Il y a quelques semaines, j’ai lu Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine de Mona Chollet.

Being typically me, j’ai décidé de lire ce livre précisément au moment où je l’avais déjà prêté à une amie, qui l’a à son tour prêté à une de ses amies. Je ne sais pas si je reverrai ce livre un jour mais, au moins, l’information et la libération circulent.

J’ai donc acheté un nouvel exemplaire de ce livre, une occasion à petit prix dénichée sur un site quelconque.

Hélas, l’exemplaire que j’ai reçu était très abîmé : il s’agissait d’un livre de bibliothèque sorti d’inventaire, dont quelqu’un avait eu la mauvaise idée d’arracher l’étiquette du code barre présent sur la couverture, ruinant celle-ci à tout jamais.

heavy breathing

Malgré tout, j’ai emporté ce bouquin pendant mes vacances en Irlande, car je res­sen­tais un besoin urgent de le lire.

Peut-être était-ce le fait d’être en congés et de n’avoir, littéralement, aucune autre préoccupation en tête que celle de me reposer, de prendre l’air, de peindre et de lire, mais un lien très fort s’est développé entre ce texte et moi.

Écrit avec grand talent, Beauté fatale de Mona Chollet m’a captivée de A à Z. Certaines phrases résonnent encore dans mes pensées, et j’ai noirci de nombreuses pages dans mes carnets pour en garder une trace.

Ce livre est une lecture indispensable pour quiconque s’intéresse au féminisme – ou qui s’y initie. Mona Chollet y décortique l’obsession de la beauté féminine et la pression permanente qui pèse sur le corps des femmes pour s’y conformer.

Cela rassemble un tas de problématiques différentes, notamment la fascination morbide pour la minceur et la jeunesse, les troubles du comportement alimentaire, la chirurgie esthétique, les liens entre cinéma et publicité, etc.

Pour moi, une œuvre réussie est une œuvre qui « connecte les points » entre plusieurs choses. En l’occurrence, Beauté fatale a prolongé les lectures et recherches que j’avais faites pendant mes études.

Mais ce livre m’a également donné de nouveaux angles d’analyses concernant la blogosphère et les réseaux sociaux, même si ce n’est pas le propos principal de l’autrice : elle en parle un peu, évoquant certes Garance Doré et Sophie Fontanel ici et là, mais les normes corporelles assénées par Internet ne constituent par le cœur du livre.

Je note donc ci-après quelques réflexions corporelles, liées de près ou de loin au web, que m’a inspirées Beauté fatale.

Surexposition corporelle et angoisse de l’imperfection

Je me demande souvent dans quelle mesure les années passées à admirer des photos de femmes parfaites sur Internet ont conditionné mon regard :

  • non seulement vis-à-vis du type de physique féminin qui trouve grâce à mes yeux, me poussant plus ou moins consciemment à rejeter tout ce qui en diverge ;
  • mais aussi vis-à-vis de mon propre corps, me poussant plus ou moins consciemment à le rejeter lui aussi.

Notre culture se persuade que l’appariement avec un specimen de même standing, succédant au peaufinage d’une plastique conforme aux canons en vigueur, est la clé de la félicité et garantit l’accession à un septième ciel permanent.
Mona Chollet, Beauté fatale, Les nouveaux visages d’une aliénation féminine

Pendant longtemps, j’étais persuadée que le fait de ne suivre que des personnes gothiques, tatouées et piercées, aux cheveux arc-en-ciel et extrêmement maquillées était une forme de résistance aux canons corporels en vigueur.

Ce n’est que récemment que j’ai réalisé que toutes ces silhouettes n’en véhiculent pas moins des critères de beauté relativement classiques : les goths dont j’apprécie l’apparence (par exemple : moth.mouth, scarlettsometimes, samanthamacabre ou encore lovhiatar) sont en général jeunes, blanches, minces, valides, épilées, vêtues et maquillées avec soin. Et il n’y a rien d’« alternatif » ni d’anticonformiste là-dedans, en dépit du postulat vestimentaire de départ.

Pire, le type de corps valorisé par ces comptes finit par me donner des complexes. Comme beaucoup, j’ai une relation compliquée avec mon corps, et la répétition de ces photos fait émerger des sentiments personnels contradictoires, souvent négatifs, à l’égard de ma propre apparence physique – phénomène encore accentué par les algorithmes d’Instagram qui, ayant détecté que ces photos-là me titillaient, me les montrent donc en priorité.

L’environnement dans lequel j’ai grandi, les remarques régulières auxquelles je fais face depuis mon enfance à cause de ma taille et de mon poids (notamment de la part de figures d’autorité, comme les médecins), ainsi que le matraquage médiatique de photos de femmes désespérément jeunes, glabres et androgynes, tout cela me renvoie toujours aux supposées « imperfections » inscrites dans ma chair.

Le seul fait de nous montrer à longueur de temps des femmes hyper minces, sans ride, avec une peau qui a l’air d’être (…) en plastique , je pense que rien que ça c’est une violence (…) parce qu’on assimile ces images – de manière complètement insidieuse en fait, même si on n’y réfléchit pas, on les absorbe, et elles finissent par constituer la norme par rapport à laquelle on se juge soi-même.
Mona Chollet, podcast Miroir miroir

En cela, je suis moi aussi l’héritière de cette culture misogyne qui conditionne, dès l’enfance, les filles à être obsédées par leur apparence et leur poids, au point de s’en rendre malades s’il le faut.

Et les représentations véhiculées en majorité sur Internet ne m’aident pas à lutter contre ce dressage originel, qui transcende ma propre éducation et qui impacte toutes les femmes que je connais. D’autant que, à part les blogs ouvertement body positive (sur lesquels il y aurait aussi des choses à dire), les corps présentés sur la plupart des blogs féminins sont conformes à l’idée que nous nous faisons souvent du « corps parfait ».

Citez-moi 5 blogueuses connues, là maintenant tout de suite : la majorité, sinon toutes, correspondent au modèle corporel dominant. Où que l’on regarde, sur Internet, il y a de fortes probabilités de tomber sur ce type de physique, ce qui n’aide pas nos représentations à évoluer.

D’un point de vue philosophique, l’injonction « souffrir pour être belle », qui promeut une beauté sacrificielle, est d’une violence inouïe. Il y a cette idée que la beauté ne serait pas naturelle, mais acquise, et qu’on ne pourrait l’acquérir qu’en se faisant du mal – ou en y investissant beaucoup de temps et d’argent, une tendance de fond qui régit une large frange de la blogosphère mode et beauté.

Autrement dit : nous serions né·es moches, et nous devrions sacrifier une part de qui nous sommes pour nous fondre dans le moule, et nous conformer à des normes de beauté par définition hors de notre portée.

