Depuis janvier, je travaille sur un gros projet qui me fait rêver depuis des années.
Le revers de la médaille, c’est que, comme tous les gros projets, cela nécessite une énergie et un temps monstrueux.
C’est la raison principale pour laquelle je me fais plus discrète sur le Net depuis quelques mois, et que cela va se poursuivre pendant une durée indéterminée. Cela ne doit pas vous inquiéter outre mesure.
Ce petit vieux blog est le seul endroit que je vais continuer à mettre à jour pendant ce temps, mais je vais délaisser les réseaux sociaux pour l’instant.
Dans ce billet, je vais me concentrer sur le cas d’Instagram, qui me bouffe une énergie folle pour un résultat proche du zéro.
Avertissement : ce billet va rafraîchir l’ambiance, mais il ne vise personne en particulier !
Je critique notre dépendance collective à ce type d’outils, pas nos préférences et usages individuels.
Cela étant dit, ça me semble important de prendre quelques minutes pour nous interroger sur notre propre relation aux réseaux sociaux – en particulier si on a l’impression de ne pas pouvoir s’en passer –, même si j’ai conscience que cela puisse provoquer de l’inconfort.
Note : j’en profite pour publier des photos récentes prises lors d’escapades en Bretagne, bien sûr, mais aussi en Alsace, dans le Cher et dans l’Yonne. Beaucoup de trésors nous entourent, et il est inutile de voyager loin pour les voir !

Statue d’une chouette posée sur un crâne, à Bléneau (Yonne)

Îlot de Er Lannic (« la petite lande » en breton), au large d’Arzon (Morbihan). Er Lannic abrite deux cromlech, dont l’un est désormais immergé.

Statue de Sainte Odile, sainte patronne de l’Alsace, ainsi que, dit-on, des personnes aveugles et malvoyantes. Musée alsacien (Strasbourg, Bas-Rhin)
Ras-le-bol d’Instagram (ou simple lucidité à son sujet)
Alors voilà : j’ai atteint un point de non-retour avec Instagram, seul réseau social où j’étais encore active depuis le rachat désastreux de Twitter par Elon Musk et la rapide déliquescence que cela a engendrée (certes, le niveau initial n’était pas très haut, mais quand même).
Fin 2022, je me suis rendu compte que je recommençais à gâcher une à deux heures par jour à « doom scroller » sur Instagram.
Je me sentais mal de ne rien faire d’autre, comme si j’étais vidée de toute inspiration et attention à force de lire les publications d’autrui — publications pas toujours mémorables par ailleurs.
J’ai alors retrouvé la désagréable sensation de « vivre sur Internet », d’y consacrer (d’y sacrifier) une énergie précieuse, tout en culpabilisant de ne pas y publier assez, mais aussi en me plaignant ne pas avoir le temps de me plonger dans mes projets de recherches, d’écriture et de dessin. 🤯
Cramer chaque jour plusieurs heures (et de précieux neurones) sur Instagram n’est pas maintenable pour moi, en tout cas pas avec mes objectifs créatifs et le temps libre que j’ai à leur consacrer.
Le Tentateur et la Vierge folle, cathédrale de Strasbourg (Bas-Rhin)
Incroyables racines d’un chêne croisé à Auray (Morbihan)
Bulles hermétiques
Je sais bien que les réseaux sociaux sont un levier important pour faire connaître son travail et toucher des personnes partageant les mêmes centres d’intérêt que nous. Cela a un côté rassurant.
Mais ce fonctionnement en bulles hermétiques a fini par me frustrer. Je ne trouve plus beaucoup d’intérêt à voir passer, encore et toujours, le même type de lectures, de modes de vie, d’influences, de discours, de looks, de figures influentes, etc.
Tout ce qui ne rentre pas dans ces bulles fermées peut cordialement aller se faire voir, et n’a aucune chance d’être partagé, ni donc d’être remarqué. D’où l’impression croissante de tourner en rond.

Soirée panoramique à Larmor-Baden
Revoir ses priorités
Nous sommes beaucoup à ressentir qu’un truc cloche avec les réseaux sociaux, et avec Instagram en particulier : notre meilleur intérêt ne s’y trouve pas forcément, mais, vu que notre bulle s’y trouve, nous y restons.
J’ai moi-même pleuré de rage après avoir cru perdre l’accès à mon compte Instagram ou Twitter, comme si tout un pan de ma vie allait soudain s’effondrer. Et peut-être que cela aurait été le cas, vu le temps que j’ai déjà passé en tout sur ces plateformes.
Mais je trouve incroyablement pathétique le fait d’en arriver à un tel niveau de dépendance numérique, et j’en veux beaucoup aux outils qui le provoquent.
Le temps et l’énergie sont nos ressources les plus précieuses ; aussi est-il important de faire régulièrement du tri dans les tâches qui ne nous apportent rien, afin de se libérer d’un poids.

Fiers hortensias bretons

Dolmen de Kermario, Carnac (Morbihan)

Détail d’une statue de la Vierge surplombant un serpent, conservée à la chapelle de Kermaria (Nostang, Morbihan)
Je déteste le fonctionnement d’Instagram
Voici donc, par le menu, tout ce que je déteste dans Instagram, histoire de me libérer de l’envie d’en reparler tous les quatre matins dans des stories verbeuses que personne ne souhaite lire.
L’injonction à consommer
Instagram ne nous montre que des choses susceptibles de toucher nos points sensibles, afin de nous bercer et à nous endormir pour nous pousser à consommer toujours plus.
Beaucoup de contenus sur Insta tournent autour de la vente, de l’achat et, par déduction, de l’argent que cela nécessite, y compris au sein les sphères estampillées « indépendantes » et « alternatives ».
Vendre me semble parfois être le principal moteur de nombreux comptes que je suis. Et quand les comptes ayant un fonds de commerce bien établi publient soudain un contenu plus personnel afin de « créer du lien », l’hypocrisie de la manœuvre ajoute à ma détestation de l’ensemble.
L’algorithme daubé
Instagram ne nous montre pas les publications des comptes que nous suivons, il nous montre des contenus publicitaires.
Son algorithme choisit pour nous les contenus que nous voyons, il ne tient pas compte de nos choix. Par exemple, si je masque le contenu d’un compte auquel je suis abonnée, Instagram finira quand même par me le montrer à nouveau, alors qu’il y a des centaines d’autres comptes que je suis et que je souhaiterais voir en priorité, mais qu’Instagram ne me montre jamais. 🤌
De même, Instagram ne montre mes propres contenus qu’à une toute petite fraction des personnes qui me suivent. Tout ça dans un contexte où l’espérance de vie d’une publication là-bas est en plus extrêmement courte.
Zéro multiplié par zéro, ça fait toujours zéro. Alors pourquoi continuer à publier quoi que ce soit sur Instagram ? Autant investir le temps et l’énergie que ça prend dans autre chose.
Le reach claqué au sol
Le fonctionnement d’Instagram ne m’aide pas à faire connaître mon travail.
Là où, en 2022, chacune de mes stories pouvait toucher jusqu’à 750 personnes sur 2000 environ, aujourd’hui elles en atteignent à peine 200. La portée de mes publications (« reach » en anglais) est donc passé de 38 % à 10 % des personnes abonnées à mon compte. C’est ni plus ni moins que du foutage de gueule.
J’ai bien compris que pour améliorer ce pourcentage, il faudrait que je fasse la mariolle dans des reels (des « vidéos courtes et divertissantes » selon la plateforme) quasiment tous les jours, mais je n’ai ni le temps ni l’envie de le faire.
Moi, les reels, je les déteste, même en tant que spectatrice : je préférais Instagram quand ce n’était que de l’image, et pas un Tik Tok suédé, et quand on voyait dans son flux les images des comptes que l’on suivait, pas que de la pub.
Au fil de mes échanges avec les personnes qui lisent mon blog, j’ai réalisé qu’il y a de plus en plus de gens qui n’utilisent plus, ou beaucoup moins, les réseaux sociaux. Tout ce que je partage sur Instagram a donc une portée d’autant plus limitée si je n’en parle pas aussi sur mon blog.
Tout ceci est une énième démonstration des bienfaits du POSSE : Publish (on your) Own Site, Syndicate Elsewhere, que l’on peut traduire par « publiez (sur) votre propre site, syndiquez le contenu ailleurs ». (Si ces thématiques vous intéressent, je vous renvoie à mon billet 20 ans de blog : ce que grandir sur Internet m’a apporté.)
L’opportunisme
On ne peut percer sur Instagram que si des comptes très suivis partagent nos publications, encore et encore.
Pour avoir une chance que cela se produise, il faut coller à une certaine esthétique pour trouver grâce à leurs yeux : cela génère beaucoup de conformisme, tant d’un point de vue visuel que des discours.
Cela peut pousser à entretenir des relations dans l’espoir d’obtenir un partage et, donc, de promouvoir et de vendre quelque chose ; mais cela renforce aussi l’élitisme et la hiérarchisation des gens par rapport à leur nombre de followers.
Or, les comptes les plus suivis ne sont pas toujours les plus intéressants ; leur atout, c’est de posséder une aura médiagénique, souvent très travaillée, qui plaît parce qu’elle correspond aux canons en vigueur (conformisme, à nouveau).
L’utilisabilité de merde
Il est difficile de retrouver quelque chose sur Instagram. C’est à nous de devoir créer nous-mêmes des dossiers d’images (« enregistrements ») qui se multiplient.
On se retrouve aussi à faire une tonne de captures d’écran qui s’entassent dans nos téléphones et dont on ne fait rien, tout ça parce qu’Instagram est infoutu de fournir un moteur de recherche digne de ce nom.
Garder une trace de ce qui nous émeut et nous inspire sur ce réseau social censé être conçu pour a fini par devenir une véritable charge mentale à part entière.
Ah et ne me lancez pas sur l’inaccessibilité de l’appli et du site web d’Instagram, sinon on en a pour des heures…
La censure
Instagram censure de nombreux contenus féministes et queers, les punit avec du « shadow banning », modère les contenus avec une objectivité à géométrie variable, etc.
Certes, ce n’est pas la seule plateforme à le faire, mais j’ai le sentiment d’encourager ce système en continuant à utiliser Instagram, quand je n’en suis pas victime moi-même.

