment parce que ce n’est pas ce qui m’intéresse)

      Oui ! C’est un phénomène tout à fait logique, étant donné la pression qu’exerce sur nous le design de l’attention et les punitions que nous infligent les algorithmes lorsqu’on ne publie pas assez, ou qu’on ne publie pas des selfies sans arrêt…

      C’est un effet secondaire assez pénible, mais on peut le mettre à distance, l’interroger, et prendre du recul, faire des pauses, lorsqu’on est trop touché·e par ces aspects négatifs.

      Je radote, mais relire mon « manifeste » lunemauvien m’a beaucoup aidée et m’aide encore régulièrement dans les périodes de moins bon. Cela me rappelle toujours pourquoi je blogue, et m’aide à relativiser le reste.

      Et puis, il faut garder en tête que plus tes contenus sont exposés/visibles, plus la proportions de relous augmente… On n’en parle pas assez, pourtant le retour en arrière est délicat à gérer une fois qu’on a les projecteurs braqués sur soi.

  17. J’ai pris 3 jours à tout lire, en me perdant longuement dans ta blogoliste puis dans les commentaires… du coup, j’ai un peu oublié le contenu de l’article, pour en garder uniquement ce sentiment d’avoir trouver un lieu que j’apprécie profondément. Merci pour ton blog, tes articles variés et irréguliers, ta créativité et pour réunir cette belle communauté qui me surprends à chaque fois et aggrandi fréquemment ma liste de blogs à suivre. Chaque commentaire est pour moi une occasion de joie et de réflexion, comme on retrouve de vieux amis.

    1. Merci beaucoup Kellya ! Ton commentaire m’a réchauffé le cœur. Cela me rend fière de contribuer à ce « Neverwhere », rempli de belles personnes qui ont des choses à dire et le disent avec intelligence et empathie. C’est un vrai privilège pour moi de mettre à disposition un univers où chacun·e se sent libre d’aller et venir à son gré. C’est précieux.

  18. Philippe

    2 mai 2019

    Je prends le temps de te lire, mars/avril ayant été de ces mois où la vie devient un torrent : tantôt effrayant si on essaie d’aller à contre-courant, tantôt captivant quand l’adrénaline nous enivre, tantôt usant lorsqu’on atteint enfin le rivage. (Je ne sais pas si c’est grammaticalement juste d’avoir 3 « tantôt », mais je tente – oh).

    Il y a plusieurs choses que j’admire chez toi :
    – Tu as su construire ce lieu et le préserver. Combien de personnes (dont moi) on déjà eu l’idée d’une site ou un blog sorti de leur imagination, théâtre de leurs pensées, sanctuaire de partage ou tribune pour âmes rêveuses sans jamais dépasser le stade du brouillon.
    – Tu le fais en étant simplement toi, avec tes forces, tes faiblesses, ta pudeur (elle est très importante car ô combien de blogs ont pu donner l’impression d’être un voyeur en le lisant).
    – J’ai parfois l’impression que tu luttes, contre le sentiment de devoir produire (que cela devienne une obligation, un dû), plus d’autres questions plus ou moins existentielles par rapport à ce site. Comme toute personne tu as des hauts et des moins hauts, c’est normal et les deux premiers points n’existeraient pas sans ce troisième.

    Ici tu es chez toi, c’est juste que tu laisses ta porte ouverte à ceux qui désire passer, que cela soit pour jeter un oeil ou prendre un café et entamer une longue conversation, échanger, partager.

    On pourrait mettre des mots, mais on le sait déjà. (J’adore cette phrase, à recaser dans toutes vos conversations philosophiques).
    Le monde est ce qu’il est, les micro-sphères sont partout et un média comme twitter peut très vite ressembler à une grande cours de récréation avec les décideurs et les suiveurs.
    Le plus dur c’est de l’organiser (un jour je me ferai un tweetdeck) et il faut parfois oser voir que certaines personnes ne font que retweeter une autre source et ne plus suivre cette personne mais directement cette source, plus large, plus éclectique, essayer de sortir du chemin principal (ou juste ne pas le suivre).

    Parce qu’évidemment tout cela tend vers un modèle, une mode et les hyper-sensibles n’en font pas partie. Tant mieux j’ai envie de dire. Comment pourrait-on continuer de ressentir les choses (cela peut-être instantané ou prendre du temps), trouver le bon dans chaque endroit, comprendre ses émotions, s’il fallait tenir le rythme imposé par un monde qui ne sait pas forcément où il va.
    Jamais je ne m’excuserai d’être touché par quelque chose, cependant il m’arrivera de le cacher. Cela est parfois dur, probablement autant que de rencontrer des personnes qui le comprennent et avec qui on peut enfin desserrer le poing et baisser notre garde. Il arrive aussi qu’on rencontre des personnes qu’on a peur d’influencer voire de choquer, alors on évite de trop se livrer et on les protège simplement, ne serait-ce en leur disant que ce n’est pas grave et que leur manière de penser est leur force.

    Mais qu’importe le sujet, la passion, nous sommes tous différents et pour autant ils nous arrivent de ressentir qu’une part de nous est faite du même bois que la personne avec qui on échange. En avoir conscience est un sentiment très agréable et je suis content de pouvoir lire et échanger avec des personnes qui continuent de partager alors que le reste du monde ne pense qu’à vendre ou imposer leurs idées.