Poils, acné et cheveux blancs

Consciente de la responsabilité des magazines féminins en matière de culpabilisation des femmes, je n’en lis plus depuis des années, même chez le coiffeur : j’apporte toujours un livre pour résister, et éviter de ressortir de là démoralisée.

Je ne regarde pas non plus la télévision, ce qui me préserve un peu du matraquage publicitaire mettant en scène des stéréotypes genrés, et m’aide à résister aux injonctions à consommer des produits « de beauté » que le marketing nous vend en nous faisant croire que la Beauté n’est qu’à un pot de crème de nous, mais dont je n’ai, au fond, pas besoin.

Malgré tout, le culte de l’apparence me poursuit sur les réseaux sociaux et dans la blogosphère, c’est pourquoi j’ai décidé de réagir.

J’ai décidé depuis environ un an de panacher davantage mes abonnements. Cela commence à porter ses fruits, puisque mes timelines sont désormais remplies de photos de personnes assez différent·es les un·es des autres.

En effet, tant que je me contentais de n’absorber que des contenus écrits par des femmes minces, blanches, valides, cisgenre et hétérosexuelles, goth ou pas, je restais globalement ignarde en matière de grossophobie, de racisme, d’handiphobie et d’homophobie, pour ne citer qu’elles.

Aujourd’hui, je commence à sentir les effets bénéfiques que des lectures plus grande diversifiées ont sur mes représentations et mon amour propre.

En dépit de ces progrès, je déplore que ce soit toujours les mêmes caractéristiques physiques que les un·es et les autres choisissent généralement de valoriser dans leurs photos, en particulier sur Instagram.

Les poils, les cernes, les cheveux gras, la cellulite, le sang, l’acné, les vergetures, les cicatrices, les cheveux blancs, les racines ou encore la calvitie en sont la plupart du temps bannis, alors que ce sont des éléments corporels communs et parfaitement naturels.

Les poils en particulier sont l’objet d’un tabou très puissant. Lorsqu’apparaissent enfin dans mon flux des aisselles, des bras, des jambes, des bouches, des mentons ou des pubis velus, cela provient quasiment toujours d’artistes ouvertement féministes, ayant déjà partagé toute une réflexion sur le sujet.

Cette vidéo de Kiskeya, pour la chaîne Youtube Cher Corps, m’a fait un effet bœuf quand je l’ai vue la première fois :

Je pense aussi à Frances Cannon, qui n’a de cesse de représenter son corps queer dans toute son honnêteté, et qui ajoute souvent des poils et des vergetures à ses dessins.

My fat, queer body is worthy of the entirety of my love

My fat, queer body is worthy of the entirety of my love. I am soft. I am whole. My experiences and my emotions are valid. I am me. ~ Self portrait taken in my teen home in Chiangmai, Thailand as an act reclamation and rebellion. Frances Cannon

J’admire toujours les personnes qui osent tenir ce discours et publier ce genre de contenus, à une époque où le cyber-harcèlement misogyne et LGBT-phobe menace quiconque ose sortir du rang…

Être assez

Cependant, publier des photos honnêtes de son corps ne signifie pas qu’on ne continue pas à lutter pour s’accepter tel·le quel·le.

Être féministe nécessite une longue déconstruction semée d’embûches. Personne ne se réveille un matin en ayant résolu toutes ses contradictions.

Au mois de septembre, Amanda Palmer – une autre femme dont les poils suscitent régulièrement la polémique (en anglais) – a publié une vidéo à ce sujet. (Vous ne pourrez hélas pas voir cette vidéo, à moins de connaître le mot de passe qu’elle a diffusé sur son Patreon.)

Elle y évoque sa propre expérience vis-à-vis de son corps, et livre un message fondamental : personne n’a le droit de vous dire ce que vous devez faire de votre corps.

J’apprécie aussi beaucoup la vidéo ci-dessous, publique celle-ci, où elle parle également de son corps post-maternité, de la pression que lui mettait son ancien label pour apparaître mince dans ses clips, et de l’honnêteté que requiert, pour elle, le féminisme. Feminism isn’t about being perfect, it’s about being honest.

C’est également le message que Mona Chollet transmet dans ses livres, et qu’elle résume ainsi dans l’épisode Faire face aux diktats de la beauté du podcast Miroir miroir :

Quels que soient les choix qu’on fait, c’est toujours bien de réfléchir à tout ça, et partager autour de soi les interrogations que ça suscite, les doutes, les dilemmes… Et je crois que, finalement, qu’on qu’on fasse, ce que je (…) dirais peut-être c’est de ne jamais croire les discours qui leur disent qu’illes sont moches, qu’illes sont dégoûtant·es, qu’illes ont besoin de tel produit ou de telle opération pour sortir cet état.

Sur Instagram, même lorsqu’elles publient une photo d’elle tout à fait « conforme » aux canons en vigueur, il est fréquent que les femmes auxquelles je suis abonnée se justifient d’avoir « une sale gueule », « de trop grosses cuisses », d’autres encore d’être « trop maigres ».

Certaines vont jusqu’à prier leurs followers de les excuser de ne pas avoir eu le temps de faire leurs racines ou leur manucure, ou encore d’« oser » porter des fringues pilou-pilou sur « the Gram »…

Ne pas se sentir libre de montrer son corps tel quel est terrible. Cela nous contraint à devoir trier maladivement nos photos et à souvent les retoucher pour échapper à la menace des réflexions indélicates.

Alors que, au fond, il faudrait déjà commencer par rééduquer notre regard, déconstruire nos représentations et nous interroger à leur sujet, mais aussi apprendre à modérer notre propre tendance à penser des choses indélicates – sur nous-même et sur les autres. (Je pense sincèrement que les deux sont liés.)

Être plutôt que paraître

J’ai toujours été très grande, mais c’est surtout en 6e que j’ai poussé d’un coup, dépassant tous les garçons de ma classe d’une bonne tête.

Cela m’a valu les pires sobriquets, me faisant bien comprendre à quel point j’étais différente des autres et donc, « moche ». C’est à ce moment-là que mes complexes ont véritablement pris racine.

Cela m’a conduit, progressivement, à « désinvestir » mon corps et mon apparence physique, au profit de mon intellect. Je me disais que, puisque je ne pouvais pas compter sur mon corps pour plaire et être aimée, alors j’aurais peut-être plus de chances d’y arriver grâce à ce que j’avais dans le ciboulot.

Internet m’a d’ailleurs beaucoup encouragée dans cette voie : au début des années 2000, quand j’ai commencé à bloguer, l’écrasante majorité des contenus numériques étaient textuels. Rares étaient les photos, tout simplement parce que les smartphones n’existaient pas encore, et que les appareils photo numériques étaient alors des produits de luxe inaccessibles au grand public.

De même, avant l’invention de Facebook, révéler sa véritable identité sur le net était une aberration. C’était, en quelque sorte, tabou.