Créature ailée à tête de poupée en céramique, accrochée sur un mur recouvert de mosaïques faisant partie de l’installation d’art brut, dit « la cathédrale », créé par Jean Linard (Neuvy-Deux-Clochers, Cher)

Entrée du cairn de Gavrinis (Morbihan)

Accumulation d’objets dévots, de morceaux de bois et de chaussures recouvertes par la végétation visibles au Bé-er-Sant, le tombeau du saint, dans la forêt de Camors (Morbihan)
Je déteste l’impact d’Instagram et des réseaux sociaux sur ma relation avec autrui
L’effet « bulle »
Sur Instagram, il y a une communauté qui n’interagit pas forcément avec la communauté présente sur Twitter, ni avec celle présente sur Mastodon, etc.
Notre socialisation numérique est restreinte à des sites et à des applications qui peuvent disparaître demain.
L’algorithme d’Instagram exacerbe cette bulle en détectant tout ce qu’on aime et ce à quoi on réagit, nous empêchant de découvrir autre chose. Nous fréquentons des gens comme nous, qui s’intéressent aux mêmes choses que nous, parce qu’Instagram encourage cette paresse intellectuelle et ce que je perçois, moi, comme un manque de curiosité.
La violence
Bloquer, masquer, empêcher quelqu’un de voir nos publications, compartimenter les commentaires et les messages privés, c’est parfois le courage qui nous manque de dire honnêtement les choses, mais cela dit surtout le harcèlement et les violences susceptibles de cibler toute personne qui n’est pas un homme blanc cisgenre, hétérosexuel et valide.
La modération de ces abus sur les réseaux sociaux est au mieux lente, au pire quasiment inexistante. Quelles réparations pour les victimes ?
Les relations parasociales, la superficialité des échanges et l’asymétrie de l’engagement amical
(Cette partie aurait sans doute mérité un billet dédié, mais vu que ça fait deux ans que j’y pense sans l’écrire, il faudra se contenter de ceci pour l’instant.)
Une fois l’excitation de la découverte d’un nouveau compte passée, la relation s’épuise vite, car il n’y a souvent pas le même investissement de part et d’autre (une personne fournit souvent plus de travail émotionnel que l’autre, ce qui entraîne des déceptions).
Instagram est conçu pour favoriser les réactions courtes et immédiates. On peut se contenter de réagir à un message en double-cliquant dessus, pour qu’un cœur soit rattaché au message : façon de dire « ok, vu », mais en détournant l’attention du « je ne me suis même pas donné la peine de formuler ma pensée avec une phrase ». (Et encore, le petit cœur, c’est quand on a de la chance : la plupart des gens n’interagissent pas du tout.)
Pour ma part, je me suis toujours efforcée de répondre de vrais messages aux personnes qui interagissent avec mes contenus, ne serait-ce qu’au moyen d’un de ces fameux « cœurs » sans message. Je passe donc dix fois plus de temps à répondre et à tenter de créer un dialogue, que la personne qui a mis deux secondes pour réagir à ce que j’ai posté.
Quand c’est moi qui réagis à un contenu, par commentaire ou par message privé, huit fois sur dix je ne reçois aucune réponse de la personne qui a publié le dit contenu : elle se contente en général de double-cliquer sur mon message pour poser un cœur « ok, vu ». Si mon message est particulièrement long, je reçois tout au plus un « Merci beaucoup ! », et c’est tout.
Je m’investis beaucoup, car je ne sais pas faire autrement, et je suis constamment déçue qu’autrui ne s’investisse pas autant que moi. Je finis par croire que les autres n’ont pas aussi à cœur que moi le fait de créer des amitiés, que les relations qui naissent sur Instagram ne peuvent qu’être strictement utilitaires, condamnées à être éphémères.
Et quand tu disparais d’Insta, et que tu cesses d’amuser la galerie, c’est comme si tu n’existais plus. Quelqu’un remarque-t-il seulement quand nous disparaissons d’Internet ? (Question rhétorique, évidemment.)
La désincarnation de l’amitié
Des pseudonymes interchangeables, versus parler de vive voix, face à face.
Tout ne passe pas bien à l’écrit. Les micro-expressions et la communication non verbale me manquent.
Ne pas savoir comment soutenir les personnes qui expriment un profond mal-être dans leurs publications : envoyer un cœur ou un petit message semble bien nul. Les réseaux sociaux sont-ils l’endroit pour partager de si grandes souffrances et y répondre de manière adaptée ?
La marchandisation de l’amitié
N’avoir des nouvelles de certain·es ami·es que par l’intermédiaire de leurs publications payantes.
Autrement dit : devoir payer pour avoir des nouvelles de certaines personnes.
Voilà. Rien de plus à ajouter.

Chapelle de Kermaria, Nostang (Morbihan)

Diable et autres créatures visibles près du tympan de la cathédrale de Vannes (Morbihan)

Hortensias bleus à quelques pas de la Vénus de Quinipily. Hélas, l’accès à la Vénus était fermé ce jour-là. Une prochaine fois !
Je déteste l’impact qu’a Instagram sur nous-mêmes
L’ego
Prouver qu’on existe, ne pas se laisser oublier. L’irrésistible besoin de se sentir vu·e, lu·e, sans quoi on peut se sentir exclu·e, minable.
Poster même quand on n’a rien à dire et rien à montrer ; se précipiter pour publier un dessin bâclé en 10 minutes, en ajoutant une description de deux lignes, pour s’assurer de ne pas être oublié·e, parce qu’on ne supporte pas l’idée que le monde puisse se passer de nous (lol).
Le fait de culpabiliser quand on ne publie rien pendant longtemps, comme si on manquait à un certain devoir.
La nocivité de ces outils sur notre mental et nos repères, quand même…
La grossophobie
Pour terminer cette liste de la honte, il faut que l’on parle des « avant-après régime » publiés sur Instagram, en particulier quand ils sont publiés par des femmes cishet blanches, qui selon moi ne font qu’étaler un conformisme docile à la face du monde.
Pourquoi ne voit-on jamais de photo avant-après quand quelqu’un a pris du poids et se sent mieux ainsi ? Pourquoi les photos de personnes grosses qui vivent leur meilleure vie sont-elles invisibilisées ?
Dans une société grossophobe, ne pas être mince, c’est avoir moins le droit de montrer son corps et d’en ressentir de la fierté.
Le goût, ce n’est pas quelque chose de neutre, il est façonné par les normes de la société.
Nos désirs sont politiques, et nous sommes le produit de la société dans laquelle on grandit, une société profondément validiste et grossophobe. Le désir se déconstruit, comme plein de choses.

Intriguant visage en bois vannetais

Roche brisée par la mer et bordant Gavrinis

Rose marbrée « Candy Stripe » (Le Bono, Morbihan)
Quelle solution pour rester en contact en dehors des réseaux sociaux ?
J’ai beau râler, je reste sur Instagram pour quatre raisons :
- j’y puise de l’inspiration ;
- j’y trouve du soutien et des encouragements ;
- j’y suis des artistes et artisan·es dont le travail m’intéresse sincèrement, et avec qui je veux garder contact. Or, vu qu’elles n’ont en général pas de blog (ou ne le mettent plus à jour), rester sur Instagram est souvent la seule solution ;
- j’y donne aussi des nouvelles à des proches.
C’est pourquoi la perspective de supprimer mon compte Instagram représente encore une marche trop haute à franchir.
Cependant, Instagram me pose dorénavant trop de problèmes pour que je continue à l’utiliser comme si de rien n’était.
Je n’oublie pas non plus que viendra un jour où Instagram n’existera plus, deviendra payant, ou sera racheté par un milliardaire fasciste. Souhaitons-nous vraiment attendre ce jour-là passivement, en croisant les doigts très fort pour qu’il n’arrive jamais ?
Ne nous laissons pas surprendre ; il est crucial que nous puissions rester en contact en dehors des réseaux sociaux.
Certaines personnes se sont déjà rabattues sur Patreon, qui propose un modèle payant intéressant, mais qui exclut les travailleureuses du sexe.
De mon côté, je ne tire pour l’instant aucun revenu de mon activité artistique, aussi mon blog me convient pour prendre de la distance vis-à-vis des réseaux sociaux sans couper complètement le lien qui me rattache à vous.
Avoir un blog personnel garantit une liberté éditoriale, une pérennité et une utilisabilité qu’Instagram n’est pas en mesure d’offrir.
Visages et pièces en céramique créées par Jean Linard, visible sur un des murs de sa célèbre maison à Neuvy-Deux-Clochers (Cher)
Statue du Christ et chaussures accrochées sur un morceau de bois, Bé-er-Sant (Camors, Morbihan)
Pouvoir s’abonner aux blogs
En tant qu’artiste, illustratrice, écrivaine, j’ai un intérêt objectif et mesurable à délaisser Instagram pour valoriser et faire connaître mes créations.
Je vous parlais du reach claqué au sol tout à l’heure. En voici une autre facette : vous êtes aujourd’hui 455 à suivre mon blog grâce à ma newsletter, soit 130 % de plus que les personnes qui voient mes stories Instagram.
Cela représente une augmentation de 6 % depuis mon dernier billet, c’est-à-dire 26 personnes qui ont rejoint l’Antichambre alors que je n’avais rien publié depuis trois mois !
Si une proportion de ce chiffre provient d’Instagram malgré tout – j’y publie de temps en temps une story à propos de l’Antichambre –, ce n’est que la minorité. La plupart des personnes qui s’abonnent à mon blog le font spontanément, grâce aux rappels déjà présents dans mes billets.
En tant que lectrice de blogs moi-même, si les personnes que j’aime suivre mettaient à disposition une méthode pour s’abonner à leur travail par e-mail et/ou avec RSS, je pourrais rester informée de leurs activités, tout en me libérant de l’obligation de rester sur Instagram pour les y suivre.
L’e-mail, cet outil disruptif
C’est pourquoi, si vous avez un blog ou un site, je vous encourage vivement à mettre en place un moyen pour autrui de s’y abonner, comme un flux RSS et/ou une newsletter.
La bonne nouvelle, c’est que les flux RSS sont activés par défaut sur les blogs WordPress. Toutefois, d’autres plateformes de blog font les pénibles en n’en proposant pas automatiquement. Cela nécessite donc de le mettre en place soi-même.
L’autre souci, c’est que RSS reste assez peu utilisé, à part par des nerds comme moi.
C’est pourquoi proposer aussi un abonnement par e-mail reste à mon avis le meilleur outil pour permettre à un plus grand nombre de personnes de s’abonner à votre blog et de suivre vos aventures dans le temps.
L’e-mail est un outil universel qui permet de rester en contact avec votre communauté, même si votre compte Instagram disparaît un jour, même si vous perdez votre nom de domaine parce que vous n’avez pas pensé à noter la date de renouvellement, même si vous supprimez votre blog plusieurs mois avant d’en lancer un nouveau, etc.
(C’est d’ailleurs un point que j’ai abordé avec Lucie à l’occasion de la réouverture de son blog, allez y faire un tour !)
À noter aussi que certains outils, comme Substack ou MailChimp, permettent de faire les deux : envoyer des e-mails et générer un flux RSS de ces e-mails.

Énigmatique visage de pierre, Questembert (Morbihan)