    Je suis content que tu aies retrouvé ce carnet car le meilleur moyen de savoir où on va est encore de ne jamais oublier d’où on vient et il est très désagréable d’avoir l’impression de s’être perdu en chemin.

    Et comme je rattrape mon retard ici, j’ai écrit en écoutant Ionna Gika :)

    1. Merci Philippe ! Toujours un plaisir de te lire !

      – Tu as su construire ce lieu et le préserver. Combien de personnes (dont moi) on déjà eu l’idée d’une site ou un blog sorti de leur imagination, théâtre de leurs pensées, sanctuaire de partage ou tribune pour âmes rêveuses sans jamais dépasser le stade du brouillon.

      Je sais bien, et moi-même je lutte comme tu le dis si bien vis-à-vis de la tentation de tout arrêter et de me prendre moins la tête (car bloguer ça prend la tête – il faut bien le dire). MAIS je ne peux pas vraiment, j’aime trop écrire et je blogue depuis si longtemps que c’est devenu une seconde nature. Cependant, j’ai certes quelques astuces pour écrire/publier dans la durée, et plus globalement des observations que j’ai envie de partager ici. J’ai une série de billets sur le blogging sur le feu, ça mijote, ça mijote… Et quand je lis des remarques comme celle-ci, je me dis qu’elle ne sera pas inutile !

      – Tu le fais en étant simplement toi, avec tes forces, tes faiblesses, ta pudeur (elle est très importante car ô combien de blogs ont pu donner l’impression d’être un voyeur en le lisant).

      Merci, mais en vrai je pense que c’est une question de point de vue, car pour certaines personnes, ce que je publie ici est extrêmement impudique voire m’as-tu vu… ¯\_(ツ)_/¯ Pourtant, moi, je SAIS tout ce que je filtre, et je filtre à mort, surtout depuis mes déconvenues numériques il y a quelques années. Je n’ai pas la sensation de me dévoiler tant que ça. Je parle de trucs perso, oui, mais rien de secret. Il faut dédramatiser le fait de publier des réflexions perso, car le constat est là : globalement, tout le monde s’en fout. Les gens qui s’offusquent continuent à lire, en attendant… Donc ce n’est pas très logique (raison de plus pour ne pas les écouter lalalala).

      – J’ai parfois l’impression que tu luttes, contre le sentiment de devoir produire (que cela devienne une obligation, un dû), plus d’autres questions plus ou moins existentielles par rapport à ce site. Comme toute personne tu as des hauts et des moins hauts, c’est normal et les deux premiers points n’existeraient pas sans ce troisième.

      Oui, bien vu ! Disons que ce qui me gêne c’est d’annoncer des trucs (par ex. « cette année, je vais publier un billet par semaine, yeah  ») et ne pas le faire finalement. Mais au-delà de ça, en ce moment je suis bien occupée par ailleurs, et je suis moins en phase avec l’écriture. Pourtant j’ai plein de sujets sympas dans mon chaudron, mais… il y a un temps pour tout (et le mois de mai me plombe, chaque année c’est la même chose). Mais oui comme je le disais : bloguer sur le long terme c’est difficile. Cela demande une vraie discipline, et aussi une forme d’abnégation (sacrifier certains trucs pour caser le temps nécessaire à l’écriture). En général j’en suis capable ; en ce moment, beaucoup moins.

      Parce qu’évidemment tout cela tend vers un modèle, une mode et les hyper-sensibles n’en font pas partie.

      Oui, mais heureusement il existe des micro-endroits, à l’abri, où la team Introverti·es et Hypersensibles peut se réunir tranquillou. Ces espaces sont vulnérables et fragiles. Il s’en éteint davantage qu’il n’en pousse. Personnellement, ce n’est pas un mystère que le genre d’échange que nous sommes en train d’avoir, et que j’ai la chance d’avoir avec plusieurs lecteurices, est une des motivations principales dans la survie de ce blog. Je crois que ça me manquerait trop, car IRL je connais finalement très peu de personnes qui me ressemblent autant.

      Mais qu’importe le sujet, la passion, nous sommes tous différents et pour autant ils nous arrivent de ressentir qu’une part de nous est faite du même bois que la personne avec qui on échange.

      Voilà !

      En avoir conscience est un sentiment très agréable et je suis content de pouvoir lire et échanger avec des personnes qui continuent de partager alors que le reste du monde ne pense qu’à vendre ou imposer leurs idées.

      Farpaitement !

      Je suis content que tu aies retrouvé ce carnet car le meilleur moyen de savoir où on va est encore de ne jamais oublier d’où on vient

      Tu as raison… Il y a une sorte d’« héritage de soi-même ». La somme de nos expériences et évolutions personnelles… Comme un port d’attache. En ce qui me concerne, c’est très lié à mon adolescence, qui a été fondatrice sur tout ce qui touche à mes passions et centres d’intérêt. Mais chaque année j’ajoute des arbres à ma forêt.

      Quel plaisir en tout cas de ne pas déambuler seule ! Merci encore :)

      (PS : très en retard dans ma correspondance, comme d’hab, mais je n’oublie pas de te répondre… un jour !)

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