Je bloguais donc de manière anonyme, en me montrant très peu. Lorsque je montrais quelque chose de moi, c’était mon visage, rien de plus. Personne ne pouvait me rejeter à cause de ma taille, car personne ne savait que j’étais si grande. Internet a donc été d’un grand réconfort pour la jeune-femme que j’étais.

L’absence de mon corps en ligne a néanmoins provoqué – et continue à provoquer – des couacs lorsque je rencontre IRL des personnes dont j’ai fait la connaissance sur le net. Il est fréquent que certaines s’exclament à quel poiiint je suis graaande, ou sont ouvertement déçues de voir à quoi je ressemble « en vrai », n’ayant pu suffisamment juger la marchandise d’après photos.

Je me suis souvent dit que tout aurait été tellement plus simple si on s’était contenté·es de discuter sur le net, sans que nos corps entrent dans l’équation.

Cultiver sa singularité

Lire des auteurices féministes, et suivre de plus en plus de femmes, d’hommes trans et de personnes non binaires qui questionnent et mettent au défi les stéréotypes de genre, m’aide énormément à apprivoiser ma propre corporéité.

On peut (et il faut) blâmer les réseaux sociaux et les blogs lorsqu’ils nous matraquent de messages publicitaires abrutissants et stéréotypés.

Mais il faut aussi reconnaître qu’Internet représente la possibilité, pour des personnes habituellement invisibilisées, de s’exprimer. Les publications de ces personnes constituent un vivier fertile qui bouscule mes représentations chaque jour.

Au-delà d’Internet, avoir le courage de se mêler aux autres et de discuter avec des personnes différentes de nous, et observer sans jugement la diversité des personnes que nous croisons au hasard de la vie, sont deux choses aussi importantes que décider qui suivre sur les réseaux sociaux.

M’intéresser à la singularité des autres m’aide à accepter la mienne. Ce n’est pas parce qu’on ne ressemble pas aux autres qu’on est « moche » ou moins digne d’attention et d’amour que les personnes qui ont simplement la chance d’avoir un corps qui correspond aux canons de beauté en vigueur – et/ou le budget leur permettant d’acheter tous les soins nécessaires pour se rapprocher de cet idéal monolithique.

Au contraire, avoir de la personnalité et être singulier/singulière est un trésor à l’heure de ce que Mona Chollet appelle la frénésie de la conformité.

Nous devons ouvrir les yeux sur ce système qui nous écrase, asphyxie notre individualité et notre créativité, et nous donne l’irrésistible envie de gommer tout ce qui fait que nous sommes nous-mêmes et pas les autres.

Bien entendu, chaque personne a une histoire propre, et il est crucial que chacun·e puisse faire absolument ce qu’iel veut.

Quelques selfies noyés dans la masse d’un contenu varié ne me gênent pas ; un torrent d’auto-portraits de la part d’une personne en transition de genre ou, plus généralement, en marge, non plus. Les démarches sont différentes, et c’est ça qui les rend, à mes yeux, plus intéressantes que les tas de selfies que publient les personnes ayant un corps « normal »/normé.

Pour autant, il faut se méfier des apparences : ce n’est pas parce qu’unetelle ou untel est joli·e et adulé·e sur Instagram, que cette personne est heureuse ou bien dans sa peau. De nombreux handicaps et maladies mentales sont invisibles ; ne nous laissons pas berner par des photos séduisantes.

Se préserver

Dans le hors-série du Monde des religions, consacré aux sorcières, l’ethnologue Magali Jenny évoque l’isolement social des sorcières :

Il existe une forme d’exclusion, mais qui est autant le fait de l’entourage que de l’intéressée elle-même. Cette mise à l’écart constitue la possibilité pour elle de questionner sa différence et de réinventer sa vie en conséquence.

Cet isolement, je le connais très bien. Si j’ai parfois pu en souffrir par le passé, ayant été parfois violemment rejetée par des personnes que j’aimais ou pour lesquelles je ressentais un très fort intérêt, aujourd’hui je sais que cet isolement relatif est une condition sine qua non pour arriver à me construire, à me reconstruire et à m’épanouir, loin de la tentation de me fondre dans le décor, de gommer mes caractéristiques propres, et de faire miennes des tendances ou des modes qui ne me correspondent pas vraiment.

Pour accepter et prendre à bras-le-corps qui je suis, j’ai besoin de calme, sans pression extérieure ni désir de séduction.

Étant déterminée à développer ma créativité tout au long de ma vie, et sachant que créer des choses est ma vocation, j’ai le sentiment qu’être collée sans arrêt à Internet est une forme de « vie en collectivité », où l’omniprésence des autres, de leurs choix et de leurs idées peuvent inconsciemment nuire à mon individualité et à mon amour propre.

Si je devais absorber toutes les publications de toutes les personnes que je suis, multiplié par le nombre de plateformes que j’utilise, racine carré des injonctions insidieuses que la plupart des photos véhiculent, cela me coûterait une énergie que je préfère dorénavant consacrer à des choses qui me donnent envie de créer davantage.

Bref, j’ai besoin de me préserver et de prendre du recul.

Aussi, j’ai verrouillé la plupart de mes profils publics, dont mon profil Instagram ; je publie beaucoup plus ponctuellement, à l’abri de la foule ; et je picore ici et là. Cela fait des années que je ne « stalke » plus qui que ce soit sur Internet, car je connais les ravages que cela risquerait d’occasionner sur ma propre inspiration, et, par ricochet, sur ma propre identité.

Je garde néanmoins un pied dans cet univers numérique, car il me nourrit beaucoup, intellectuellement, mais je prends soin d’aller gambader régulièrement loin des chemins que je connais déjà par cœur.

Maintenant que j’ai trié qui suivre et que j’ai décidé quoi publier et où, j’ai le champ libre : j’apprécie de suivre certaines femmes de ma génération, qui partagent leurs réflexions sur leur corps avec honnêteté et courage.

Par exemple, Diglee (Maureen Wingrove) avait posté un texte l’hiver dernier qui m’avait interpelée : elle expliquait qu’elle ne se maquille plus du tout, et qu’elle est heureuse de s’être débarrassée de la pensée que son visage non maquillé était « monstrueux ». Elle développe ce sujet dans cette vidéo : Pourquoi mon visage à nu serait horrible, alors que le visage à nu de mon compagnon est très bien ?

Évidemment, cela ne veut pas dire que seul le fait de ne pas se maquiller serait féministe : à l’inverse, je connais de nombreuses personnes pour qui le maquillage, les colorations et/ou le look sont les vecteurs de leur identité et de leurs revendications.

On a aussi le droit de s’en foutre ; de ne pas savoir ; d’osciller ; de faire quelque chose pendant un temps puis de changer d’avis ; de préférer la voie du milieu. Tout est possible.