Chêne centenaire au pied duquel s’étend le Bé-er-Sant

Chapiteau en bois sculpté, Auxerre (Yonne)
Me concernant, savoir que vous êtes plusieurs centaines à suivre mon blog par e-mail et/ou par RSS m’aide à me sentir plus libre de quitter Instagram et Twitter, sans avoir l’impression de réduire à néant la portée de ce que j’ai créé jusque-là.
Obtenir de nouveaux et nouvelles abonnées est essentiel pour la survie d’un blog. Il est illusoire de croire que les gens reviendront spontanément lire nos blogs sans s’y être abonnés avec RSS ou par e-mail — ou alors de manière très ponctuelle par l’entremise des moteurs de recherche (encore faut-il y être bien référencé, ce qui est encore un autre problème !).
Une meilleure utilisabilité
Un e-mail est aussi plus facile à retrouver qu’une story, un post, un tweet, ou même une URL elle-même : on peut créer des filtres ou des règles dans sa boîte de réception afin d’identifier les notifications e-mail issues de tel ou tel blog, et de les retrouver quand on sera en capacité d’aller lire les articles concernés.
Ça retire la pression de devoir cliquer, lire et réagir tout de suite.
Tout ça, ce sont des choses qui sont ressorties de la dizaine d’entretiens que j’ai faits avec plusieurs lecteurices de mon blog l’année dernière : j’avais été agréablement surprise de voir l’importance, dans leurs usages, de ma newsletter, qui leur permet donc de suivre mon blog à leur rythme ; mais j’avais aussi été intéressée par la façon dont elles gèrent leur boîte de réception et les e-mails lunemauviens qu’elle reçoivent (filtres, étiquettes, durée de conservation, etc.).
If centenaire, cimetière de Questembert (Morbihan)
Sublimes statues ornant la cathédrale de Strasbourg
Quitte à toucher très peu de monde, autant toucher un tout petit monde vraiment intéressé et investi, plus susceptible d’interagir avec nos créations, de les soutenir et de les partager.
Certes, l’e-mail est moins écologique qu’un agrégateur RSS, puisqu’un e-mail reste stocké sur autant de serveurs, jusqu’à ce que les personnes qui l’ont reçu décident de le supprimer. Mais tout le monde n’utilise pas RSS, et il faut bien s’adapter aux usages en proposant plusieurs solutions, afin que tout le monde y trouve son compte.
Même s’il est impossible de quantifier avec exactitude le nombre de personnes abonnées à mon blog avec RSS, de par la variété des agrégateurs RSS qui existent, j’estime au doigt mouillé qu’il y a plus de personnes abonnées à mon blog par e-mail aujourd’hui qu’avec RSS.
Libres de ne pas tout partager
Pour résumer, nous avons intérêt à viser moins grand, moins vite, mais mieux.
À réinvestir un temps plus long, et à rejeter les gratifications immédiates (et souvent stériles) en faveur d’une évolution maîtrisée, soutenable et pérenne.
J’ai consacré du temps à écrire ce billet aux dépens d’autres projets plus épanouissants, parce que j’avais besoin de poser toutes ces réflexions par écrit pour deux raisons :
- vous expliquer mon relatif silence ;
- avoir votre avis sur tout ça : votre relation aux réseaux sociaux en général et à Instagram en particulier, mais aussi vos usages, en tant que créateurices et auteurices de « contenus », mais aussi en tant que lecteurices.
Néanmoins, j’ai conscience que c’est encore du temps passé à nous préoccuper d’Instagram, et donc à nous dévier d’activités plus intéressantes, comme, dans mon cas : CRÉER, ÉCRIRE, lire, jardiner, discuter de vive voix, préparer mon prochain voyage, manger du clafoutis, etc.
Pendant que je perds mon temps sur Instagram à préparer des contenus que personne ou presque ne lit parce que l’algorithme a décidé que ce n’était pas « bancable », mes projets au long cours n’avancent pas.
Or, ces projets sont bien plus solides et pertinents que des contenus impossibles à retrouver sur des applis propriétaires, qui nous obligent à nous connecter pour pouvoir les consulter, en plus de surveiller ce que nous y consultons afin de nous harceler avec toujours plus de publicités ciblées pour des produits globalement inutiles.

Suis-je en train de développer une passion pour les rosiers ? Absolument.

Statue de Sibylle, cathédrale d’Auxerre

Chapelle catholique du Musée alsacien, Strasbourg
Déjouer la Résistance
Dans son livre Do the work – qui contient quelques bonnes punchlines, mais aussi, je tiens à le préciser, beaucoup de bêtises new age, grossophobes et misogynes –, Steven Pressfield parle d’une force qui s’oppose en permanence à nos projets et aux rêves que nous caressons depuis des années : il l’appelle « la Résistance ».
À mes yeux, les réseaux sociaux incarnent la Résistance qui tue dans l’œuf des projets formidables que nous n’avons même pas l’occasion de commencer à mettre en œuvre parce que nous perdons volontairement notre temps à y scroller sans fin.
En réalité, ces projets n’attendent que nous. Nous pouvons très simplement décider qu’à partir d’aujourd’hui, nous allons vivre nos vies de façon libre, sans que chaque instant mémorable que nous avons la chance de vivre soit interrompu par cette irrépressible et pathétique pulsion de le partager sur le champ afin de nous sentir vu·es et validé·es.
Si l’univers complote pour nous détourner de nos objectifs créatifs, et que les réseaux sociaux sont leurs bras armés, nous pouvons déjouer ce piège : cela commence la décision d’observer nos propres usages et de faire le tri dans ceux qui nous limitent et nuisent à nos relations, à notre amour propre et à nos projets créatifs.
Une question de priorités
En relisant l’ultime billet d’Aleks, je me suis rappelé que ce n’est pas parce que je blogue depuis plus de 20 ans et que j’ai été jadis très active sur les réseaux sociaux, que j’ai l’obligation « ad vitam » de révéler et de partager sur Internet tout ce qui compose ma vie ; à plus forte raison si cela me détourne de ce qui me semble si juste et si pertinent que j’accepte avec enthousiasme et humilité la perspective de devoir y consacrer plusieurs années s’il le faut.

Bois sculpté sur une maison à pan de bois alsacienne

Cane et ses canetons croisés dans le dédale de la Petite France (Französel), à Strasbourg

Statue au visage grimaçant (cathédrale d’Auxerre)
Je termine avec une citation de Neil Gaiman à laquelle je repense souvent :
There was a day when I looked up and realised that I had become someone who professionally replied to email, and who wrote as a hobby.
I started answering fewer emails, and was relieved to find I was writing much more.
Je traduis :
Un jour, j’ai levé le nez et j’ai réalisé que j’étais devenu quelqu’un dont le métier est de répondre aux e-mails, et qui n’écrit que sur son temps libre.
J’ai alors commencé à répondre à de moins en moins d’e-mails, et ai été soulagé de me rendre compte que j’écrivais bien plus.
L’incroyable chapelle peinte de Kermaria, à Nostang
Détail de l’horloge astronomique de Strasbourg
Célèbre Christ à cheval (fin du 11e siècle), visible dans la crypte de la cathédrale d’Auxerre. C’est une œuvre unique dans l’art du Moyen Âge.
Lion sculpté sur la colonne en bois d’une maison de Vannes
PS : je ralentis aussi le rythme de publication de mes playlists, car, même chose, cela demande beaucoup de temps pour très peu de retours. Mais je ne les abandonne pas complètement, et continuerai à en publier de temps en temps, à un rythme plus soutenable pour moi.
Pour rappel, j’ai déjà publié 19 playlists : comme chacune dure environ 3 h 30, cela vous fait donc près de 70 heures de musiques sombres et mélancoliques à écouter ou à réécouter. Retrouvez toutes mes playlists sur mon profil Spotify.
PPS : si vous avez besoin de m’écrire en privé, envoyez-moi un e-mail plutôt qu’un message privé, si possible. Je lirai aussi vos commentaires à la suite de ce billet avec plaisir. À bientôt !
Mealin
5 juillet 2023
Oh comme je comprends ces sensations, pour ne pas dire cette lutte, que tu décris… Toutes ces injonctions paradoxales, ces envies « pures » d’utiliser des outils pour n’en tirer que du bon qui se heurtent à la réalité bien moins idéale.
Puisque tu sollicites nos avis. Cela ne te surprendra peut-être pas mais si les pépites présentes sur instagram m’ont vite attirées, j’ai aussi très vite sentie que cela serait un poison pour mon temps libre et choisie de ne pas y être pendant de nombreuses années. Cela n’est que parce que j’ai découvert que certains musées pour lesquels je bossais y mettaient des infos importantes avant même de nous les communiquer que j’y suis retourner limite contraint et forcé et en activant très vite le compteur de temps passé.
J’aimerai avoir la même discipline avec Twitter (surtout) et Facebook, mais je m’y sens prisonnier de sources d’informations (groupes pros/actualité que je ne retrouve pas ailleurs) dont je ne me sens pas prêt à me passer et pas consommateur pour le plaisir.
Je te rejoins sur POSSE. Ayant fais le choix de ne pas trop m’investir dans le « succès » de mon site je crois que je ne suis peut-être pas aussi touché par cette rentabilité mais m’étant mis en tête d’avoir la maîtrise la plus grande possible (0 pub, limiter les cookies etc sur lequel j’ai encore travaillé récemment) et donc le choix de payer un hébergeur et ndd il m’arrive souvent de me demander si cela en vaut le coût financier.
Si cette pseudo ethique que j’aime à rapprocher de la notion de netiquette n’est pas ridicule vu le nombre limité de vues… enfin aux dernières nouvelles vue que j’ai passé l’étape de faire sauter mes outils de stats justement !
Désolé ça part un peu dans tous les sens (comme ma vie ces derniers temps ^^) et je n’ai pas de clichés, toujours appétissants et curieux, comme toi pour alléger le propos.
PS : je me rends compte que je n’avais pas répondu à ton mail, mais je t’en remercie et la conférence citée était très intéressante.
Marie ☽
4 août 2023
Hello Mealin ! Merci de continuer à partager tes expériences et réflexions avec moi, c’est agréable d’avoir encore des compagnes et compagnons de route pour arpenter Blogland. Je n’ai moi-même pas encore le cran de me passer complètement des statistiques, toutefois cela fait quelques années maintenant que j’ai définitivement supprimé Google Analytics.
Mais je crois que ce qui m’intrigue le plus dans ton message, c’est ce passage :
Leur valeur par rapport à quoi ? J’espère que c’est par rapport au plaisir que tu prends à bloguer et à garder une trace de tes centres d’intérêt, et pas par rapport au volume – réel ou supposé, désormais – des personnes qui lisent ton blog.
Cela m’interpelle, car c’est quelque chose que j’entends/lis souvent, et pense souvent moi-même. Je crois que, plus encore que les [rares, mais savoureux] échanges auxquels donnent lieu mon blog et mes partages sporadiques sur les quelques réseaux sociaux que je daigne encore utiliser, ce qui m’enchante et me donne envie de continuer, c’est vraiment le fait de faire des recherches, d’y réfléchir, d’écrire ce que j’en retiens/ce que j’en pense, de préparer un corpus, de mettre en page, et aussi de feuilleter les billets passés, comme un album photo de passions désuètes.
Après, oui, si on se pose 5 minutes pour réfléchir à la « valeur » des blogs, difficile de dire que c’est quelque chose d’indispensable à la survie de l’humanité – mais comme beaucoup de loisirs et d’objets culturels, au fond. Quel qu’en soit le contenu, cela reste quand même une forme de création, et rien que pour cela, cela a déjà un mérite intrinsèque.
Mealin
4 août 2023
Valeur bien compliquée à définir et estimer en effet.
Les périodes comme actuellement, où cela fait plus d’un an que je n’ai rien publié et ni reçu de commentaire, me laissent penser que cela n’est plus important pour personne… Je me dis alors parfois que je ferai mieux de donner cet argent à une asso et de transférer sur un hébergement gratuit/proprio/avec publicités. Les rares personnes qui tombent sur mon coin de web n’en serait probablement pas fondamentalement chagrinée, idem si tout cela disparaissait.
Je pense que ce que t’as apporté la lune mauve (/ton investissement perso et créatif aussi) est infiniment plus grand que de mon côté.
Le côté moins personnel, moins carnet de vie, me fait me sentir quelque part d’autant plus coupable (le mot est fort je sais) parce que cela ne me donne pas cette excuse pour le conserver. Est-ce vraiment si utile ?
Quand je vois les articles incroyables de Ligne de science sur WordPress[dot]com, pour ne citer qu’elle : je me fiche complètement du ndd ou des quelques petites pubs tant la qualité est là. J’ai l’impression de faire l’inverse : un bel emballage couteux pour bien peu. Le côté Don Quichotte à la manque… Avec de grandes idées pour des choses dont 99% des gens se fichent mais que moralement je trouve cruciales : je pense par exemple très fort à ces foutus sous-titre fait patiemment pour une vidéo réalisée par mes soins (nombre de vues très faibles) qu’un musée national ne s’est pas donner la peine de mettre en ligne malgré une relance et qui me restent toujours au travers de la gorge.
PS : :p oui le moral est pas fou ces derniers temps, mais j’ose espérer que ça n’invalide pas complètement la réponse.
Marie ☽
17 septembre 2023
Que nenni, je suis à 100 % pour râler et vider son sac ! Je comprends tes déceptions, maintenant je trouve ça sain de prendre du recul de temps en temps sur l’utilité de ce que l’on fait (tout en sachant qu’on est soi-même souvent mauvais juge en la matière, en particulier quand on n’a pas le moral).
Dans le cas de mon blog, il m’est aussi difficile d’estimer à quel point il est utile ; c’est rarement sur le moment que j’obtiens le si estimé feedback, mais souvent bien après. Cas courant : quelqu’un qui, même des années plus tard, qui me dit au détour d’un message privé qu’elle a enfin visité tel endroit qu’elle avait découvert sur mon blog, et qu’elle a adoré son voyage.
Mais au-delà de ces « preuves » déclaratives d’utilité, c’est difficile de quanitifer l’intérêt ou l’utilité d’un contenu culturel ou artistique. On ne peut pas s’appuyer que sur ce qu’autrui nous dit (ou ne nous dit pas) à propos de nos productions pour évaluer l’utilité de notre travail, et en même temps, il est difficile de faire complètement chevalier seul ou chevalière seule, au risque de fonctionner en circuit fermé et de finir par manquer de perspective.
Peut-être que le blog ne te convient plus comme format ? Toi qui es curieux et polyvalent, as-tu déjà envisagé d’éditer un podcast, ou bien des vidéos que tu diffuserais sur une chaîne YouTube et pourrais promouvoir sur les réseaux sociaux ? Cela aiderait sans doute à faire connaître davantage tes recherches et publications.
MC
5 juillet 2023
Merci pour ce billet coup-de-poing. Je partage profondément ton agacement, ta colère, ton désespoir. J’ai parfois l’impression que nous nous sommes fait·es enfermer dans une prison dorée. Il n’y a pas une seule startup issue de la Silicon Valley ou du genre qui n’ait pas suivi le même parcours : on lance un service gratuit qui a l’air sympa et offre une plateforme pour tisser (ou poursuivre) des liens avec d’autres humain·es, puis on lui applique l’enshittification progressivement à travers la recherche d’un modèle économique pourri, dans 99,999% la pub et la revente de données. Le vide stratégique des startups me fout un vertige infini.
Derrière, il y a nous, pauvres utilisateurices, qui avions cru qu’on pourrait se sentir faire partie d’un tout plus grand que nous, parler à nos ami·es, rencontrer des gens, nous enrichir, nous divertir. C’est même plus un mensonge à ce stade. C’est effectivement pitoyable de s’être fait avoir comme ça, au sens premier du terme, ça inspire de la pitié. De mon côté, je ressens aussi un sacré paquet de rage de m’être faite enfermer comme ça.
Tu parlais du temps qu’on perd sur ces plateformes à se faire servir du « contenu » (j’abhorre ce mot qui a perdu toute substance), du temps que ça prend d’essayer de danser pour plaire à l’algo de mes gonades qui change les règles du jeu au gré de l’humeur du capitalisme. J’ajouterais l’accélération qu’a provoqué Insta et consort : tout va si vite qu’il est impossible de comprendre quelle « tendance » va fonctionner ne serait-ce que la semaine prochaine. Dans l’univers des arts textiles, notamment le tricot et la couture, il y a des dizaines de nouveaux patrons et modèles tous les jours, de nouveaux coloris de laines, de nouveaux tissus, un coup une designeuse de patron va sortir un modèle qui se tricote avec telle laine, ce sera la razzia pendant, allez, quinze jours, puis plus rien. C’est d’une tristesse abyssale. Derrière, il y a des artistes, des commerçant·es, des personnes qui tentent de se maintenir hors de la précarité en tentant désespérément de louper le moins de vagues possibles. C’est à ça qu’on en est rendu·es : à courir comme des lévriers derrière un leurre, sans fin en vue.
Comme toi, j’avais pensé à utiliser des alternatives, à avoir un compte Pixelfed, voire à monter ma propre instance et à y inviter les personnes de mon réseau. Mais vu que 1) rien n’est interopérable donc aucun moyen de ne pas repartir de zéro et 2) la courbe d’apprentissage d’un nouvel outil, même s’il est similaire, implique une résistance totalement légitime de la part des nouveaux et nouvelles, sans compter le deuil qu’il faut faire de l’ancienne plateforme.
On en est là, à ne pas arriver à nous détacher d’un truc qui nous fait souffrir, parce qu’à la base c’était un super endroit, un super moyen de s’exprimer et de suivre ses proches dans un format ludique et divertissant. Plus le temps passe, plus je prends du plaisir à lire de longs formats, à visiter des blogs comme le tien et à m’abonner à leurs newsletters. Non seulement les informations arrivent moins souvent et me donnent moins la sensation de FOMO, mais en plus quand un nouveau billet est publié, c’est une plongée dans l’état d’esprit d’une personne que j’apprécie qui a tellement plus de profondeur qu’un pauvre reel…
On est là, on te lit, et si Instagram meurt d’une mort aussi moche que celle par laquelle Twitter passe, pour ma part, je ne pleurerai pas.
Marie ☽
4 août 2023
Merci, ma chère MC, pour tes rebonds et tous ces grains que tu nous donnes à moudre.
À moins de devenir complètement cynique, est-ce seulement évitable ? Dans ce domaine comme dans d’autres, on est souvent déçue de s’être donnée à fond au début et pendant longtemps. Jusqu’au moment où ça craque, parce qu’on réalise soudain que le delta entre notre idéal et la réalité est devenu immense.
J’ai gueulé sur Instagram, mais je crois que ce qui m’a le plus mis un coup, c’est le rachat de Twitter par Musk et tout ce que ça a apporté et agravé. Mais pourquoi cela me touche-t-il autant ? Après tout, ce ne sont « que » des sites web, « que » des applications, pas vrai ? Non, on sait bien que non. Ce sont de véritables compagnons du quotidien, des miroirs déformants et souvent valorisants de nos vies et de celles des autres. Une compagnie sur demande, aussi. Une fenêtre sur des univers politiques et artistiques passionnants. Mais cela vient toujours à un coût, car telle est la société dans laquelle nous évoluons.