L’affaire est de se libérer soi-même : trouver ses vraies dimensions, ne pas se laisser gêner.
Virginia Woolf

Je pourrais citer de nombreuses personnes dont le corps ne rentre dans aucune case et/ou dont les choix bousculent mes complexes. Les voir combattre les leurs (lorsqu’elles en ont) et publier leurs photos et leurs vidéos malgré tout m’inspire et me donne du courage.

Être féministe, pour moi, c’est ça aussi : bousculer les représentations genrées, tenir un discours alternatif et aider les autres à diffuser le leur ; réfléchir tout haut, aussi bien individuellement que collectivement ; avoir une approche intersectionnelle, et s’inspirer, se soutenir et se défendre les un·es les autres quoi qu’il arrive.

J’arrête là pour aujourd’hui, et je laisse le mot de la fin à Éloïse Bouton :

Merci (…) à celles qui bousculent les stéréotypes, produisent des images politiques, de l’idéologie, des concepts et font du selfie une performance. Merci à celles qui célèbrent leurs imperfections, n’ont pas peur d’être moches, ou assument leur peau non-blanche, leurs rides, vergetures, poils et bourrelets. Merci enfin à celles qui questionnent les identités et les représentations du corps, démontrant qu’il n’est pas nécessairement un espace d’oppression.

Marie

27 commentaires

  1. C’est passionnant, il faut décidément que je lise ce livre. Ton parcours d’utilisation des réseaux sociaux est inspirant, j’ai une volonté de me rapprocher de ça mais je finis toujours par suivre un milliard de personnes et effectivement les contenus portent parfois à complexer (en l’occurrence pas forcément sur son physique mais aussi sur ce qu’on fait ce qu’on crée etc). Et c’est vrai que la grande majorité des blogueuses avec qui j’echange ont des profils assez similaires, mais je découvre plein de choses et mes fils de pages se diversifient !

    1. Je pense que ça se fait petit à petit, et puis de toute façon, l’objectif est avant tout de suivre des personnes intéressantes avec qui on partage beaucoup, intellectuellement, et pas de suivre des gens uniquement parce qu’iels rentrent dans telle ou telle catégorie… Cela étant dit, il est évident que nos biais cognitifs nous font aller vers ce que nous connaissons déjà ; en avoir conscience est un premier pas vers plus de diversité, à mon avis.

  2. Superbe lecture d’un livre fantastique ! J’ai l’ai dévoré également.

    Tes réflexions rejoignent énormément les miennes, je te remercie de les avoir posées sur papier, cela m’aide à y voir encore plus clair.

    Depuis des années je suis encombrée par mon corps bien qu’il réponde à 99% aux normes en vigueur : blanc, mince, avec des formes, valide etc. Malgré tout, j’ai été anorexique et je me scarifie depuis mes 19 ans. Erf, du coup où le placer ? Je vois bien que les regards sont différents lorsque les gens portent le regard sur mes bras, mes cuisses, et qu’ils voient mes cicatrices. Perso, je préfère ça aux regards salaces, au moins maintenant les hommes ont plus peur de m’approcher grâce à ça (je parle de ceux dans les rues).
    Du coup les thèmes abordés dans ton billet et a fortiori dans le livre me semblent faire intrinsèquement partis de ma construction.

    Tu évoques aussi le sujet des poils : ça fait un an que je diminue drastiquement l’utilisation de l’épilateur … à part pour les aisselles, pour le côté hygiène/odeur, alors que esthétiquement ça ne me gêne pas ^^
    Côté jambes et pubis, je laisse très souvent (pas touché au pubis depuis un an en fait) et qu’est-ce que ça fait du bien ! Si j’ai envie d’avoir les jambes lisses un jour, et bien je m’épile mais seulement lorsque MOI le décide. Cela n’est plus corrélé au fait de voir un garçon, de sortir etc.

    Mais cela éveille aussi bien des questions : est-ce que c’est plus facile pour moi d’assumer cela grâce à mon corps qui rentre dans les normes ? Très probablement !
    Et une encore plus importante : est-il intelligent de poster des photos de moi qui valident ces clichés ou bien vaut-il mieux que je m’abstienne ? Je suis par exemple modèle amateur et je me demande si en faisant cela, je n’accentue pas la pression normative.

    Tout cela se bouscule dans ma tête mais lire ces mêmes questions ici et me plonger dans des livres comme celui de Mona Chollet aide beaucoup à au moins les organiser avant de tenter d’y apporter une réponse ! Mille mercis ! ?

    1. Merci beaucoup pour ton témoignage, Marion ! Tu as un immense courage d’aborder ces points publiquement.

      Mais cela éveille aussi bien des questions : est-ce que c’est plus facile pour moi d’assumer cela grâce à mon corps qui rentre dans les normes ? Très probablement !
      Et une encore plus importante : est-il intelligent de poster des photos de moi qui valident ces clichés ou bien vaut-il mieux que je m’abstienne ? Je suis par exemple modèle amateur et je me demande si en faisant cela, je n’accentue pas la pression normative.

      Tes questions sont tout à fait légitimes. Je ne suis pas sûre qu’il existe de réponse simple. Quoi que l’on fasse, on a chacun·e nos propres contradictions, cela ne fait pas de nous un·e moins bon·ne féministe pour autant. Je dirais qu’à partir du moment où on a conscience de nos biais et de nos paradoxes, c’est bon signe pour la suite de notre déconstruction.

      Pour la question des photos, je pense qu’on peut très bien avoir un corps correspondant aux canons de beauté en vigueur tout en luttant dur contre tout un tas de choses (par exemple, les troubles du comportement alimentaire). Il peut justement y avoir un côté revendicatif au fait d’« oser » publier des photos de soi, alors qu’on est en proie à des luttes intimes.

      L’essentiel, je crois, est de faire ce qui te fait du bien, et peu importe le regard et le jugement des autres, quel·le·s qu’iels soient. Il n’existe pas de diplôme ès féminisme.

      Je ne sais pas si tu l’as lu, mais l’article Les selfies (nus) des femmes ne sont ni un « délit de narcissisme » ni de la soumission peut peut-être t’intéresser.

  3. Commentaire en forme de brouillon / bloc-notes des pensées qui se forment à ta lecture :
    – Il y a genre deux ans, ma soeur m’a offert « This Chair Rocks », un bouquin sur l’agisme qu’elle avait lu et apprécié. Il traîne sur ma pile « à lire » depuis. Faudrait que je m’y mette.
    – Ado et très jeune femme, je pensais pouvoir lire des magazines féminins de façon immune. J’avais l’impression qu’ils n’avaient pas de pouvoir sur moi, que c’étaient juste de jolies images, pas « dangereuses ». J’étais sûrement aidée par le fait d’être – donc – jeune, mince, blanche, ni trop bien pourvue ni trop androgyne, grande mais de façon encore « acceptable ». (Désolée pour la masse de guillemets, ça ne va pas s’arrêter j’en ai peur !) Flash-forward quelques années – et un mec bien toxique et critique de mon physique – plus tard, et je m’aperçois que, bien comme tout le monde, j’ai complètement internalisé les diktats. Et qu’aujourd’hui, j’ai du mal à accepter cellulite et premières rides, bien comme tout le monde, et que mes idées de ce qui fait, par exemple, un beau sein, sortent elles aussi tout droit des images qu’on nous matraque…
    – A l’inverse, la première fois où je suis allée à Nowhere et où j’ai vu des gens (de tout âge, de tout genre) se balader nus ou très peu vêtus, j’ai été frappée par la beauté dégagée par celles et ceux qui dégageaient aussi de la joie de vivre, et qui éclipsaient les beautés plus normées mais moins rayonnantes.
    – Un exemple de blogueuse connue-mais-pas-totalement-conforme-au-modèle-dominant : Adeline Rapon, qui revendique ses racines antillaises (cheveux naturels etc.) et, depuis peu, le fait de ne plus s’épiler. Elle reste malgré tout jeune, mince, etc. Et la plupart de ses photos plutôt bien dans les clous de la norme.
    Cet article sur le fait de rebaptiser de façon valorisante les « défauts » genre vergetures etc.
    – Ah comme ça m’énerve quand une femme s’excuse de ne pas être maquillée, ou d’avoir du vernis écaillé, sur Instagram ! Meuf, depuis quand tu dois t’excuser de te montrer sans apprêt ? Quand tu vas acheter du pain sans rouge à lèvres, tu t’excuses auprès de la boulangère ? Pourquoi est-ce que des trucs acceptables sans problème dans la vie deviennent de dramatiques faux pas quand il s’agit d’une photo ?… (Et malgré tout, c’est aussi une raison pour laquelle je ne me photographie pas souvent : parce que je m’apprête peu au quotidien. Et que clairement, mon corps en fringues d’intérieur, mon visage non maquillé, mes cheveux juste tirés, ne méritent pas d’être montrés. Hello, l’internalisation !)

    1. Merci d’avoir pris le temps de partager tes réflexions avec moi !

      – Il y a genre deux ans, ma soeur m’a offert « This Chair Rocks », un bouquin sur l’agisme qu’elle avait lu et apprécié. Il traîne sur ma pile « à lire » depuis. Faudrait que je m’y mette.

      Hop, ajouté à ma liste de souhaits ! C’est la première fois que j’en entends parler.

      – Ado et très jeune femme, je pensais pouvoir lire des magazines féminins de façon immune. J’avais l’impression qu’ils n’avaient pas de pouvoir sur moi, que c’étaient juste de jolies images, pas « dangereuses ». (…) Flash-forward quelques années (…) plus tard, et je m’aperçois que, bien comme tout le monde, j’ai complètement internalisé les diktats. Et qu’aujourd’hui, j’ai du mal à accepter cellulite et premières rides, bien comme tout le monde, et que mes idées de ce qui fait, par exemple, un beau sein, sortent elles aussi tout droit des images qu’on nous matraque…

      Oui, d’ailleurs je pense que quand on parle de « déconstruction », cela englobe une grande part de déconstruction de notre regard (sur nous-même et sur les autres). Ce que nous considérons « beau » ou « laid » n’existe pas en soi : ce sont des constructions culturelles. La preuve, les critères de beauté diffèrent en fonction du lieu et de l’époque – même si, et c’est affligeant, les normes de beauté occidentales sont en train d’envahir le monde entier, en particulier l’Asie ; d’ailleurs c’est un point développé dans Beauté fatale que j’ai trouvé particulièrement intéressant.

      – Cet article sur le fait de rebaptiser de façon valorisante les « défauts » genre vergetures etc.

      J’aime beaucoup cette idée de se réapproprier son corps par le langage !

      – Ah comme ça m’énerve quand une femme s’excuse de ne pas être maquillée, ou d’avoir du vernis écaillé, sur Instagram ! Meuf, depuis quand tu dois t’excuser de te montrer sans apprêt ? Quand tu vas acheter du pain sans rouge à lèvres, tu t’excuses auprès de la boulangère ? Pourquoi est-ce que des trucs acceptables sans problème dans la vie deviennent de dramatiques faux pas quand il s’agit d’une photo ?… (Et malgré tout, c’est aussi une raison pour laquelle je ne me photographie pas souvent : parce que je m’apprête peu au quotidien. Et que clairement, mon corps en fringues d’intérieur, mon visage non maquillé, mes cheveux juste tirés, ne méritent pas d’être montrés. Hello, l’internalisation !)

      Peut-être que justement, le fait d’« oser »* se montrer tel·le quel·le, sans artifice, est précisément ce qui contribuerait à casser le mythe de la beauté. Voir enfin les gens tel·les qu’iels sont, briser ce miroir aux alouettes qui nous fait croire qu’iels sont « parfait·es »** naturellement alors que tout a été soigneusement étudié pour que la photo soit impeccable. Se montrer soi, sans tricher, et être nombreuses et nombreux à le faire, c’est peut-être grâce à ça que germera la véritable révolte…

      * N’est-ce pas malheureux que se représenter tel·le quel·le relève du défi…
      ** Moi aussi je mets plein de guillemets partout !

  4. Juste après avoir lu ton article, j’ai fait le tri dans mon feed instagram et yt. Je me rends compte que j’aime mon visage au naturel, j’aime bien me maquiller mais je n’en ressent aucune obligation. De la même manière, je n’ai aucun problème de poids/morphologie et je suis sportive par gout plutot que par esthetisme. Mais j’en viens à me mettre la pression parce que je ne fais pas assez de sport, je vais perdre en esthetique; alors que je fais vraiment du sport pour décompresser et pour le sentiment de relaxation qui vient après. Pareil pour le maquillage, j’ai de plus en plus envie de me maquiller et c’est assez inhabituel. Puis je me rends compte que je « prends du temps pour moi » devant des chaines de beauté.

    1. Mais j’en viens à me mettre la pression parce que je ne fais pas assez de sport, je vais perdre en esthetique; alors que je fais vraiment du sport pour décompresser et pour le sentiment de relaxation qui vient après.

      Voilà, exactement. Fais les choses pour toi avant tout !

  5. Merci.
    C’est le genre de billet suffisamment mesuré et bien écrit qui aide à comprendre pour l’autre sexe et (je pense) à prendre du recul pour les femmes. J’ai un article dans mes brouillons qui va se raccorder un peu à ces questionnements (rapports aux visites guidées à la médiation) et je pense que cet article serait un bon lien à y ajouter si tu n’y vois pas d’inconvénient.