Pour ma part, ce coût a soudain triplé de volume. Je n’ai pas envie de remettre une pièce dans cette satanée machine – tout en ayant conscience que ce choix même est un privilège (ma survie économique ne dépend pas des réseaux sociaux). Je tiendrais sans doute un discours différent si je vendais mes créations…
Ton partage à propos des tendances qui sapent le domaine des arts textiles est précieux. Parfois, j’ai l’impression que ces plateformes sont tout simplement démesurées par rapport à nos moyens et capacités. Qui peut se permettre, financièrement, cognitivement, de réaliser X reels par semaine, de poster plusieurs fois par jour, d’apporter du soin à chaque publication pour optimiser sa viralité ? La plupart des artistes/artisan·es que je suive, passé un certain niveau de notoriété, embauche au moins une personne pour les aider à gérer le secrétariat, les commandes et les réseaux sociaux. Promouvoir son travail est un travail à part entière, mais c’est une version suédée qui est environ mille fois moins intéressant que le travail créatif initial.
Je veux croire qu’il soit possible de placer le curseur à peu près au milieu, entre suractivité stérile et chronophage, et absence complète. C’est ce que j’avais l’impression de faire déjà ; en réalité, je me suis rendue compte que, même en sous-régime, cela reste encore trop invasif et toxique. La seule chose qui me semble en effet pérenne et respectueuse de notre temps et de notre rythme, ce sont les supports asynchrones comme les blogs. Redécouvrir les bienfaits de temps plus longs, et accepter que les personnes qui créent ne sont pas des ânes qui pondent de l’or chaque jour. Créer, fabriquer, expérimenter, tout ça nécessite un temps incompressible, incompatible avec la frénésie imposée by design par les réseaux sociaux.
Lucide
5 juillet 2023
Damned, Meta mérite totalement ce pamphlet.
Je suis à la fois amusée, triste et consternée d’être la spectatrice, comme tou·tes les utilisateur·rices des réseaux sociaux à vocation capitaliste, d’une baston entre gros bébés Cadum quarantenaires issus de la tech. Nous sommes des victimes, en quelque sorte. Je ne partirai même pas du principe que c’était mieux avant parce que c’est faux, l’intention a toujours été là et a évolué avec les années et les usages. Quoique… Quand on écoute Adam Mosseri parler des directions que s’apprêtent à prendre Instagram, on entend : « Ce n’est pas ma faute / C’est le destin / C’est vous qui fonctionnez ainsi / J’ai pas le choix / C’est comme ça que ça doit se passer / J’ai les mains liées. » alors que c’est totalement faux, il se fout de notre gueule. Il a fallu que les sœurs Kardashian se plaignent de certaines fonctionnalités mises en place pour qu’il recule, car ce sont les seules à avoir suffisamment d’influence. Nous, pauvres hères (le mot n’a pas de féminin, déclarons-le épicène dès aujourd’hui), subissons tout ce que tu décris. Il est devenu extrêmement compliqué d’être un·e artiste sur Instagram. Le fait que notre travail ne soit montré qu’à 10 % de notre communauté est une immense injustice et je ne comprends même pas en quoi c’est censé être pertinent.
En plus du partage au sens large, les réseaux sociaux devaient nous aider à exporter notre travail, tout comme le blog nous permettait de sortir du bistro de quartier. Moi, je me suis toujours reposée sur Internet depuis que je l’utilise activement (j’ai commencé en 2002) pour deux raisons principales. D’abord, ma confiance en moi a toujours été sous le niveau de la mer. Et puis je suis d’une nature introvertie (j’ai souvent été décrite comme « sauvage »). Je ne suis pas timide mais je limite mes interactions sociales. Ça ne veut pas dire que je n’en ai pas et que je reste chez moi 7j/7, toutefois rencontrer de nouvelles personnes et de nouvelles structures provoquent une forme de violence en moi. Le small talk me fatigue et je privilégie les rencontres de qualité. J’ai des amies d’Internet depuis une quinzaine d’années que je n’ai jamais rencontrées ! Ces relations par écrans interposés me permettent de m’ouvrir sur le monde et les autres (et je ne me force pas à le faire). Le domaine dans lequel j’officie me permet de me montrer sur les réseaux sociaux, mon blog, etc. mais je ne fais aucune démarche pour vendre sur des marchés de créateur·rices, dans des boutiques ou pour exposer. Parce que j’ai la trouille, purement et simplement. Je suis même du genre à m’auto-saboter pour contourner l’anxiété.
Alors les évolutions des réseaux sociaux me mettent un seum intergalactique. J’ai intégré le fediverse avec Mastodon, j’aime bien le principe et le fonctionnement. Il existe aussi une alternative à Instagram, elle s’appelle Pixelfed. Mais seules 12 personnes sont inscrites et ne postent que des photos de mésanges charbonnières. Sur Mastodon, on a aussi un peu le même genre de personnes. Il y a quelques jours, quelqu’un regrettait (avec humour) d’être inscrit et de ne pas faire de vélo. Il y a aussi une forte communauté qui évolue dans le jeu de rôle, la science-fiction, l’imaginaire dans sa grande largeur. C’est le royaume des geeks. Je grossis le trait mais ces modèles ne prennent pas et il y a besoin de diversité (enfin dans les goûts et les couleurs parce que les fachos peuvent rester sur le Twitter de l’autre crétin, merci bien). Parce que, de mon côté, je reste très attachée à l’Internet mondial. Peut-être qu’il faudrait qu’il explose pour me faire sortir de ma tanière !
Nous avions effectivement parlé d’un autre modèle de communication (l’email, la newsletter, etc.) et après la lecture de ce billet, je me suis penchée sur Substack et suis en train de regarder une vidéo YouTube d’1h qui explique tout bien comme il faut (car je suis un peu dépassée mais je m’accroche).
Bref, stay weird !
Marie ☽
4 août 2023
Merci Lucide pour ton rebond qui, non content d’être d’une humilité et d’une clairvoyance admirables, a aussi réussi à me faire sourire. Je connais bien le paradoxe que tu décris, entre l’introversion d’une part et le besoin de socialiser selon ses propres termes de l’autre. Les réseaux sociaux sont des pots à miel, car ils nous promettent des interactions autour de thématiques chères à nos cœurs blasés, tout en glissant un pied dans la porte pour qu’il nous soit difficile de la refermer.
Je comprends ta trouille de glisser une patte dans « Le Monde Réel© » des marchés des créateurices et autres initiatives où l’on rencontre des gens qui, pire que tout, sont là pour acheter, ou snober, nos créations. Il est heureusement possible d’imaginer d’autres modèles économiques, comme tu le démontres depuis quelques années maintenant. One size does not fit all, et je crois que s’il y a bien une grande qualité aux blogs et autres supports de publication et syndication alternatifs, c’est justement la possibilité de créer et de proposer des choses à la carte. Ça demande du travail, ainsi que de la pédagogie (le nombre de fois où j’ai déjà dû expliquer le principe de l’Antichambre, tout ça pour me rendre compte que ce n’est parfois absolument pas compris, même par des personnes qui me suivent depuis des lustres…) – mais, en fin de compte, il y a toujours un noyau dur de personnes assez intéressées par ce que tu fais pour s’adapter à ces différents canaux de communication.
Car, oui, une fois que l’on a trouvé « ses personnes », on ne veut plus les quitter. À nous de créer de nouveaux chemins de traverse qui ne risquent pas de sauter du jour au lendemain.
(PS : hâte de voir si tu vas donner sa chance à une newsletter.)
Minuit
5 juillet 2023
Je vais pas enclencher sur une grosse tartine parce que ton article et les commentaires précédents ont déjà tout dit. Mais merci de le dire, parce que au final c’est tout ce qu’il nous reste.
Marie ☽
4 août 2023
Merci Minuit, on se sait.
cathou
6 juillet 2023
Ouiiiii! J’adore!!!
(c’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant, c’est pas très constructif mais je le dis quand même)
Merci pour cet article, merci pour ton blog, merci d’écrire, merci pour ton intégrité!
Marie ☽
4 août 2023
Cœur sur toi, Cathou !
Lebizarreum
6 juillet 2023
Je te suivrai où cela te conviendra le mieux. J’ai de la chance de plus être aussi dépendante des réseaux qu’avant où j’en avais besoin pour travailler. Clairement c’est hyper mauvais pour la créativité et aussi sur le côté chronophage. Une bonne newsletter fait bien l’affaire en plus d’un blog.
Courage pour tes projets !
Juliette
Marie ☽
4 août 2023
Merci Juliette ! Tu parles d’or, comme toujours. Finalement, changer de support, ça permet aussi d’écrémer, entre les gens réellement intéressés de ceux qui sont tombés là un peu par hasard. Est-ce un mal ? Je ne pense pas. Plus de gens = plus d’emmerdes, en général.
One Little Red Fox
6 juillet 2023
J’hésitais encore hier à supprimer mon compte Instagram, et ton post tombe à point nommé . J’ai fermé mon compte Twitter il y a quelques mois et j’hésite encore à fermé mon compte Instagram car c’est ma principale source d’inspiration.
Mais je me rends compte du temps que je passe sur ce réseau à scroller des choses clairement inintéressantes et le plus souvent carrément anxiogène .
Je voulais me lancer dans l’aquarelle naturaliste depuis des années , j’ai acheté tout le Matos, et hier encore je me plaignais de ne pas avoir le temps de m’y mettre , jusqu’à ce que je me rende compte que je passais 2 heures sur Instagram chaque soir .
C’est ridicule .
Aussi j’ai peur qu’avoir Instagram me pousse à poster mes peintures pour que mon compte reste actif , et me pousse à me comparer aux autres alors que je ne suis qu’en processus d’apprentissage . Cette pression que l’on se met est ridicule , on ose même plus se lancer , il faut être brillant des le début . Combien de fois j’ai vu des artistes insta commencer un nouvelle art créatif et me dire « mon dieu, il maîtrise tout tout de suite « alors que non , il est passé comme moi par l’apprentissage mais il ne le montre pas , et moi je débute à côté et j’ai l’impression d’être nulle et que mes progrès sont terriblement lent .
Tout ça pour , au final , qu’à peine 20 personnes sur les 1000 abonnés voient mes publications, c’est ridicule.
Quand je prends du recul, je me dis vraiment que l’on marche sur la tête , d’être sans cesse à la recherche de reconnaissance à ce point. Je n’aime pas ce que cela m’a fait devenir .
Julie
Marie ☽
4 août 2023
Hello Julie ! Quel plaisir de te lire ici, merci.
On est beaucoup à ressentir cette tétanie que tu décris, à la fois pleines d’envies créatives et d’espoirs, mais aussi bloquées par tout le binz mis en place par Instagram pour nous faire comprendre qu’on ne publie jamais « assez » : assez souvent, assez bien, assez drôle, assez vidéo, etc.
Sur les réseaux sociaux comme dans la vie, il faut trier. Peut-être qu’avoir une toute petite communauté engagée et soutenante est plus intéressant et motivant qu’avoir des milliers de followers anonymes avec qui on n’intéragit jamais.
Du reste, je pense comme toi que l’essentiel de la créativité et de la production artistique se produit en dehors de toute médiatisation – ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas ou qu’on n’a pas intérêt à donner à voir nos processus créatifs ; mais, quand on débute, cela me semble contre-productif, car on n’a en général pas encore les pieds assez ancrés dans le sol pour résister au mépris global de ce que l’on publie (je suis passée par là).
La peur est la plus grande ennemie de la créativité. J’aurais tendance à te conseiller de peindre pour toi pour commencer, et de ne pas t’embarrasser à partager tes débuts sur Instagram. Si tu as envie d’en garder une trace, pourquoi ne pas publier sur un blog ? Mais si tu le fais, fais-le pour toi ; n’attends rien des autres, ou tu pourrais être déçue.
Ne pas explorer sa propre créativité n’est pas bénin ; pour paraphraser Brené Brown, ça métastase en quelque chose de très négatif. Parce que créer, ce n’est pas ce que nous faisons, mais qui nous sommes. Ne pas explorer ça (souvent à cause d’une blessure passée, le jugement dévalorisant d’autrui sur notre créativité), c’est vraiment se faire du mal.
En comparaison, recevoir parfois quelques critiques de son travail est peu cher payé par rapport aux frissons qu’apporte le fait de créer. Il est important de croire en soi, en son projet, et s’encourager soi-même, car il y aura toujours quelqu’un ou quelque chose pour te nuire (intentionnellement ou non) et te mettre K.O.
Accumuler de la confiance en soi au fur et à mesure que l’on créer et que l’on y arrive de mieux en mieux, et être bien entouré·e par des personnes qui nous soutiennent sans arrière-pensée, c’est ce qui fonctionne pour moi et que je te souhaite, en tout cas.
Moonlight
6 juillet 2023
Salut Marie,
Je reste fan de ton blog avant tout.
Instagram aussi me pompe pas mal de temps, surtout depuis que je me suis mis à redessiner et à vouloir vendre mes dessins en lignes depuis l’année dernière.
La dependance et la sobriété numérique… un vaste sujet.
Mais rédiger des contenus de qualité sur son blog, ca demande tellement de temps ! Je trouve jamais le courage d’écrire dessus sans me foutre la pression. J’ai une trentaine d’articles brouillon sur mon wordpress. Toujours perfectibles.
Merci à la Lune Mauve de continuer !
Bon courage pour ton projet.
Marie ☽
4 août 2023
Salut à toi, Moonlight !
La perfection n’est pas de ce monde. Malgré tout, il est vrai que ce qui est difficile, ce n’est pas tant le fait d’écrire, c’est d’éditer. Et ça, ça prend un temps énorme, c’est vrai.
Personnellement, j’ai 212 brouillons non publiés sur mon blog : je connais donc vraiment très, très bien les doutes et la vulnérabilité que tu décris. Parfois, certaines idées/certains textes nous trouvent plus tard, s’ils sont assez puissants ; c’est le cas de ce billet, commencé il y a plus d’un an, qui dormait sur WordPress, mais braillait dans ma tête en exigeant d’être écrit. Qui suis-je pour m’y opposer ?
serendipity liche
6 juillet 2023
tourner en rond décrit bien le sentiment que j’ai régulièrement sur les réseaux – ce qui généralement réussi à m’en décrocher quand ce sentiment devient très présent ; j’ai parfois l’impression que pour une publication qui me plaît vraiment et m’inspire, j’ai en fait passé une heure à regarder/voir du vide (je mets une différence entre regarder et voir, le deuxième cas étant moins actif, ça s’imprime dans mon cerveau sans même vraiment que je le veuille – en tout cas c’est comme ça que je le pense, pas sûr.e que ce soit la définition de tout le monde, mais bref…). Le coup des reels (le nom m’insupporte) est horrible, j’ai par exemple commencé à suivre un compte sur quelques publi de sculptures qui me plaisaient, mais désormais plus de la moitié de ses publi sont la vie de l’artiste, dont, honnêtement, je me fous, du coup j’hésite fortement à me désinscrire – mais je ne le fais pas pour le moment parce que c’est quelqu’un qui aime beaucoup ce que je fais, et j’aime bien ce qu’il fait, donc ça retombe un peu sur le côté « devoir » quelque chose à quelqu’un, qui est en fait un parfait inconnu. Même en étant conscient.e de tout ça on arrive à se faire avoir, c’est formidable :p
En ce qui concerne les contenus de vente, sur ordi je trouve que c’est bien moins pire que sur tel, que déjà j’utilise peu par défaut, mais encore moins depuis que j’ai réalisé le nombre de pubs etc qu’il est impossible de virer sur tel là où c’est facile sur ordi…
Niveau commentaires, c’est vrai que quand j’aime beaucoup une publi et que j’ai un ressenti particulier j’ai tendance à en parler, et je ne crois pas avoir eu une seule fois une réponse plus longue qu’une variation de merci beaucoup…
La photo des rochers en bord de mer de Gavrinis donne vraiment envie de s’y balader (mais je suis partial.le, j’aime les cailloux et les tas de pierres).
Le chêne centenaire me fait penser à un artiste que j’ai découvert tout récemment : Yann Koch (je ne vais pas mettre le lien de son compte insta, vu le sujet du post…), qui fait des scanners ultra détaillés d’arbres, et en fait des images et vidéos d’art ; et il se pourrait bien que cet arbre en particulier soit passé entre ses scanners…
J’avoue que la perspective de me faire mon propre site ou blog m’inspire peu ; en effet, ça fait de la maintenance, du texte, et finalement, j’utilise insta pour montrer ce que je fais, mais je n’ai pas grand chose à dire dessus – en live je peux en parler des heures, mais écrire un texte dessus, boarf – donc un mien blog serait une successions d’images, pas forcément hyper motivant ni pertinent… Mais il est vrai que quand on a des choses intéressantes à dire, comme toi, c’est nettement mieux, ne serait-ce que parce que le format est adapté. Il reste cependant la charge de maintenance, au moins technique…
Et je suis tout à fait d’accord sur le fait que pouvoir répondre après des plombes, c’est agréable, et permet de prendre le temps de faire une réponse bien plus détaillées, voire moins à chaud (enfin, on peut toujours prendre le temps, même sur insta, mais ça a plus de chances de passer à la trappe).
Et pour un crachage de pastille, tu as bien pris le temps de la mâcher :p !
Si toutes les critiques qu’on trouve sur internet étaient aussi détaillées et bien formulées, ça serait un lieu bien plus intéressant…
Marie ☽
4 août 2023
Coucou ! Merci de partager toutes ces pensées avec moi.
Si seulement ce n’était qu’une impression… 🥹
Les designers d’Instagram ont parfaitement conscience de cela, puisqu’il y a une fonctionnalité qui permet de masquer tel ou tel compte, c’est-à-dire ne plus avoir à voir telles ou telles publications, sans se désabonner. C’est quel niveau de fourberie, ça ? Le fait qu’on ne sente plus libre de se désabonner de contenus qui ne nous emballent pas plus que ça de manière générale, même s’il y a parfois des pépites, c’est assez sidérant à observer. Me concernant, j’ai souvent eu ce type de scrupules ; mais j’estime que je ne suis pas là pour servir d’ego boost aux autres. C’est déjà assez pénible d’utiliser Instagram etc. où l’utilisabilité et l’expérience utilisateur sont de plus en plus déplorables, alors si en plus je dois sans cesse me poser des questions sur unetelle ou untel qui risque de mal prendre que… non, ce n’est pas possible. Mais c’est ce qui se passe. Grâce à notre échange, je réalise que j’avais complètement sous-estimé le poids de cette préoccupation permanente de la réaction d’autrui sur mon expérience d’Instagram, alors que c’est évident maintenant que l’on en parle !
Pardon de venir gratouiller la plaie, mais : en quoi serait-ce moins pertinent qu’une succession d’images sur Instagram ? Sur la charge technique, là par contre, je suis d’accord (bien que les forfaits wordpress.com permettent justement de s’en affranchir, mais cela a un prix, forcément).
Héhé merci ! Ouais, elle était longue à mâchouiller et à recracher, cette pastille-là… Ça va mieux maintenant !
Laurie
6 juillet 2023
Salut Marie,
Tous les commentaires et ton article résument TOUT et je crois que nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à se poser ces questions… En ce moment tout me lasse, les réseaux sociaux en tant que tels d’abord, mais aussi tout ce que j’ai envie de faire/apprendre, car tout est si parfait et beau que mon cerveau me dit « à quoi bon? » et donc ça fait quelques semaines où je ne crochète plus, tricote plus, écrit plus dans mon journal, ne fais plus de cours sur domestika car mon oeil est si habitué au lisse et « parfait » que je n’y arrive tout simplement plus… je relis quelques passage de l’essai sur les riot grrrrl, et j’écoute beaucoup de punk rock ces dernières semaines, je crois que vraiment c’est parce que j’ai besoin de m’entourer de cette energie…du test, du rugueux, du crapouilloux, de l’erreur… je n’arrivais pas à décrocher mais je pense tenter une déconnexion la semaine prochaine des réseaux, juste pour voir! Je pense souvent à ce qu’avait dit Michaela Coel pendant un discours :
ses mots me reviennent souvent ces derniers mois et je pense que c’est le signe qu’une pause s’impose!
Alors merci encore pour le billet, l’inspiration, et hâte de savoir sur quoi tu travailles 🥰
Marie ☽
4 août 2023
Salut Laurie ! Merci beaucoup pour ton message, et le partage de cette citation, si à propos. Totalement d’accord, je pense que nous sous-estimons énormément les bienfaits du recul, du silence, des déconnexions, des temps longs… Non, notre vie ne dépend pas d’Instagram et de savoir que Trucmuche a fait de son samedi après-midi. Pendant qu’on perd notre temps à observer, à juger et à jalouser la vie des autres, j’ai parfois l’impression que l’on met la nôtre sur pause, comme si soudain on n’était plus qu’un réceptacle pour ce que publie autrui, au lieu de remplir nous-mêmes notre propre réceptacle (ouch, un peu lourdingue, cette image ! ahah).
J’aime beaucoup ce que tu dis à propos de ton besoin de reconnexion à une énergie plus sauvage et moins policée que la soupe que nous sert Instagram, en particulier à une énergie féminine « sale » et sauvage, par opposition à toutes ces visions stéréotypées d’une féminité qu’on nous vend comme le summum de la désirabilité. Ne pas utiliser les réseaux sociaux à notre époque, ou les détourner pour transmettre des messages révolutionnaires, est une forme de rebellion contre un système que j’analyse comme particulièrement nocif.
Alice
7 juillet 2023
On ne peut qu’être d’accord avec ce que tu écris, j’ai la chance de ne pas être trop dépendante de la publication sur instagram, par contre je le suis un peu trop à mon gout du « scroll d’inspiration » -qui est un peu un piège en soit car l’originalité n’est pas vraiment le maitre mot sur instagram.
Tout ça pour dire que, étant lectrice de ton blog depuis quelques années maintenant, j’ai toujours l’impression de ne pas te voir « en entier » dans tes publications insta car je sais combien tes articles sont plus riches ici. Un peu comme si je regardais par la lucarne. Une lucarne, ça reste une fenêtre, tu peux quand même inviter des gens ici par ce biais. Mais il serait dommage que les gens qui ne te connaissent que via le réseau social ne creuse pas plus, ils ratent quelque chose :)
Marie ☽
4 août 2023
Merci beaucoup, Alice ! C’est très intéressant pour moi d’avoir ton avis depuis l’autre côté de la lucarne. Bizarrement, je me suis toujours sentie plus à l’aise dans mes stories que dans mes posts Insta – le côté éphémère m’aidant sans doute à être un peu plus sincère et directe que dans des posts un peu trop « figés » à mon goût, étant donné que je n’en publie pas souvent, faute de temps.
On pourrait dire que les billets de mon blog sont eux aussi « figés » en quelque sorte, pourtant je ne ressens pas du tout la même chose quand je blogue. Je me sens au contraire beaucoup plus libre sur mon blog qu’ailleurs – j’ignore si c’est dû au fait de n’avoir aucune limite de caractères, peut-être ; en tout cas, le fait que mon blog soit découvert dans un contexte autre qu’une monumentale binge de contenus m’est agréable et me met en confiance. Avec le temps, j’ai aussi appris à apprécier le fait d’être, finalement, assez peu lue, mais bien lue. Et c’est ça qui compte pour moi, ce petit coin cosy et tranquille où se promènent d’autres âmes sensibles, qui ne soufflent pas quand un texte fait plus de 5 lignes et ne parle pas que de sujets agréables ou simples à comprendre.
J’avais, un temps, le vague projet d’utilisr Instagram comme « mini journal de bord », mais à la réflexion, je ne vois pas pourquoi je concèderais les droits de mes précieux contenus à Meta. Je n’ai de toute évidence pas trouvé la formule magique qui me permettrait à la fois de bloguer de tout mon soûl et d’alimenter un compte Instagram au quotidien, mais ce n’est pas ça qui empêche mon blog, petit à petit, de se faire connaître par les personnes qui sont en mesure de le comprendre et de l’apprécier. Je n’en demande pas plus.
Danielle
9 juillet 2023
Coucou Marie, je me lance, moi qui n’ose t’écrire que par mail. Merci d’être aussi sincère et structurée dans ta pensée. Comme cela a été dit, tu exprimes avec des mots écrits ce que l’on éprouve face à cette quête de perfection commerciale lisse et hygiénique de ce que doit être un humain aujourd’hui. J’ai l’image de l’homme à louer dans l’IA de Spielberg, qui adapte couleur de cheveux, yeux… joué par Jude Law. C’est terrible, nos sagesses grandissent ainsi que nos expériences, mais en parallèle ce qui est proposé réduit à néant ces savoirs, car il y a plus important : faut acheter du shampoing, louer un duplex à New-York pour ses vacances ou une villa à Majorque, manger dans le dernier resto à la mode, bref, la marchandisation de tout et la fuite en avant des relations humaines, avec justement ce qui fait nos particularités, nos singularités, notre talent qui devraient naturellement pouvoir se croiser et se partager. Merci aussi pour tes pistes, c’est ça qui est formidable avec toi, c’est qu’il ne suffit pas de dire « ça ne va pas », tu donnes des réflexions et tu ouvres des voies et en plus, en fond, du j’ai quelque chose à dire, tu continues à dérouler tes magnifiques découvertes d’œuvres et d’images dépaysantes et poétiques. Moi, je suis toujours aussi frappé de l’effet mise à jour que tu as sur moi. Merci et biz Danielle
Marie ☽
4 août 2023
Coucou Danielle ! Merci d’avoir osé publier un commentaire ! C’est chouette 😊.
Bien d’accord ; les personnes singulières ne manquent pas, et les réseaux sociaux permettent d’en découvrir et d’en suivre certaines. Malgré tout, un profond effet de « lissage », comme tu dis, est à l’œuvre, et je m’étonne souvent de toutes ces impressions de déjà vu en butinant d’une galerie à l’autre, même celles de comptes a priori alternatifs, contre-culturels, etc. L’ennui naquit un jour de l’uniformité…