    1. Merci beaucoup Mealin ! Je t’en prie, fais, fais. :)

  6. Je suis ce blog depuis plus d’un an (ooh les revues de web que je savoure chaque mois!), et je veux commenter, et je passe à autre chose, merci le net et son habitude à vous faire papillonner d’une lecture à l’autre, ou l’envie de regarder des images sans réfléchir…bref! là je suis touchée, comme je l’ai été quand tu as parlé du bouquin « on ne naît pas grosse » que je me suis empressée de lire suite à ton article, me disant qu’enfin un livre parlait de grossophobie telle qu’elle est vécue, et pas un juste une histoire pour un téléfilm à 2balles ! Trimbalant un corps que je n’accepte pas et qui est souvent rejeté par la société (et le corps médical) qui juge en permanence et pense avoir solution à tous les « maux » qui seraient « hors norme », mes lectures féministes et autres me libèrent peu à peu.
    Quand je lis ces lignes, de ces blogueuses qui s’excusent de ne pas être maquillé, assez bien habillé ou autre (perso je n’avais pas remarqué, je suis surtout des blogueuses « rondes » ou des créatrices), cela me renvoie à ma difficulté de me lancer dans un blog avec photos, me disant que je ne sais pas me maquiller, comment je pourrais donner des conseils n’étant pas « légitime », mais en fait, c’est bien l’inverse que je voudrais transmettre, et que celles qui ont conscience de cela, devraient se montrer, pour libérer d’autres qui n’osent pas…bon je dis ça mais je ne sais pas si j’en serai capable, la pression étant forte!
    Moi qui suis grosse (n’ayons pas peur des mots), qui aime le style gothique/victorien/mori girl, je me suis longtemps (et encore parfois !) interdit de porter ce style de vêtements, parce que « ça rend pas en 52! » mais je me dis pourquoi en fait?!
    Merci pour ces réflexions, ces lectures partagées, j’ai retrouvé le goût de lire des essais, et pour ça je te remercie! <3 et je ne parle des réflexions et des changements que cela entraine sur mes idées et ma façon de vivre ;)

    1. Merci Vanessa, bienvenue au-delà du miroir !

      Trimbalant un corps que je n’accepte pas et qui est souvent rejeté par la société (et le corps médical) qui juge en permanence et pense avoir solution à tous les « maux » qui seraient « hors norme », mes lectures féministes et autres me libèrent peu à peu.

      Yeah ! Cela me touche, car mon cheminement est similaire, et c’est justement la réflexion que j’ai en ce moment : je ressens énormément de gratitude pour toutes ces lectures, et pour le temps passé par les militant·e·s féministes à écrire, publier, partager sans relâche. Cela porte ses fruits !

      Quand je lis ces lignes, de ces blogueuses qui s’excusent de ne pas être maquillé, assez bien habillé ou autre (perso je n’avais pas remarqué, je suis surtout des blogueuses « rondes » ou des créatrices), cela me renvoie à ma difficulté de me lancer dans un blog avec photos, me disant que je ne sais pas me maquiller, comment je pourrais donner des conseils n’étant pas « légitime », mais en fait, c’est bien l’inverse que je voudrais transmettre, et que celles qui ont conscience de cela, devraient se montrer, pour libérer d’autres qui n’osent pas…bon je dis ça mais je ne sais pas si j’en serai capable, la pression étant forte!

      Je t’encourage à fond les ballons à faire ce qui te fait plaisir, ne serait-ce que pour ce doux frisson d’enfin mettre à exécution une idée qui te trotte dans la tête depuis longtemps ! On s’en fiche après tout de savoir si ce projet va durer, ou pas, s’il va remporter l’adhésion, ou pas… On est trop intoxiqué·e·s par ce qu’on imagine être l’avis des autres, et cela nous coupe les pattes avant même d’avoir essayé.

      Tente le coup, ouvre un blog, t’es même pas obligée d’en parler à qui que ce soit, écris, publie, crée, expérimente… Autorise-toi à faire quelque chose pour toi avant tout !

      Moi qui suis grosse (n’ayons pas peur des mots), qui aime le style gothique/victorien/mori girl, je me suis longtemps (et encore parfois !) interdit de porter ce style de vêtements, parce que « ça rend pas en 52! » mais je me dis pourquoi en fait?!

      Mais complètement ! Il y a sans doute plein d’autres personnes qui, comme toi, n’osent pas, et qui seraient sans doute heureuses de tomber sur ce type de blog/de contenus. Si ce que tu cherches n’existe pas, tu es d’autant plus légitime pour le créer. Moi j’dis : vas-y, fonce !

      Merci pour ces réflexions, ces lectures partagées, j’ai retrouvé le goût de lire des essais, et pour ça je te remercie! <3 et je ne parle des réflexions et des changements que cela entraine sur mes idées et ma façon de vivre ;)

      Tu n’as pas idée à quel point ton retour m’encourage à continuer à écrire ! Merci à toi, à bientôt !

      1. ooh merci beaucoup! c’est appréciable (car rare) que tu prennes le temps, déjà de répondre, et en plus de reprendre plusieurs points plutôt qu’un commentaire global! tes encouragements arrivent à un gros moment de remise en question personnelle, et me donnent vraiment envie de me lancer.
        Longue vie à l’astre pourpre ;) (je l’ai pas dis mais moi aussi je vénère le violet!)

  7. Merci pour cet article extrèment fourni en informatins et en reflexions. Est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu comment tu as fait pour rendre ton internet plus multiple et nous conseiller quelques personnes à découvrir et suivre? Je crois que je suis surtout restée sur le « web sans images », enfin surtout centré sur le texte, mais un peu de diversité ne me ferait pas de mal quand meme.
    Je viens de commencer Sorcières de la meme auteur, je pense que les deux vont bien se compléter.

    1. Est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu comment tu as fait pour rendre ton internet plus multiple et nous conseiller quelques personnes à découvrir et suivre?

      Globalement, quand quelqu’un·e que je suis déjà parle d’un autre compte, je vais en général voir de quoi il s’agit (quel que soit le support : blog, réseau social…), car on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Sur Twitter en particulier, les différents retweets de la part de comptes que je suis déjà me permettent là aussi de découvrir des discours singuliers.

      Dans une moindre mesure, je fais aussi des découvertes régulières grâce au bloc « recommandations » qui apparaît quand tu viens de t’abonner à quelqu’un, et qu’on te propose d’autres profils un peu dans la même veine.