Je suis bien contente que, malgré tous ces chemins qui se croisent et ces courants qui se repoussent, nous réussissions à garder contact au fil des ans.
Alexie
9 juillet 2023
Nouvellement abonnée, hop, un petit commentaire !
Je ne sais pas vraiment quoi ajouter, mis à part que je comprends, parce que j’ai tendance à me désabonner des comptes insta qui ne sont pas assez actifs à mon goût… J’ai honte, je suis clairement dans une logique de consommation avec cette appli :(
A bientôt !
Marie ☽
4 août 2023
Salut Alexie ! Bienvenue sur l’astre pourpre, et merci pour ton petit mot.
C’est comme ça que l’appli est conçue, elle ne finit de toute façon que par te montrer les comptes les plus actifs. La façon dont ces applis sont conçues nous influence et guide beaucoup nos actes. Tu n’as donc pas à avoir honte.
Maïwenn
12 juillet 2023
Bonjour Marie, ton post résonne avec mes propres questionnements aujourd’hui, la preuve : il est 15 h 12, je ne travaille pas, il fait beau, et pourtant je suis… sur mon canapé, devant mon ordinateur ! Il va être temps de sortir.
Je te suis sur Instagram et ton blog depuis un petit moment déjà, et je n’oublie d’ailleurs pas notre début de discussion sur (entre autres) l’expo sur la mort, à Daoulas. Ce qui est intéressant dans ton article, c’est de se rendre compte à quel point l’appli et le site web diffèrent énormément. Je n’utilise pas d’applications sur mon téléphone, ou très peu (Signal pour communiquer en groupe, l’appareil photo, l’agenda). Pour aller sur Instagram en tant que simple lectrice, il me faut donc mon ordinateur, et donc être chez moi. Pas d’utilisation « nomade » de cette appli, et… très, très peu de publicité. Ça n’empêche bien sûr pas une certaine aliénation : qui me force à consacrer autant de temps à Instagram, en une soirée ? Personne. Mais ça empêche, au moins, de se coltiner tous ces comptes identiques et ces pubs intempestives.
Pour le côté soutien, je te rejoins complètement. C’est aussi, pour moi, une façon de rester en contact avec bon nombre d’institutions (musées, monuments nationaux, bibliothèques, etc.) sans m’abonner à leur newsletter. Ça en ferait tellement ! Je préfère ne recevoir que la tienne, et utiliser les RSS pour d’autres blogs, et enfin garder Instagram pour les ami-es, un peu de militantisme et les musées.
Je n’avais jamais questionné mon usage d’Instagram avant ton article, c’est en t’écrivant/en commentant que je comprends à quoi cet outil me sert, donc merci beaucoup ! Tes photos sont toujours aussi belles, et au-delà de l’aspect purement esthétique, j’aime l’atmosphère et les histoires qu’elles racontent :) Bref, ton univers me parle, je suis contente d’avoir trouvé ton petit bout de monde !
Marie ☽
4 août 2023
Bonjour Maïwenn, merci beaucoup pour ton message et tes compliments.
Je suis moi aussi très contente de t’accueillir dans mon petit bout de monde, en dehors d’Insta. Merci de m’y avoir suivie et aussi de t’être abonnée à ma newsletter (il n’est pas dit que je ne m’en serve pas pour diffuser des contenus qui ne seraient pas sur mon blog, mais pour l’instant je n’ai pas réussi à passer outre la perspective d’en priver les personnes qui me suivent par RSS seulement).
Je sais à quel point on peut vite se sentir noyée par des tas d’e-mails plus ou moins intéressants, alors j’espère que mon blog restera digne de ton attention.
Oui, il semblerait qu’il soit plus agréable d’utilisr Insta sur un ordinateur qu’un téléphone, surtout maintenant que l’on peut y publier une photo depuis son ordi (ça a longtemps été réservé aux téléphones). Peut-être que j’essayerai de supprimer l’application de mon téléphone, pour perdre ce réflexe pathétique de la lancer dès que je suis désœuvrée plus de 20 secondes.
Merci, ça me touche très sincèrement !
Sempra
12 juillet 2023
Mon dossier « inspiration » constitué de screens que je consulte une fois l’an et moi-même sommes parfaitement d’accord avec toi.
Ce qui me fatigue de plus en plus, c’est l’effet vase clos et l’impression de voir toujours la même chose ; des comptes qui se ressemblent, s’inspirent entre eux voire se copient, ou cherchent avant tout à vendre quelque chose (la même chose ou presque que le compte d’à côté…).
Finalement je passe peu de temps sur instagram maintenant, mon addiction à moi c’est tiktok… une toute autre paire de manches :x
J’en profite pour souligner la vague de nostalgie qui m’est venue quand tu as mentionné le blog d’Alex, que je suivais assidument, et par lequel je suis tombée sur ton blog à toi !
En tout cas, j’ai hâte d’en savoir plus sur ce gros projet.
Marie ☽
4 août 2023
Merci Sempra ! Comme toi, le vase clos me saute aux yeux. Une fois qu’on en a pris conscience, on ne peut plus jamais ne plus voir en permanence.
L’algo d’Insta (mais aussi de Pinterest, Twitter, etc.) a pour objectif de nous montrer des contenus similaires à ceux avec lesquels nous avons déjà intéragi ; l’originalité n’est donc pas de mise, et au final – pourquoi y reste-t-on, déjà ?
Je n’ai pas franchi le cap de m’inscrire sur TikTok, ma seule et unique tentative s’étant soldée par l’immense déception de voir que mon pseudo était déjà pris. Un signe, me suis-je dit, de ne pas y mettre les pieds. Je ne peux pas dire que je m’en porte plus mal.
Heureuse d’apprendre que c’est grâce à feu le blog d’Alex que tu as aluni ici, quel honneur !
L'ourse bibliophile
14 juillet 2023
Je ne suis pas sur les RS et ça ne me manque pas. (Pour être exacte, j’ai un compte FB uniquement pour un groupe privé qui s’y tient, mais je n’y publie rien et n’y suis personne). Deux fois, j’ai testé Instagram pour y suivre des personnes ou des artistes que j’apprécie ; deux fois, j’ai abandonné au bout de quelques jours/semaines.
Je détestais la perte de temps abyssale à scroller dessus. La superficialité de tout cela : avoir envie de plein de choses, commenter éventuellement mais si peu car ce n’était finalement pas le lieu d’un long échange, avoir envie de plus de [livres/plantes/voyages/modèles de crochet]… tout ce qui alimentait une surconsommation que je n’avais ni les moyens ni l’envie de suivre.
Et, par dessus tout, je détestais le sentiment détestable de voyeurisme que cela me faisait ressentir : même si les gens y postaient des choses de leur plein gré évidemment, ça me gênait.Je ne suivais personne qui déballait toute sa vie sur Insta, mais ça me gênait par exemple de savoir des choses sur mes amies sans qu’elles m’en aient parlé, sans qu’elles sachent que j’avais vu leur post (or, on ne parlait pas du tout via insta). J’ai l’impression d’être d’une autre génération, mais je n’ai jamais su me faire à l’exposition de soi sur les RS.
Je ressentais un vrai malaise, ce qui fait que le renoncement a été un soulagement.
Et je n’aime pas les réels non plus, or j’avais l’impression que c’était ça plus que des photos. Ça me saoulait de les regarder, d’autant que j’avais souvent l’impression que ce n’était là que pour meubler, pour ne pas disparaître. Mais ça ne m’intéressait pas.
Je n’y suis donc pas restée assez longtemps – et surtout je n’y ai pas partagé de contenu – donc je découvre certaines choses avec toi : la relation aux autres, la conformité que cela entretient notamment, la censure, le rejet de la différence, et ça me hérisse le poil.
Et rien que le fait que tu ne vois pas forcément ce à quoi tu t’abonnes m’insupporte. Il me semblait bien que c’était le cas quand j’y étais, mais je n’en étais pas certaine, et surtout je me disais naïvement « mais non, voyons, tu es abonnée, ça a dû apparaître, c’est juste que tu as loupé le truc ! ». Je déteste l’idée et la manipulation que ça sous-tend.
Quant à la déception vis-à-vis de l’investissement qui n’est pas rendu, je l’éprouve déjà parfois sans RS, juste via le blog (sans parler d’IRL) et je ne suis pas sûre que ma sécurité affective précaire le supporterait si cela devait se reproduire chaque jour ! ^^
Mais je ne suis pas artiste et je n’ai pas besoin de me faire connaître, je peux donc les éviter purement et simplement. Mais je compatis avec les prises de tête que ça peut demander aux personnes qui en ont potentiellement besoin.
(J’aime tes photos de détails. Cet enchaînement visage sculpté-rochers-rose marbré m’a conquise ! Et ces visages en céramique… et ce chêne… bref, je ne vais pas te citer toutes tes propres photos, mais merci pour ces petits univers à chaque fois ! J’adore ce genre de photos, ces petits riens qui pourtant ponctuent une balade ou une visite. Généralement, mon compagnon fait les photos « globales » et je lui pique l’appareil pour photographier un arbre, une abeille, un dessin sur un rocher, une toile d’araignée, une ferronnerie…)
Marie ☽
4 août 2023
Chère Ourse, merci pour tes mots et tes réflexions, nouvelle opportunité d’échanger sur des sujets qui nous soulèvent à toutes deux le poil.
Tu touches du doigt un profond malaise, que je ressens moi-même et que je n’ai pour l’instant pas eu le courage de creuser à fond, tellement cela risquerait d’impacter certaines de mes amitiés. Ce que tu décries ici, ce sont des choses que des proches ont pu me reprocher par le passé, à cause du blog : le fait que j’y évoque des sujets dont je ne leur parle pas forcément en direct. C’est loin d’être simple comme situation ; d’un côté, bien sûr on est libre de s’exprimer (dans les limites prévues par la loi, bien sûr). De l’autre, publier quelque chose c’est prendre le risque d’être lue.
Je n’ai toujours pas tranché sur qui porte la responsabilité : est-ce à la personne qui publie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour éviter que ses contenus ne soient lus par certaines personnes ? (C’est possible sur les réseaux sociaux, avec les « amis proches » sur Insta, les comptes privés, etc., mais c’est quasiment impossible sur un blog.) Ou bien est-ce au public lui-même de ne pas s’abonner / se manifester auprès d’une personne qu’il connaît dans la vraie vie ?
Car dissonnance cognitive il y aura forcément, entre notre propre expérience de quelqu’un, et l’image que cette personne projette et soigne sur le net.
Parfois, je ressens presque de la tristesse de voir, sur les réseaux sociaux, que certaines personnes dont j’ai pu être proche jadis vivent leur meilleure vie, mais sans moi dans le tableau. Je n’ai toutefois pas le cœur de me désabonner, car les suivre est le seul fil qu’il me reste pour percevoir comment elles vont et ce qu’elles font. Mais le fait d’en apprendre plus au moyen de posts publics qu’à travers un échange personnel peut tout à fait être blessant, en effet.
L'ourse bibliophile
9 août 2023
Le pire, c’est que je le ressentais même sur des sujets qui n’étaient pas particulièrement intimes. Mais peut-être que ça vient aussi de moi, que j’ai égoïstement besoin d’un échange privé pour nourrir mes amitiés plutôt que d’informations que « tout le monde » connaît (ce que tu évoques à la fin de ton commentaire d’ailleurs, donc je comprends cette tristesse).
De mon côté, je me limite aux chroniques livresques sur le blog, sans raconter de choses trop personnelles, notamment parce que je sais que quelques personnes de ma vie physique peuvent me lire. (Il y a mes petits plaisirs mensuels, mais je reste succincte et évidemment je me révèle entre les lignes par mes ressentis sur les livres, mais ça reste, je pense, discret. Après il y a les commentaires, mais je ne pense pas que quelqu’un va me traquer jusque sur les blogs d’autrui pour savoir ce que je dis. ^^) Et ça me met toujours un peu mal à l’aise quand quelqu’un d’IRL me parle de mon blog finalement.
Donc je ne peux qu’imaginer les situations quelque peu délicates dans lesquelles tu as pu te trouver, même si je suis surprise que cela soit allé jusqu’aux reproches.
Marie ☽
17 septembre 2023
Même chose ici, à tel point que, sur la dizaine de cartes de visite « d’artiste » que je viens d’imprimer, je n’ai pas mentionné l’URL de mon blog. C’est quoi, mon problème ?
Mon problème, c’est qu’il y a d’une part encore beaucoup de préjugés sur le format blog, et d’autre part, je n’ai pas forcément envie d’avoir à justifier certains billets personnels à des personnes que je viendrais tout juste de rencontrer, même dans un contexte a priori favorable à l’art et aux curiosités.
Même si la création de l’Antichambre m’a permis justement d’allier à la fois le côté « public » et visible de mon blog, et un aspect beaucoup plus personnel et souterrain, qui ne se révèle qu’aux personnes que mon blog intéresse assez pour s’abonner (un gros tri s’effectue à ce moment-là, et c’est un soulagement).