      Pour ce qui est de te conseiller quelques personnes à découvrir et à suivre, c’est vraiment pas évident pour moi de choisir, car je suis énormément de monde un peu partout… ! Quelques pistes malgré tout (forcément incomplètes et partiales, mais j’espère que ça te donnera des pistes pour creuser) :

      Sur Twitter, il y a tellement de personnes intéressantes… Le plus simple, je pense, c’est que tu navigues à travers la liste de celles que je suis, et que tu picores à ton gré. Quant aux blogs, il y en a simplement trop ; je partage mes découvertes et coups de cœur inclusifs dans mes revues de web, en général. :)

  8. Excellentes réflexions, on passe toutes beaucoup trop de temps à s’inquiéter de notre apparence.

    Sorcières arrive au Québec la semaine prochaine si je ne me trompe pas. Je sens que je vais revenir d’une visite à ma librairie féministe avec 2 livres plutôt qu’un ;)

    1. Héhé, je commence à comprendre pourquoi les libraires m’aiment bien ! ;-)

  9. Très bel article Marie ! Je vais noter la référence du livre, je le lirai sans doute en ligne (rhaaaa, ça c’est trop bien, parce que, porte-monnaie pas extensible du tout…).
    Dans mon mémoire, je me souviens avoir abordé le sujet du rapport au corps (féminin en l’occurence) avec les réseaux sociaux. Ma prof a halluciné : je décortique tellement le truc qu’elle a pensé que j’étais accro aux réseaux alors que non, pas du tout, puisque l’insta est en berne depuis plus d’un an (ça me gonflais), twitter idem (c’est vrai, ça me gonfle aussi), j’utilise facebook pour rester en contact avec des gens qui sont loin (et aussi de temps en temps pour ma « pub » en tant qu’artiste), tumblr me permet d’avoir mon lot de belles images dans la semaine… Et voilà. En fait, c’est très curieux ce rapport au corps visible sur les réseaux sociaux : comme on vit dans une société hyper-narcissique, il paraît normal de faire un selfie. Mais dans le fond, que tu sois « dans la norme » ou « pas », qu’est-ce qui pousse les gens à faire un selfie et à montrer son corps ? La société de conso sans doute. Elle a une réponse toute prête pour chaque personne, chaque tribu, chaque norme (puisque toutes les tribus ont leurs normes). A chaque consommateur correspond une forme de consommation : beauté, mode, livre, objets… Chaque tribu a son propre mode de consommation, et donc, sa propre manière de percevoir le corps. On note d’ailleurs que c’est dans les tribus dites alternatives que l’apparence marquée a le plus d’importance. Montrer, se montrer, est aujourd’hui devenue une norme : la société glorifie la soi-disant liberté d’opinion, et encourage les différences, mais tout en maintenant ces différences dans un cadre qui lui convient, puisque ce cadre encourage à un certain type de consommation. Donc, avoir un corps « pas dans la norme » et le montrer sciemment, c’est être finalement dans la norme du selfie (même si c’est pour dénoncer quelque chose). A la limite, ne jamais se montrer physiquement peut devenir une forme de rébellion contre cette injonction du selfie.
    Et mon rapport au corps dans tout ça : complètement normal. Je m’aime bien, je ne fais pas une taille 36, je m’épile, je me maquille les yeux et je ne suis pas la mode. En fait, finalement, on devrait se fiche de tout ça, parce que l’apparence n’est pas importante au fond. Mais on ne s’en fiche jamais, au fond. On aime quand même bien apparaître au yeux des autres sous notre meilleur jour, tout bêtement parce que c’est une fonction anthropologique majeure régissant l’humanité. Est-ce que je suis conditionnée par les magazines, le cinéma, la littérature, etc ? Oui, ben oui, sans doute, et comme tout le monde en fait. Il faudrait vraiment n’avoir jamais eu de contacts avec une image pour se pas être conditionné par les apparences. Mais je décortique ce que je vois, ou lis : c’est pas parce que machin fait une pub cosméto que j’achèterai cette fichue crème. Les ressorts de la pub, je maîtrise, donc je n’achète pas en fonction de la pub.
    En fait, il faudrait supprimer les selfies. Faisons ça. Arrêtons de se regarder le nombril, norme ou pas dans la norme. Je croise une femme qui fait du 52, et je m’en fiche, puisque l’important c’est qu’elle se sente bien dans sa peau, donc, je ne vois pas l’intérêt de la rabaisser. La seule chose que j’ai envie de dire, ce serait plutôt : faites attention à vos articulations des genoux et des chevilles, maintenez-les en forme puisque ce sont elles qui supportent tout le poids du corps, et donc, faites-les travailler de manière à ce qu’elles vous portent jusqu’à 90 ans. Ce qui ne signifie nullement de perdre du poids, mais aussi de s’occuper de l’intérieur du corps, et pas seulement de l’extérieur.

    Bref, tout ça pour dire : norme ou pas, on s’en fiche en fait. Le truc, c’est d’arrêter de se montrer tout le temps tout le temps tout le temps. Est-ce que, en se montrant, les gens accepteront leurs différences ? Pas forcément (ça peut aider, mais ce n’est pas tout). Est-ce le public acceptera leurs différences ? Pas forcément. Vous ne vous épilez plus ? C’est un choix personnel fait en pleine conscience, mais est-ce le monde insta a besoin d’être au courant ? Clairement, non. Le réseau social, s’il est inspirant et créatif, est aussi profondément sclérosant parce que stéréotypé et narcissique. Arrêtons les selfies. Sans selfie, le monde se portera déjà mieux (enfin, c’est à espérer).

    Bon, c’est sans doute très décousu, j’ai suivi le fil de mes pensées. J’ai toujours fait ce que je voulais de mon corps en fait, et même si cela est sans facile pour moi de le faire (blanche, assez mince, taille moyenne, yeux bleus,etc.), je ne ressens que très peu la pression de la société puisque j’estime avoir suffisamment de recul par rapport à cette société. Je sais bien qu’elle ne sert qu’à consommer. Je consomme aussi, mais je choisis consciemment de le faire, pas juste en suivant la pub.

    C’était en tout cas, un très bel article, merci Marie !
    Belle journée
    Alexandrine

    1. Merci d’avoir pris le temps de dérouler ta pensée ! Je ne suis pas d’accord avec tout, mais j’apprécie que tu partages aussi spontanément les réflexions qui te viennent après avoir lu mes billets. :)

  10. Comme souvent, ton article soulève nombre de questions qui entrent en résonance avec mes propres interrogations et ici et là mon vécu… Tes réflexions me confortent dans mon envie de lire les textes de Mona Chollet, merci beaucoup :)

    1. Je t’en prie ! Merci pour ton retour, et d’avance bonne lecture !

  11. Bonjour la lune mauve,

    Je mesure 1m 60 mon mari 1m 96 nous nous sommes rencontré à l’époque dans mon atelier de sculpture .
    Je lui tirée l’épaule jusqu’à moi pour l’embrasse sur la joue ( à l’époque et pendant de longue année) sa bonté, sa douceur, sa gentillesse mon fait l’épouser en 2008.
    Je prend conscience que il n’a jamais été grand pour moi.
    il été juste quelqu’un de bien.
    Ces histoires de taille reste récurrente dans notre vie nos amis, les loisirs, les rencontres, cela m’amuse en faite car il ne regarde d’abord que ce qu’ils voient.
    Alors que moi je les vu lui, pas son apparence et cela change tout.
    Je ne vais pas dire que l’on envie notre union mais moi je sais la chance que j’ai de voir au delà de la façade.
    Méfie toi que si je te vois, vu comment tu élabore, tu comprend un monde plus riche de sa vraie beauté.
    Que je t’attrape l’épaule pour te faire gros bisous.
    A bientôt
    Danielle Zerd

    1. Merci pour cette histoire touchante, Danielle ! À bientôt !

  12. Excellent article, ce livre a été une grande claque pour moi quand je l’ai lu il y a quelques années. Il m’a permis de me rendre compte à quel point nous sommes conditionnées dans nos représentations de la beauté, mais aussi à quel point la « beauté » et sa quête infinie prend une place démesurée, parfois toxique dans nos vies.
    Quand j’étais plus jeune, je me rendais presque « malade » à avaler des photos de femmes parfaites (dans les magazines ou sur Internet), à me comparer aux autres, à essayer de tendre sans arrêt vers cet idéal de beauté impossible qu’on nous vend. Je crois qu’on commence tout juste à prendre conscience à quel point le conditionnement à la beauté peut être dévastateur pour les femmes.
    C’est un long chemin quand on grandit dans une telle société pour s’aimer enfin.

    1. Merci pour ton retour, Caroline ! Cela me fait super plaisir de t’accueillir par ici ! Je te rejoins complètement à propos du temps que prend sa propre déconstruction. On continue sans doute toute sa vie, d’ailleurs.

  13. Vache Enragée

    7 novembre 2018

    Retour un peu « à coté », je préfère prévenir.

    J’aime beaucoup le lien que tu fais sur le rapport à l’identité; m’étant « mise tard » à Internet et aux blogs (en tant que blogueuse) cette période ne fait pas du tout partie de ma culture et du coup ce que tu abordes ne me paraissait pas du tout évident (cad la différence entre le avant : « texte simple », puis « texte/photo »).

    — pause : je cligne 3x deux yeux pour imprimer ta remarque dans ptite tête —

    Tu parles d’isolement pour pouvoir aborder le monde au calme, sans pressions.
    C’est quelque chose que j’ai toujours fait, au point de le penser comme un trait de ma personnalité; pdt longtemps je pensais être la seule concernée par ce type de comportement, jusqu’à me rendre compte récemment de l’inverse. Lire que tu es aussi concernée par ce comportement me réchauffe le coeur (loin de là l’idée de me délecter de tes souffrances :) ).
    Je n’ai pas lu/vu cet hors-série du Monde Des Religions dont tu parles, mais je vais y jeter un oeil.

    Je te conseille également le livre, que je lis actuellement, « la tyrannie de la Réalité » par Momo, elle-même (je me permet le pseudo, on ne la présente plus). Je pensais ce livre très politique (au sens « partis politiques ») et ne me doutait pas un instant de la richesse (comme toujours) des sujets abordés autour de ce mot : « réalité ».
    Difficile de paraphraser Mona Chollet, mais elle parle notamment de cette idée/pensée que l’on peux : s’extraire du monde, comme si on pouvait en être indépendant. Alors que notre non-présence est une présence en soit; une présence en creux, une présence-abscente mais bien là quand même.
    Elle parle aussi de physique quantique (Momo, JE T’AIMMMEUH) où on fait toujours parti d’un ensemble (je n’y connais rien, mais ça fait bien une 10aine d’année que je veux m’y mettre; une bien belle introduction au sujet qu’elle nous en fait).

    Ces idées ne remettent pas en cause le comportement défensif de se mettre en retrait, de se mettre à distance de quelque chose qui nous perturbe/pollue etc. mais parle plutôt de l’illusion que l’on peut avoir à long terme de vivre « à coté de ce monde » pour se préserver.

    Je te fais de gros bisous; je viens de signer mon 4ème post officiel de commentaire en 16ans de vie sur Internet (Youhou!)

    1. Ma chère amie ! Merci pour ton retour, que je n’ai pas trouvé si « à côté » que ça, au contraire.

      Tu parles d’isolement pour pouvoir aborder le monde au calme, sans pressions.
      C’est quelque chose que j’ai toujours fait, au point de le penser comme un trait de ma personnalité; pdt longtemps je pensais être la seule concernée par ce type de comportement, jusqu’à me rendre compte récemment de l’inverse. Lire que tu es aussi concernée par ce comportement me réchauffe le coeur (loin de là l’idée de me délecter de tes souffrances :) ).

      J’aime bien cette solitude vécue individuellement mais appréciée à plusieurs !

      Cela me semble d’autant plus vital à une époque où notre attention est si sollicitée. C’est dans Chez soi que « Momo » parle d’Internet comme « le monde dans son salon », et y’a vraiment quelque chose de très juste dans cette métaphore. Quelque chose de très juste, et de dérangeant.

      Il y a deux ans, quand j’étais en plein ras-le-bol d’Internet et fuite de ma persona professionnelle, je me suis beaucoup interrogée sur cette masse de gens qui me suivaient sans me connaître.

      Alors que les réseaux sociaux valorisent le fait d’être suivi·e en masse, j’ai eu l’impression, du jour au lendemain, voir enfin la vérité en face : tous ces gens sont des spectres, qui hantent ton esprit sans avoir de prise réelle sur ton quotidien. Une sorte de tâche de fond qui peut finir par t’obséder. Pire, lorsque tu parles à d’autres personnes de cette obsession, on te regarde de travers, en mode « tu as vraiment pété les plombs ». Pourtant, c’est à la fois réel et irréel.

      Aujourd’hui, je réfléchis beaucoup à ce que l’on peut faire, en tant qu’individuE, pour s’extraire d’une persona numérique qui a fini par devenir trop envahissante. Comment recréer et entretenir un nouveau jardin secret ? Il me semble (comme toujours) que le secret n’est précisément pas la quantité de personnes qui nous suivent, mais bien leurs qualités.

      Or, en bonne misanthrope, je ne pense pas que la foule soit positive ni qualitative. Le fait que des milliers de gens suivent quelqu’un ne veut rien dire. Intéresser (et vendre) en masse c’est une conception libérale.

      Moi, ce qui m’intéresse, ce sont justement les petits comités, les coulisses, les jardins secrets, les « tours d’y voir ». Je trouve cela beaucoup plus sincère et beaucoup moins anxiogène. Nul·le ne peut gérer autant d’interactions à la fois, de toute façon (comme il n’est pas possible d’avoir des milliers d’ami·es).

      Il y a quelque chose d’éminemment rassurant pour moi dans le fait d’avoir réussi ce greffon numérique, loin de ma persona professionnelle. Leave me alone but let’s share a cup of tea sometimes.

      Enfin, je te remercie pour ta présentation courte mais extrêmement précise de La Tyrannie de la réalité. C’est le prochain Momo sur ma liste !

      Toujours un immense plaisir de partager une tasse de thé avec toi. J’espère que tout va bien dans tes contrées nordiques !

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