Mais au fond de moi, je sais que mon blog est un secret de Polichinelle. Quiconque cherche, peut trouver. Et peut-être que si ça me gênait tant que ça, j’aurais trouvé une autre façon de publier mes écrits, de manière encore plus verrouillée. Je ne le souhaite pas, parce que je tiens très fort à l’universalité, à l’ouverture et à la gratuité des contenus sur le web. Et aussi, je ne publie rien de répréhensible ; je n’ai pas honte de ce que je publie, c’est juste que je n’ai pas forcément envie d’en discuter avec n’importe qui. Je crois que c’est plus les interactions indésirables que mon blog pourrait provoquer, plutôt que le fait que mon blog soit lu, qui me pose problème. Mais j’ai la chance d’avoir été plutôt préservée jusque-là.
Et quand bien même des fâcheux/fâcheuses apparaissent, on ne doit d’interaction et d’explication à personne en ce qui concerne nos blogs et publications numériques (dans la limite du respect de la loi, bien entendu). Ça fait du bien de se le remémorer de temps en temps.
L'ourse bibliophile
17 septembre 2023
Je ne crois pas que c’est vraiment un problème, je pense qu’il faut juste trouver un équilibre pour être à l’aise, et si tel est le tien, en dépit du fait que ton blog parle beaucoup de ton travail d’artiste… ce n’est pas un problème.
Je comprends totalement ton ressenti par rapport à la justification de certains contenus, aux interactions potentiellement peu agréables. Même s’il n’y a rien de honteux ou de répréhensible, nous n’avons pas forcément envie de nous justifier tout le temps et c’est d’autant plus vrai que tu abordes parfois des choses personnelles. C’est un peu paradoxal peut-être, puisque l’on expose les choses volontairement… Et cette ouverture vers autrui est chouette aussi.
Pour ma part, j’ai la chance de n’avoir jamais vraiment connu d’interactions désagréables (sauf une fois, au début, ce qui m’avait pas mal ébranlée).
Je ne pensais pas que l’Antichambre triait autant de personnes, mais tant mieux si ça remplit sa fonction suffisamment efficacement.
Aube Épine
19 juillet 2023
J’étais en train de faire un énième menage sur ma boîte mail (surtout la partie réseaux sociaux hyper envahissante) quand j’ai trouvé ta newsletter qui me fait toujours autant de bien. Merci! Merci beaucoup Marie pour ce long, bel et tonitruant article qui fait écho à beaucoup de questions qu’on se pose en ce moment avec Voyage en Terres Contées. Au-delà de la sensation de bosser comme des fous pour très peu de « vues », ça nous a amené.e.s à prendre conscience du sentiment de déprime qui commençait à nous atteindre. Ca nous a permis de nous dire qu’on aime ce qu’on fait, même si on ne « touche » pas grand monde avec nos petits contenus, et qu’on ne devrait pas avoir à les paramétrer pour capter « l’attention » des bots et des algo. Ca me fait beaucoup de bien de lire en détail ta réflexion à ce sujet. Ca ne m’a pas refroidie. Au contraire. Ton article souffle un vent de liberté. Tes photos me donnent envie d’aller encore crapahuter pour découvrir tous ces trésors au fin fond de la Bretagne. Ton blog est une insepuisable source d’inspiration pour nous. Et grâce à toi (dont le blog a été l’un des principaux modèles qui nous ont permis de construire le nôtre, comme tu le sais), on a réussi à créer notre propre newsletter il y a peu. Bravo pour tout ce que tu as fait jusque là et que tu continues à faire. Et bravo à toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre longuement à cet article en commentaire. Vous me donnez de l’espoir !
A.
Marie ☽
4 août 2023
Chère Aube Épine, merci pour ta sincérité et tes belles pensées. Oui, publier un blog culturel de manière bénévole a des aspects ingrats. On s’investit beaucoup, depuis longtemps, mais ces efforts donnent parfois l’impression d’être des coups d’épée dans l’eau. Je connais très bien ce sentiment…
C’est au fil du temps que des blogs ultra-niche comme les nôtres touchent leur public (qui restera toujours limité, par définition). Ça fait bizarre, car les réseaux sociaux nous ont habitué·es à ce que tout aille vite, aux soit-disant « succès du jour au lendemain » (pure faribole). Ce n’est pas donné à tout le monde de construire un projet aux racines si profondes et solides qu’il survit aux modes et au temps qui passe.
Et, pour parler un peu plus concrètement, il ne faut pas sous-estimer la « longue traîne » : selon moi, la vie d’un article de blog aujourd’hui s’inscrit dans un temps long, plus que dans les premières semaines qui suivent la publication. C’est grâce au référencement naturel, aux personnes qui font un lien depuis leur blog vers le vôtre, au bouche à oreille, aux rencontres aussi, que VETC continuera sa course poétique autour du soleil. Mais, oui, cela nécessite un peu de patience et d’obstination, qualités dont vous ne manquez pas !
Je suis très heureuse que vous ayez lancé une newsletter, je me suis d’ailleurs bien sûr inscrite. Hâte de découvrir vos prochaines aventures ! Merci encore, et à bientôt.
Kellya
22 juillet 2023
Je lis cet article dans une soirée ou mon énervement contre Instagram m’en a éloigné, comme cela est oportun! Je ne comprends meme plus ce que je vois, la distance entre ce que je souhaite et ce qui m’apparait vraiment ne fait que s’aggrandir et m’épuiser un peu plus chaque jour. Demain sera donc une journée sans réseaux, ou plutot sans scroller (je me permets de revenir à des articles et ou videos que j’ai enregistrés précédemment). Cette manipulation de nos instincts pour vendre toujours plus me révulse, et comme beaucoup ici ce n’est pourtant pas la quantité de choses que je souhaiterais faire qui manque, bien au contraire! Et puisque moi aussi j’ai la chance de ne pas dépendre des réseaux pour gagner mon pain, rien ne m’empéche d’entamer un changement drastique de comportement. Je ne savais pas que Subtrack permettait aussi un flux RSS, je vais pouvoir remplacer plusieurs newsletters par leur équivalent RSS, youpi!
Je vais répéter beaucoup de commentaires, mais tes photos sont de vraie bonbons pour les yeux, j’aime particulièrement les détails d’Auxerre, dommage que je n’ai absolument rien à faire dans ce coin là.
Marie ☽
4 août 2023
Hello Kellya, merci pour ton mot, tes compliments sur mes photos, mais aussi pour tes idées intéressantes (yayy pour ton blog, au fait !). J’ai toujours eu le plus grand mal à changer drastiquement mes mauvaises habitudes, même quand j’essaie de toutes mes forces. Ce qui fonctionne mieux pour moi, c’est d’y aller progressivement.
C’est pour ça que les idées que tu as partagées sur ton blog me parlent, car ce sont des règles relativement simples, des limites qu’on se fixe mais qui tiennent de nos habitudes et de notre rythme.
L’idée de ne pas consulter son fil d’actualité le week-end par exemple est très intéressante, puisque c’est justement le week-end que l’on peut, en théorie, profiter d’un peu de temps libre. Autant en profiter pour faire autre chose que doom-scroller. Et, en semaine, le fait d’avoir moins de temps libre aide aussi à limiter le temps passé sur ces applis.
Kellya
13 août 2023
C’est le tout premier retour que j’ai sur mes écrits, et j’en suis toute touchée! C’est ce genre de petites attentions qui font du monde des blogs un petit cocon bien agréable.
Je crois que c’est parce que je n’étais pas naturellement douée à changer mes habitudes que je passe autant de temps à y réfléchir.
Marie ☽
17 septembre 2023
Je t’en prie ! Découvrir que tu as commencé à bloguer m’avait vraiment mise de bonne humeur 😸 Et si ça peut te rassurer, absolument personne n’est doué pour changer ses habitudes. Passer du temps à réfléchir avant d’agir est plutôt sain, du moment que cela ne tétanise pas au point de, finalement, ne rien faire.
Fabienne
23 juillet 2023
Coucou Marie, je débarque (mais j’étais où tout ce temps ? ah ben à scroller dans le Néant tiens, justement) et je lis direct ce billet qui me fait, comme à beaucoup, tellement de bien. L’addiction est un truc sérieux et cette e-came là est particulièrement fignolée pour nous poncer tout libre arbitre. J’ai tant mais tant besoin de décrocher, 2 boulots dont un nouveau, des arbres qui attendent ma pelle et une compéte dans 3 mois, mais je suis dingue ou quoi…
En tout cas merci merci, ça va mieux en le disant et en le lisant, je ne peux pas tout lâcher moi non plus, pour des raisons similaires, mais réduire à fond, oui je veux tenter. Et merci +++ pour les solutions concrètes telles que l’abo par mail, une fois le cruel diagnostic posé, on a besoin de l’antidote !
Bien contente de découvrir, un peu en décalé et un peu par petits bouts, ton Antichambre d’échos qui résonnent toujours :*
Marie ☽
4 août 2023
Coucou Fabienne ! Oui, quel kiff de se retrouver par ici ! Merci, vraiment, d’avoir accordé à cette tartinette un peu de ton temps.
Des contenus asynchrones qui ne disparaissent pas sans action de notre part, ce n’est pas si compliqué, bon sang. Créer ou maintenir un blog : comment déglinguer le FOMO en une leçon.
Il y a quelques mois, alors que je faisais part, sur un de feux mes comptes Twitter, de mon hésitation à relancer mon blog professionnel, un parfait inconnu m’a répondu qu’il fallait relativiser sa propre importance.
Sur le moment, bien sûr, je l’ai mal pris. Mais plus le temps passe, plus j’y puise de la vérité et de la sérénité.
Ce n’est pas que nos fils d’actualité ou les blogs ne sont pas importants ; c’est simplement qu’il y a des choses plus importantes, et plus concrètes. Je comprends de plus en plus les personnes qui privilégient ces dernières – même si j’explorerai un jour les raisons qui m’ont, personnellement, amenée à surinvestir émotionnellement Internet et les rencontres que j’ai déjà pu y faire.
Bon courage pour les deux boulots, le pelletage et la compète. This too shall pass.
Diglee
18 août 2023
Ma chère Marie
Quelle puissance dans cet article: j’y ai trouvé tout ce que je traverse aussi à l’égard d’Instagram, dont je veux m’éloigner au maximum.
Plus j’en apprends sur le fonctionnement interne de ces « réseaux sociaux » (qui portent mal leur nom), plus je me dis que je préserve ma vie, ma santé et ma créativité en les désertant.
Or les quitter tout à fait, dans le contexte actuel, (comme tu le soulignes à merveille) est encore trop drastique.
Donc merci d’avoir passé du temps sur cet article qui donne tout de même beaucoup d’espoir. Je reçois pas mal de commentaires de personnes qui verbalisent leur tristesse de ne plus avoir de blogs à suivre.
Je pense aussi que le blog est un des derniers lieux de liberté et de partage créatif, encore faut il qu’on réussisse à échapper aux voleurs d’attention que sont devenus Insta et autres TikTok. (Et cette citation concernant les mails qui colonisent notre temps d’écriture !!! 🤯🤯🤯)
Bref: j’ai envie de faire partie de cette mouvance plus lente, plus déployée et plus profonde, loin des réseaux, et te lire comme toujours me file un vrai coup de fouet (positif).
Donc:
Merci!
Et Bravo pour ce travail toujours si riche que tu offres en ligne.
🌼🫶🏻
Love
Maureen
Marie ☽
17 septembre 2023
Ma chère Maureen,
Je te remercie très sincèrement d’avoir pris le temps de lire ce billet, et de partager avec moi tes réflexions à chaud.
Cela m’honore, mais je pense que c’est une démarche que tu as entamée il y a quelques années déjà ; on est plusieurs à bien se souvenir de ce moment où tu avais signifié faire une très longue pause d’Instagram, il y a quelques années (cela fait déjà si longtemps ? hé bien oui, je crois bien). Cela avait touché un point sensible – le genre de vérité que je pressentais au fond de moi depuis longtemps, mais que j’ai l’habitude de nier en continuant à agir jour après jour à l’inverse de ce que me dicte ton instinct.
Début 2023, une amie écrivaine m’a donné ce conseil : stop social networks, and write. Les quitter complètement ne me semble en effet pas possible, pour tout un tas de raisons que j’ai déjà en partie expliquées. Mais on peut tout à fait relativiser l’importance qu’ils ont dans notre vie, et rationnaliser l’utilisation que nous en faisons. C’est ce chemin que j’ai choisi de suivre, en tout cas.
Je mentirais toutefois si je disais que je ne trouve aucun plaisir à échanger avec des personnes passionnées par le même genre de bizarreries que moi au quotidien, au détour de messages privés. Mais je dois vraiment me contraindre à limiter le temps que je passe à répondre à tout le monde, pour ne pas que ça empiète sur mon temps de création, qui doit absolument prévaloir.
Le fait de prendre des moments, de temps en temps, où l’on est vraiment injoignable par ce biais, me semble tout à fait compatible avec une utilisation plus sobre et plus respectueuse de notre temps personnel.
Je ne pense pas trop m’avancer en disant que ton blog fait partie des tout derniers Highlanders, cette lignée de blogs personnels, poétiques et authentiques que j’aime moi aussi tant lire et relire.
(Note : j’écris d’ailleurs ce commentaire depuis le train qui m’emmène au bout de la terre, pour sept jours de vadrouille en solo, perspective que ta propre retraite m’a offerte, voilà déjà quelques années aussi.)